Retraites : le gouvernement s'attaque à la pénibilité et l'emploi des seniors

Par Grégoire Normand  |   |  1217  mots
(Crédits : Reuters/stephane mae)
Le gouvernement présentera "d'ici 15 jours des grandes pistes" pour améliorer l'emploi des seniors et la prise en compte de la pénibilité au travail, a indiqué Muriel Pénicaud à l'issue de la réunion avec les partenaires sociaux sur la réforme des retraites.

L'allongement des durées de carrière pourrait avoir des répercussions considérables sur la santé des travailleurs âgés. Pour tenter d'éteindre les craintes dans certaines professions, le gouvernement est actuellement en opération déminage. A l'issue d'une réunion multilatérale entre les représentants des salariés, le patronat et l'exécutif, la ministre du Travail Muriel Pénicaud est venue présenter en fin de matinée, le plan de bataille du gouvernement sur la pénibilité et l'emploi des seniors. Longtemps restés à l'écart des débats sur la réforme des retraites, ces deux thèmes demeurent pourtant des sujets de préoccupation majeurs à l'heure où le chômage de longue durée et les discriminations à l'égard des personnes âgées de plus de 50 ans persistent. L'un des objectifs de cette réunion était de faire un état des lieux de la situation.

"Ce que nous avons voulu faire aujourd'hui, c'est de discuter du diagnostic. Nous avons remis aux partenaires sociaux les éléments chiffrés sur le diagnostic sur l'emploi des seniors et les fins de carrière pour que l'on parle bien du même état des lieux. Parler de solution si on n'a pas la même analyse de la réalité ne permet pas d'avancer. Nous avons réalisé cette phase et les pistes de solutions sont déjà nombreuses" a expliqué la ministre.

Bien que ces discussions soient perçues comme un signe d'ouverture chez certaines organisations syndicales, les crispations sur la réforme des retraites sont encore très présentes. Les transports en Ile-de-France restent très perturbés et le trafic SNCF est loin d'être revenu à la normale. La secrétaire confédérale de la CGT, Catherine Perret a assuré après la réunion au ministère que "les grèves ne sont pas prêtes de s'arrêter. Les salariés à partir de jeudi seront très fortement mobilisés pour réclamer le retrait de la réforme à point, qui est une réforme mortifère."

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Prévention, reconversion et réparation

A l'entrée du ministère situé rue de Grenelle, Muriel Pénicaud a évoqué les trois axes de travail qui doivent être évoqués dans les prochains jours avec les syndicats, tout en restant assez flous sur les objectifs.

"Nous avons commencé à travailler sur la pénibilité et l'emploi des seniors. La pénibilité, c'est dire qu'il existe des métiers pour lesquels il y a une pénibilité importante. Il faut que l'on avance sur la prévention sur les métiers pénibles. Il y a des secteurs qui ont des démarches de prévention importantes. Beaucoup de choses peuvent être faites par les méthodes de travail, les équipements. Il faut prévenir ces métiers pénibles pour lesquels les personnes ne peuvent pas travailler toute leur vie et arrivent à la retraite dans des conditions de santé mauvaises".

La question de la reconversion pour les personnes ayant des conditions de travail difficiles a également été développée par la ministre. Certains salariés peuvent rencontrer des difficultés physiques après un certain âge. Pour éviter qu'ils soient exclus du marché du travail, le gouvernement veut faciliter les possibilités pour les travailleurs ayant des métiers pénibles de changer de profession.  "Nous allons examiner avec les partenaires sociaux la possibilité pour les personnes qui ont un métier pénible d'avoir un vrai projet de reconversion vers des métiers moins difficiles" a expliqué la ministre. Enfin, le dernier thème qui devrait être abordé est celui de la réparation, "c'est à dire les conditions dans lesquelles on peut partir plus tôt à la retraite si les personnes ont travaillé dans des conditions pénibles. Il existe déjà des dispositifs. Nous allons regarder comment nous allons pouvoir les améliorer".

Ouverture sur un critère de pénibilité

Sur l'ensemble des critères de pénibilité, Muriel Pénicaud a montré un signe d'ouverture sur le risque chimique très présent dans certaines industries.

"Sur les 10 critères de pénibilité, il y en 6 qui font l'objet d'un compte pénibilité. Si vous travaillez dans certains métiers, vous pouvez cumuler des points pour la formation, pour partir à temps partiel, ou partir plus tôt. Il y a un critère qui avait été mis en suspens, c'était le risque chimique. C'est très difficile à évaluer à court terme. C'est un risque différé comme les cancers liés aux risques chimiques. C'est sur la base d'un rapport que nous allons voir comment on peut améliorer ce critère. Les trois autres critères, comme les charges lourdes, ne sont pas mesurables secteur par secteur. Avec les partenaires sociaux,  nous nous sommes mis d'accord pour conforter la prise en charge."

Un calendrier serré pour des sujets complexes

Le calendrier annoncé par l'exécutif s'annonce très réduit alors que les sujets abordés devraient s'avérer complexes et techniques dans un contexte de tensions. La contestation de la réforme est loin d'être retombée malgré les vacances de Noël. Plusieurs organisations syndicales ont appelé à faire grève et à manifester dans les prochains jours.

"Nous allons travailler toute la semaine en bilatérale avec mes équipes et les organisations syndicales jusqu'à mardi prochain. Un point va être fait sur la pénibilité dans une semaine. Le même jour, Sophie Bellon (présidente de Sodexo) va remettre son rapport sur l'emploi des seniors [...] La semaine prochaine, nous allons travailler sur l'emploi des seniors. L'objectif est d'ici quinze jours d'avoir les grandes orientations. Il n'y aura pas tous les détails mais cela permettra au moment du conseil des ministres du 24 janvier d'avoir des grandes pistes pour les intégrer les semaines suivantes dans le projet de loi. Certains aspects sur la pénibilité, comme la prévention, pourront être intégrés au moment de la négociation sur la santé au travail".

La CFDT salue l'ouverture sur la pénibilité mais reste inflexible sur l'âge pivot

De son côté, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a tenu à saluer les signes d'ouverture du gouvernement sur la pénibilité et l'emploi des seniors.

"Sur la pénibilité, le minimum contributif, les retraites progressives ou alors les transitions dans les secteurs des fonctions publiques, il y a une volonté d'ouverture et de discussion. On va s'inscrire dans ces travaux avec des réunions sur un rythme intense pour porter nos revendications en termes de reconnaissance de pénibilité, de volonté d'avoir davantage de dispositifs de retraite progressive et d'augmentations plus conséquentes de minimum contributif. Nous allons aussi participer à des réunions sectorielles qui vont s'opérer dans l'éducation nationale ou les fonctions publiques territoriales ou hospitalières".

Le premier responsable de la centrale en a profité pour redire son opposition au maintien de l'âge pivot dans la réforme des retraites, principal point d'achoppement entre la CFDT et le gouvernement.

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