Retraites complémentaires : le plan de la CFDT pour sauver les régimes

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1092  mots
La CFDT propose notamment d'instituer un prélèvement de 4% sur les pensions de retraites complémentaires pour sauver ces régimes
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a présenté un plan d'économies pour sauver les régimes de retraites complémentaires Arrco/Agirc qui se pose en alternative aux propositions patronales. La CFDT propose notamment d'instituer une contribution exceptionnelle de 4% sur les pensions de retraites complémentaires durant environ deux ans.

Dans le cadre de la très délicate négociation sur l'avenir des régimes de retraite complémentaire Arrco (ensemble des salariés) et Agirc (cadres), la CFDT ne veut pas laisser dire qu'il n'y a pas d'alternative possible aux potions amères proposées par le camp patronal. La centrale de Laurent Berger a donc formulé des propositions faisant porter l'effort nécessaire sur les retraités, les salariés et les entreprises.

Les organisations patronales et syndicales, gestionnaires de ces deux régimes, doivent se retrouver le 16 octobre pour une nouvelle séance de négociation. La dernière, le 22 juin, s'étant soldée par un échec. Or, avec la crise économique, l'arrivée des papy boomers à la retraite et le chômage de masse, l'Agirc et l'Arrco ont vu leurs déficits respectifs se creuser à 1,985 milliard et 1,153 milliard en 2014. Si rien n'est fait, leurs réserves seront épuisées d'ici à 2018 pour l'Agirc et à 2027 pour l'Arrco. Il y a donc urgence.


Le Medef veut reculer l'âge du départ à la retraite via des abattements sur les pensions

Pour remédier à la situation, le camp patronal (Medef, CGPME, UPA) suggère de sévères mesures conduisant à réaliser 6,9 milliards d'économies d'ici 2020. Pour ce faire, le patronat propose notamment des abattements dégressifs et temporaires sur les pensions afin de de pousser les actifs à travailler jusqu'à 65 ans. La décote serait ainsi de 30% à 62 ans, de 20% à 63 ans et de 10% à 64 ans. Ces abattements seraient applicables à partir de 2019. La CFDT, à l'instar des autres syndicats, ne veut pas entendre parler de tels abattements. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, regrette même que « pour la première fois dans une négociation sur les retraites complémentaires, le Medef remette ouvertement en cause l'âge du départ à la retraite ». A cet égard, dans le camp syndical, certains se demandent si le patronat ne joue pas la politique du pire pour se désengager de la gestion des régimes complémentaires et pousser l'Etat à prendre le relai.
Aussi, la CFDT avance ses contrepropositions pour réaliser des économies sans faire porter tout le poids des efforts sur les seuls salariés. Le syndicat rappelle qu'il y a urgence car, si rien n'est fait et si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, le montant de toutes les pensions servies par l'Agirc sera revu à la baisse de plus de 10% en 2018. Le plan de la CFDT se décompose en trois temps.

Limiter la revalorisation des pensions à un montant inférieur à l'inflation

Dans un premier, jusqu'au 1er janvier 2019, le syndicat propose de maintenir la moindre revalorisation des pensions décidée dans un accord de 2013. Ainsi, en 2016, 2017 et 2018, les pensions seraient revalorisées au niveau de l'inflation moins un point. Cependant, il existerait une garantie de maintien de pouvoir d'achat pour les 25% de retraités les moins aisés qui ne sont pas assujettis à la CSG pleine.

Par ailleurs, le taux de rendement des retraites complémentaires - rapport entre la valeur du point de retraite et le prix d'un point de retraite augmenté du taux d'appel des cotisations - serait réduit, tout en restant au-dessus de 6%. Selon la CFDT, le système resterait ainsi tout de même attractif car un taux de 6% permet de financer en moyenne 16 années de retraite. C'est-à-dire qu'après 16 années de retraite, le pensionné aurait récupéré toutes les cotisations versées durant sa carrière. Or, l'espérance de vie moyenne étant encore de 20 ans après l'âge de 60 ans, il resterait un « rab » de quelques années.

La CFDT propose également de mutualiser les réserves des deux régimes Arrco et Agirc dès 2017 dans la perspective d'un régime unifié. Il conviendrait aussi d'ouvrir des négociations de branches avant le 1er janvier 2018 pour redéfinir le statut de cadre qui devrait être lié aux responsabilités et compétences plutôt qu'au rattachement à un régime de retraite.

Augmenter le cotisation des entreprises de 0,1% durant trois ans

Dans un deuxième temps, (années 2019-2024), fidèle à  une position ancienne, le syndicat propose la création d'un régime unifié des retraites complémentaires appelé « Nouveau régime unifié » (NRU). Ce NRU serait fondé sur le niveau de rémunération et non plus sur le « statut » (à la différence de l'Agirc aujourd'hui qui couvre les salariés avec un « statut » cadre quelle que soit leur rémunération). Il n'y aurait plus qu'une seule valeur de point pour l'ensemble des salariés.

La CFDT propose aussi une hausse des cotisations des entreprises des 0,1% de 2019 à 2021, ainsi que la création d'une contribution patronale en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle concernant un salarié de plus de 50 ans. Et ce pour « que les employeurs qui se séparent des salariés les plus âgés en assument les conséquences ». Un dispositif similaire a existé dans le temps, connu sous le vocable « contribution Delalande »).

Une contribution exceptionnelle de 4% sur les pensions des retraités

Enfin, point qui va faire grand bruit, le syndicat propose d'instaurer une contribution de solidarité intergénérationnelle (CSIG) de 4% pour tous les retraités pendant une durée égale à l'écart ente l'âge effectif moyen de départ à la retraite et l'âge d'équilibre du régime, soit une durée moyenne de deux ans. Les retraités les plus modestes seraient exonérés de cette contribution ainsi que ceux ayant cotisé plus que la durée légale. La CFDT assume aussi le fait de proposer de mettre sous conditions de ressource progressive les pensions de réversion servies par les régimes complémentaires, à l'instar de ce qui existe déjà dans le régime de base de la Sécurité sociale.

Selon la CFDT, dans un troisième temps, après 2024, les pensions pourraient être indexées sur la croissance. Au total, selon Laurent Berger dans un entretien accordé au quotidien « Les Echos », ce plan permettrait de « réaliser 2,4 milliards d'économies en 2018, puis 3,3 milliards en 2020 et 7,3 milliards en 2030 ». La CFDT assure que les services de l'Arrco et de l'Agirc ont réalisé des chiffrages de ces propositions et qu'elles mèneraient à un retour à un système équilibré à partir de 2024.

La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a salué les propositions "constructives" de la CFDT pour "sauvegarder l'avenir des retraites complémentaires Agirc et Arrco", y voyant une "volonté de trouver un accord fondé sur un effort partagé".