Sortir la France de la "morosité", la nouvelle obsession d'Emmanuel Macron

Par Jérôme Rivet, AFP  |   |  755  mots
Emmanuel Macron, lors d'une visite de l'usine AstraZeneca à Dunkerque, le 20 janvier 2020. (Crédits : Reuters)
Ces derniers jours, le chef de l'État a exprimé à plusieurs reprises sa frustration face à "cette période qu'on voudrait morose". Pour lutter contre ces idées noires, Emmanuel Macron a mis en valeur la bonne santé de l'économie tricolore lors de plusieurs événements récents.

Emmanuel Macron cherche à sortir de la longue crise des retraites en s'appuyant sur les "bonnes nouvelles" économiques d'une France qui "avance grâce aux réformes". Mais il lui sera difficile d'en convaincre des Français majoritairement sceptiques et pessimistes.

Ces derniers jours, le chef de l'État a exprimé à plusieurs reprises sa frustration face à "cette période qu'on voudrait morose", comme il l'a dit mardi devant 500 patrons d'entreprises intermédiaires. "Je veux bien qu'on nous farcisse la tête de mauvaises nouvelles. On a l'impression que tout va mal", avait-il lancé la veille à Dunkerque. Mais "ce n'est pas vrai quand je regarde les chiffres".

En décembre déjà, il s'était désolé à Amiens de trouver le pays "trop négatif sur lui-même". "Est-ce que les choses vont moins bien qu'il y a 20 ans sur tous les sujets? Faux!", s'était-il emporté face à des étudiants, en les exhortant à "être positifs".

Pour lutter contre ces idées noires, Emmanuel Macron a mis en valeur la bonne santé de l'économie tricolore durant une série d'événements orchestrés par l'Élysée depuis vendredi: sommet Choose France sur les investissements étrangers, réception de 500 entrepreneurs et exposition "Fabriqué en France". Autant d'occasions de vanter la croissance plus forte que dans les pays voisins, les "plus de 500.000 emplois" créés en deux ans et demi ou le niveau record de créations d'entreprises.

Lire aussi : Macron en opération séduction auprès des patrons d'ETI

"Les bonnes nouvelles, elles n'arrivent pas toutes seules. Elles arrivent parce que notre pays se bouge, convainc les grands patrons du monde entier, fait des réformes sur le plan de la fiscalité, du travail, de l'organisation des territoires, pour attirer à nouveau des investissements", a-t-il clamé lundi en visitant une usine pharmaceutique à Dunkerque.

"Parti en campagne"

Mais l'exécutif reconnaît la difficulté de faire accepter à l'opinion que la situation s'améliore. Pis, le dernier baromètre mensuel d'Odoxa montre qu'une majorité de Français voit 2020 comme une année de faible croissance, de hausse des impôts et d'absence d'amélioration du pouvoir d'achat.

Lire aussi : Pouvoir d'achat : les Français déçus par le budget 2020

Pointant "un paradoxe français", le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a reconnu lundi qu'il fallait que "les bons résultats sur le plan statistique" se traduisent enfin "dans la vie quotidienne des Français".

L'exécutif parie sur le fait que ces progrès deviendront plus visibles dans les deux années qui viennent, au fur à mesure qu'approchera l'élection présidentielle de 2022.

"En voyant le président défendre avec fougue son bilan, j'ai eu l'impression qu'il était déjà parti en campagne", remarquait, amusé, un salarié de l'usine AstraZeneca de Dunkerque après l'avoir écouté discourir, debout au centre d'une estrade, le micro à la main.

Président des riches, l'étiquette qui colle à la peau de Macron

L'hôte de l'Élysée n'a pas encore annoncé s'il était candidat pour un second mandat, mais sa principale concurrente, Marine Le Pen, s'est déjà lancée la semaine dernière. Et a accusé mardi Emmanuel Macron de "jouer avec le feu" car, avec "les décisions qu'il prend, la manière dont il les annonce, le calendrier qu'il choisit, tout est fait pour créer les conditions d'une explosion sociale".

Brocardant "la démagogie" de "toutes les oppositions", Emmanuel Macron a de nouveau regretté mardi d'être présenté "tous les jours" comme "le président des riches". "Je ne le suis pas et je ne suis pas le défenseur de qui que ce soit", a-t-il dit, en défendant le bien-fondé de sa politique de l'offre et de ses mesures controversées comme la suppression partielle de l'ISF.

Mais "les électeurs ne votent pas pour un bilan" et "une campagne électorale ne se gagne pas avec des chiffres", l'a mis en garde mardi l'ancien conseiller politique de Matteo Renzi, le président centre-gauche du Conseil italien écarté du pouvoir en 2016 malgré des résultats économiques favorables.

"En 2022, plus que sur la base d'une check-list des réformes faites et des résultats obtenus, les électeurs français feront leur choix selon l'idée qu'ils se seront faite d'un leader dont ils auront pu évaluer les comportements sous la pression des événements. Accumuler les chiffres n'est pas très utile si l'amour entre un leader et ses électeurs s'est évaporé", avertit Giuliano Da Empoli dans une tribune publiée dans Le Monde.