Revenir en France : les anciens expatriés livrent leurs conseils (2/5)

Par Audrey Fisne  |   |  1437  mots
Rentrer en France après avoir vécu à l'étranger implique de nombreuses démarches ainsi qu'une réinsertion dans le quotidien du pays qu'il ne faut pas sous-estimer.
SÉRIE EXPATRIÉS 2/5 - Qui de mieux placé qu’un ancien "expat" pour parler du retour en France ? Qu’ils aient été forcés de rentrer, pour des raisons familiales ou professionnelles, ou qu’ils aient choisi de regagner le territoire, ces ex-Français de l’étranger nous livrent leurs conseils.

Réinscription à la sécurité sociale, recherche de logement, réintégration des enfants dans le système scolaire français... Les étapes, en rentrant en France, sont nombreuses et demandent patience et organisation. Pour mieux visualiser les démarches à faire, un simulateur de retour né en février 2016, suite au rapport de la sénatrice Hélène Conway-Mouret, s'est fait une bonne réputation assez rapidement.

« Plusieurs ministres avaient déjà porté leur attention sur les expatriés. Politiquement, par exemple, nous avons toujours eu une représentation. Le retour, pour le coup, était l'une des parties les moins bien gérées. D'où, la volonté de mieux le structurer avec ce simulateur », souligne Christine Demmel, secrétaire générale de l'association France Retour Accueil.

Après un questionnaire, les expatriés souhaitant revenir en France accèdent à des informations individualisées en fonction de leur situation professionnelle et familiale. Un rétro-planning leur est ainsi proposé. « C'est une première bonne nouvelle », assure Agnès Brouhard, ancienne expatriée ayant vécu à Washington et à Bruxelles. Celle-ci, qui est adhérente à France Retour Accueil, se réjouit d'avoir été consultée lors de l'élaboration du rapport d'Hélène Conway-Mouret. « On a essayé de relayer les problèmes, tout ce qui est administratif notamment. » Si le bilan n'est pas totalement positif, l'ancienne expatriée préfère voir le verre à moitié plein :

« Nous avions demandé un guichet particulier pour la CAF ou la Sécurité sociale. Mais il nous a été répondu qu'il ne fallait pas faire de favoritisme. L'idée était plutôt de gagner du temps ! On n'a pas été entendu sur tout, mais, au moins, on a pu mettre le doigt sur les soucis. »

■ La protection sociale

Selon Humanis, groupe spécialisé dans la protection sociale, seuls 29% des Français de l'étranger sont préparés au risque de retour en urgence. Or, un rapatriement inattendu peut être possible. Plus globalement, la problématique de la protection sociale est importante pour les Français de l'étranger. Le retour, à l'image du départ, se prépare en avance. « Il vaut mieux préparer et sécuriser son retour. Réfléchir en amont à la protection sociale pour laquelle on opte », précise Sylvaine Emery, directrice des activités internationales chez Humanis. Elodie Durez, expatriée revenue en France avant de repartir, renchérit : « Dès son départ, il faut prendre une bonne mutuelle. » Une démarche dont ceux partant via leur entreprise n'ont pas besoin de s'inquiéter mais qui peut tout de même s'avérer utile pour beaucoup d'expatriés.

■ Prendre un peu de temps pour se réacclimater

En rentrant, on peut avoir hâte de se réinsérer dans le quotidien. Ce qui, souvent, implique de trouver un travail. Or, les anciens expatriés revenus en France sont plusieurs à estimer qu'un temps d'adaptation est nécessaire pour permettre une transition en douceur. Alexandra Schneider, ayant menée sa carrière pendant 13 ans en Asie, s'est octroyée plusieurs mois de réflexion. Elle en a profité pour faire un petit tour d'Europe avant de se réinstaller en France.

« Au début, je ne savais pas si c'était vraiment là que je voulais poser mes valises. J'hésitais entre Londres et d'autres pays... »

Finalement, ce sera pour la France qu'elle optera, avec un projet de reconversion professionnelle, préparé pendant plusieurs mois. Le conseil est le même pour Françoise Chauvet, ayant vécu 8 ans en Italie puis à Hong-Kong. « Il faut prendre son temps. Personnellement, je n'ai pas eu envie de retrouver d'emblée un travail. »

■ Bien s'informer, notamment auprès d'associations

Cela peut paraître un conseil très banal mais évidemment, il faut bien s'informer sur le retour. Outre le simulateur, évoqué plus haut, il ne faut pas hésiter à varier les sources. De nombreux groupes sur les réseaux sociaux se sont développés pour que les anciens expatriés y partagent leurs réflexions, leurs conseils. Varier les témoignages permet d'obtenir une vision plus large. Et si, les sites institutionnels sont nombreux à fournir des indications sur le retour, les anciens expatriés via les associations pour le retour en France font aussi de très bonnes sources de conseils. Sans être exhaustif, nous pouvons en citer quelques-unes. L'Union des Français de l'Etranger (UFE), plus ancienne association remplissant cet objectif, accompagne les expatriés dans les différentes étapes, de leur départ, à leur retour. Elle est représentée dans 170 lieux dans le monde. La Fédération Internationale des Accueils Français et francophones d'Expatriés (FIAFE), vaste réseau, devenue une référence pour les Français de l'étranger, regroupe 220 accueils dans 90 pays. Là aussi, l'association oriente et informe les expatriés. France Retour Accueil est également présent pour distribuer des conseils en amont mais, surtout, organiser des événements afin de rassembler un maximum d'anciens expatriés revenus en France.

« On propose des visites, des cafés, des sorties en groupe. On organise aussi des conférences sur le retour, du coaching sur des thématiques spécifiques... On partage surtout nos propres expériences (scolarité des enfants, immatriculation d'un véhicule... », explique Christine Demmel, secrétaire générale de l'association.

« Et puis, surtout, c'est un carnet d'adresses car, quand on revient en France, ce n'est pas forcément évident de reprendre une vie sociale même si on revient à l'endroit où l'on était avant de partir. »

Et si ces aides sont bénévoles, on peut aussi opter pour les organismes proposant leurs services pour le processus de retour, permettant en outre un coaching mais aussi le travail administratif etc. Des sortes de « box » tout compris.

■ Bien réfléchir... avant un nouveau départ ?

Là aussi, il s'agit d'un conseil qui semble couler de source. Les anciens expatriés sont cependant unanimes : un retour en France se prépare et doit se réfléchir. A l'image d'Alexandra Schneider, qui, à son premier retour, s'est finalement rendue compte sur place qu'elle n'était prête à revenir en France, touchée par une sorte de « mal de pays » : « De plus en plus, la France n'était pas 'la maison'. » L'expatriation peut devenir un virus. Les individus s'étant expatriés sont souvent appelés à repartir. Elodie Durez, partie avec son conjoint une première fois au Royaume-Uni, ne s'est pas attardée en France après un premier retour. En couple, ils ont déménagés en Suisse puis en Irlande. « Le côté 'british' nous manquait », estime-t-elle. Aujourd'hui, ils envisagent de rentrer en France...pour repartir ensuite, peut-être au Canada.

« C'est un sentiment étrange. Au début, lorsque l'on part, on a l'impression d'être tout le temps en vacances. Mais quand on est en France, l'étranger nous manque et c'est l'inverse lorsqu'on n'y est pas. Il n'y a pas de 'bon pays' finalement. »

Avant de rentrer, Elodie le redit : « Il faut vraiment se poser la question. Peser le pour et le contre. S'expatrier, ce n'est pas comme partir en vacances. »

> Lire aussi : Retour des expatriés : « Je suis partie pour mieux revenir »

■ Voir le retour, comme une nouvelle expatriation

Pour les anciens expatriés, le retour n'est pas une fin en soi. Souvent, cela marque le début d'une nouvelle aventure, personnelle ou professionnelle. Il ne faut sous-estimer le processus qui peut être troublant. Pour faciliter la transition, certains peuvent compter sur un lieu qui leur sert de refuge : une maison de famille dans laquelle ils se sont habitués à aller depuis plusieurs années par exemple. C'est le cas pour Sabine de la Villemarqué, partie en famille en Chine puis au Etats-Unis. Si ses trois enfants n'ont jamais vécu en France, ils ont toujours séjourné pendant les vacances dans une petite maison au bord de la mer.

« Ce qui nous a sauvé du drame, c'est notre cocon en quelque sorte. Je pense que c'est la clé pour que les choses se passent bien. Avoir, malgré les déplacements, un chez soi, qui facilite le retour », témoigne l'ancienne expatriée.

Autre petit conseil qu'elle livre : le retour en France doit être appréhendé comme une nouvelle expatriation, comme une étape supplémentaire. Ainsi, elle entend visiter la France, à la manière d'un pays étranger, la redécouvrir en quelque sorte, comme pourraient le faire des expatriés tout juste débarqués.

> Lire aussi : Le retour, loin d'être une fin en soi, une « expatriation à l'envers »