Simplification administrative : une promesse qui ne date pas d’hier

Par Fabien Piliu  |   |  1118  mots
Le 27 avril 1964, au Dîner des Jeunes Patrons, Georges Pompidou déclarait : "À l'heure actuelle, investir en France est un travail. C'est d'abord un travail administratif, car il faut passer toutes les filières et tous les bureaux, remonter toute la hiérarchie pour obtenir toutes les permissions, toutes les bénédictions. Je reconnais que c'est une calamité et si je puis dire quelque chose pour simplifier tout cela, croyez bien que je le ferai."
En mars 2013, François Hollande a donné le coup d’envoi d’un choc de simplification pour alléger le quotidien administratif des ménages, et surtout des entreprises. Ce mercredi, c'est un nouveau train de mesures qui a été annoncé par le gouvernement. Cette idée est loin d’être nouvelle.

Le 28 mars 2013, François Hollande, le chef de l'Etat, annonçait sur France 2 le lancement d'un choc de simplification pour alléger le quotidien des chefs d'entreprises et réduire le temps consacré à remplir des formulaires administratifs, réglementaires et fiscaux. Placé sous la tutelle de Matignon, un secrétariat d'Etat en charge de la réforme de l'Etat et de la Simplification a même été (re)créé pour mener à bien cet objectif.

Depuis, plusieurs centaines de mesures ont été prises en faveur des entreprises et aussi des particuliers. Ce mercredi, en Conseil des ministres, le gouvernement a annoncé une 170 mesures, 90 en faveur des entreprises et 80 en direction des particuliers. Invité à ouvrir la conférence inaugurale du Salon des entrepreneurs, Manuel Valls,a rappelé les objectifs de cette réforme. " Grâce à la simplification, les chefs d'entreprises auront plus de temps pour chercher de nouveaux client, pour exporter, pour innover ". L'intention est bien évidemment louable. Mais elle ne date pas d'hier. Sous la Cinquième république, la simplification administrative a en effet été une priorité affichée de la plupart des présidents de la République et de leurs Premiers ministres. En témoignent leurs discours enflammés sur le sujet.

De Georges Pompidou à Raymond Barre

" À l'heure actuelle, investir en France est un travail. C'est d'abord un travail administratif, car il faut passer toutes les filières et tous les bureaux, remonter toute la hiérarchie pour obtenir toutes les permissions, toutes les bénédictions. Je reconnais que c'est une calamité et si je puis faire quelque chose pour simplifier tout cela, croyez bien que je le ferai », déclarait Georges Pompidou au Dîner des Jeunes Patrons le 27 avril... 1964.

Une dizaine d'années plus tard, les Français voyaient une nouvelle fois le chantier de la simplification s'ouvrir. " Le Gouvernement entend conduire, au cours des prochains mois, trois séries d'actions: la poursuite de la revalorisation du travail manuel, et plus généralement de l'amélioration des conditions de travail ; la simplification et la déconcentration accrue de nos instruments d'intervention en matière d'emploi et de formation professionnelle ; la recherche d'une meilleure insertion dans la vie professionnelle de certaines catégories de demandeurs d'emploi, notamment les jeunes et les cadres ayant perdu leur emploi. (...) La réforme de l'administration, la simplification des procédures, la lutte contre l'anonymat, voire l'irresponsabilité, seront un souci permanent pour le Gouvernement ", annonçait Raymond Barre, alors Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing, à l'Assemblée nationale, le 5 octobre 1976.

Quand VGE évoque une marée blanche

Deux ans plus tard, le 6 avril 1978, le président de la République enfonçait le clou. " L'accroissement des responsabilités et des libertés passe par une décentralisation hardie en direction des communes. Le Parlement devra être saisi de propositions à cette fin dès cette année. Il suppose aussi un large desserrement du carcan administratif. La France doit choisir délibérément les techniques modernes de conduite de son économie, qui sont la liberté à la base, et la concertation au sommet. La marée blanche de la paperasse doit être refoulée. Dans leur gestion, les ministres doivent être guidés par la hantise de la simplicité ". Un an plus tard était créé le ministère de la Réforme administrative, confié à Jean-François Deniau.

François Mitterrand y attachait beaucoup de prix

En 1981, la gauche arrive au pouvoir. La simplification administrative étant un sujet consensuel, François Mitterrand veut également mener ce chantier à bien. Lors d'une allocution adressée aux entrepreneurs de travaux publics de France et d'outre-mer, le 29 janvier 1982, le chef de l'Etat prononçait les paroles suivantes :

" Le rôle de l'Etat, vis-à-vis de votre profession, se présente sous trois aspects : d'abord, l'environnement juridique et technique, domaine important - compte tenu des relations étroites que vous entretenez avec l'Etat et les collectivités publiques. Cela intéresse les cahiers des charges, la passation des marchés, les règlements, tous points sur lesquels il est nécessaire de rechercher une meilleure simplification des formalités administratives, refrain entonné cent fois au-cours de ces dernières années. Mais je dois le dire, pour avoir été moi-même longtemps maire, conseiller général, président d'un conseil général, j'ai constaté le grignotage de la paperasserie, source de tracas le plus souvent inutile et j'attache beaucoup de prix à éliminer ce qui n'est pas indispensable ".

Jacques Chirac veut renverser le cours des choses

Quinze ans plus tard, le 11 janvier 1997 à Tulle, Jacques Chirac remettait l'ouvrage sur le métier. " Nous savons tous combien les charges de toutes sortes se sont développées dans le cadre d'un système d'irresponsabilité qui a duré trop longtemps et ces charges découragent les commerçants, les artisans, les professions libérales, les exploitants agricoles et finissent par faire obstacle à l'embauche ou à l'installation. Il était urgent de renverser le cours des choses, de faire en sorte que l'on se mette en situation le plus rapidement possible d'alléger les charges qui pèsent sur les entreprises, de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises, de simplifier la vie administrative. Je me félicite des décisions qui ont été prises et je demande au gouvernement de poursuivre activement, résolument dans cette voie car beaucoup reste à faire et les effets sont longs à se faire sentir sur le terrain ".

Nicolas Sarkozy veut y mettre un terme

Sans surprise, Nicolas Sarkozy ne fut pas en reste.
" Je sais aussi à quel point la complexité administrative est une entrave à l'esprit d'entreprise. Je veux saluer l'action d'Hervé Novelli qui a créé le statut de l'auto-entrepreneur, qui a été un succès considérable. Nous allons maintenant nous attacher à la simplification des formalités liées à l'embauche et nous avons fixé un objectif : divisé par quatre le nombre d'informations demandées aux employeurs dans le cadre des déclarations d'embauches. C'est déjà complexe pour vous de faire le choix de l'embauche, c'est un pari sur l'avenir, mais je ne peux pas accepter un système qui fait que tout est fait pour vous décourager. La complexité, elle est partout, aller inscrire sa vieille mère ou son vieux père dans une maison médicalisée, il faut être sorti dans la botte de Polytechnique, et encore récemment. Il faut voir les dossiers que l'on demande. Il faut absolument que l'on mette un terme à tout ceci ", déclarait-il le 16 mars 2011.

A  moins que le chantier soit achevé d'ici-là, on attend avec impatience de connaître les intentions du prochain président de la République. A moins que la simplification administrative ne soit pas une priorité.