Surtaxe des entreprises : ce que prévoit le gouvernement

Par Grégoire Normand  |   |  947  mots
Cette surtaxe exceptionnelle devrait rapporter 5,4 milliards d'euros pour les recettes de l'Etat.
La surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises a été validée jeudi en Conseil des ministres. Il concernera les 320 plus grands groupes français, réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel, a indiqué le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.

C'est un sujet potentiellement explosif pour le gouvernement. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin ont élaboré un projet de loi de finances rectificative (PLFR) en urgence, qui prévoit de récupérer environ 5 milliards d'euros auprès des grandes entreprises. L'exécutif propose d'imposer aux 320 plus grandes entreprises françaises une surtaxe exceptionnelle pour rembourser une partie de la taxe sur les dividendes instaurée sous le quinquennat Hollande, mais invalidée par le Conseil constitutionnel le 6 octobre dernier.

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"Un effort considérable"

Au micro de France 2, Bruno Le Maire a indiqué, ce mardi 31 octobre que cette mesure concernera les entreprises qui font plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires. "J'ai conscience que je leur demande un effort considérable", mais "je fais appel à leur sens civique. Ce sont des entreprises qui se portent bien, qui ont de bons résultats. Je leur demande une contribution exceptionnelle", a expliqué le ministre de l'Economie.

Au lieu du taux normal de 33,3%, les bénéfices des grands groupes français réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires seront ainsi taxés à 38,3%, et même 43,3% pour ceux dont l'activité dépassera 3 milliards d'euros cette année, a détaillé M. Castaner, après le conseil des ministres. Selon le compte rendu de la réunion, le rendement de cette "contribution exceptionnelle" est estimé à "5,4 milliards d'euros, dont 4,8 milliards seront versés en 2017 au titre d'un acompte payé avant le 20 décembre de cette année et représentant 95% des montants dus".

Avec cette fiscalité "exceptionnelle", qui sera appliquée en 2017, Bercy entend respecter l'engagement européen de la France visant à ramener son déficit budgétaire sous la barre des 3%. Le gouvernement français a confirmé jeudi que le déficit public se maintiendra cette année à 2,9% grâce à cette surtaxe sur les entreprises. M. Le Maire a ajouté qu'il n'y aura pas de compensation à la contribution exceptionnelle demandée aux grandes entreprises pour financer le remboursement de la taxe sur les dividendes et les litiges qu'elle a occasionnés. Il a enfin rappelé que le gouvernement devrait faire voter "une baisse de l'impôt sur les sociétés qui sera de huit points sur cinq ans" dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques.

Des incertitudes pour le Haut conseil des finances publiques

Ce jeudi 2 novembre, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a émis un avis exprimant "des incertitudes sur le chiffrage du dispositif proposé par le gouvernement". L'institution note que la saisine du gouvernement ne prend pas en compte les effets de cette mesure sur les finances publiques en 2018, alors même que ceux-ci peuvent être substantiels. Le HCFP souligne également que le projet de loi de finances rectificative ne présente pas d'actualisation des hypothèses macroéconomiques et des prévisions de finances publiques pour 2017.

Pourtant, les auteurs de l'avis rappellent que certaines informations devenues disponibles peuvent avoir des conséquences significatives sur les prévisions des finances publiques. Par conséquent, l'organisme public rappelle qu'il n'est pas en position pour "porter une appréciation d'ensemble sur le cadre macroéconomique et la prévision de finances publiques associées à ce PLFR". Le PLFR devrait être débattu au Parlement dès la semaine prochaine, à partir du 6 novembre, selon une source interrogée par l'AFP, soulignant que ce texte porterait uniquement sur le règlement de la taxe sur les dividendes.

La colère du patronat

Le Medef n'a pas hésité à critiquer l'esprit de cette mesure parlant "d'injustice totale". Dans une interview accordée à Boursorama, le vice-président de l'organisation patronale Thibault Lanxade a déclaré "qu 'il y a un impôt qui est jugé anticonstitutionnel et ce qu'on est en train de faire et que l'on corrige cet impôt anticonstitutionnel sur les entreprises, ce qui reste une injustice profonde". Selon M.Lanxade, le secteur des banques serait particulièrement touché par toutes ces mesures. "Les banques seraient impactées de façon très forte. Elles pourraient avoir à peu près un tiers de cette surtaxe imputé dans leurs résultats", a-t-il expliqué.

De son côté, le président de l'Association française des entreprises privées (Afep) Laurent Burelle a déploré que "le gouvernement préfère lever un nouvel impôt de 5 milliards d'euros pour remplacer cette taxe illégale", lui qui aurait souhaité "un crédit à moyen ou long terme à un taux symbolique, qui aurait permis à l'Etat de rembourser les entreprises progressivement".

Des plaintes d'entreprises

Une plainte contre l'État pour "délit de concussion" après l'annulation de la taxe sur les dividendes doit être déposée vendredi au nom d'une dizaine d'entreprises de l'ouest de la France, a-t-on appris jeudi auprès de leur avocat. "Une première plainte doit être déposée demain devant le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre pour une dizaine d'entreprises", a indiqué à l'AFP l'avocat Marc Rouxel, qui représente au total une trentaine de sociétés de l'ouest de la France.

"D'autres plaintes pour délit de concussion suivront la semaine prochaine devant les TGI de Rennes et de Nantes", a ajouté Me Rouxel. La concussion est une "perception illicite par un agent public de sommes qu'il sait ne pas être dues". Pour Me Rouxel, "l'État savait que cette contribution était illégale, a minima depuis juin 2016", après une saisine du Conseil d'État par plusieurs entreprises. Des doutes sur la légalité de cette taxe s'étaient multipliés dès 2015.

(Avec agences)