Un gouvernement pour "casser" la droite aux législatives

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  987  mots
En confiant le ministère de l'Economie et des Finances à Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, tous les deux membres du parti "Les Républicains", Emmanuel Macron et Édouard Philippe veulent embarrasser la droite avant les élections législatives.
Le premier gouvernement du quinquennat Macron respecte plusieurs engagements du président en mêlant personnalités politiques et de la société civile. Mais, il s'agit surtout d'un gouvernement destiné à gêner la droite pour les élections législatives. Le fait que deux membres du parti "Les Républicains" tiennent l'économie et les finances en est la plus belle preuve.

Dix-huit ministres et quatre secrétaires d'Etat. Le premier gouvernement du quinquennat d'Emmanuel Macron a donc été dévoilé ce 17 mai et il est en apparence parfaitement à l'image... d'Emmanuel Macron. Il est en effet le fruit d'un savant dosage, mariant des acteurs de la société civile - provenant notamment du monde socio-économique -  avec de vieux briscards politiques, des très proches du nouveau président qui l'ont accompagné depuis un an. En outre, l'équipe est parfaitement paritaire avec autant d'hommes que de femmes, tant chez les ministres de plein exercice que chez les secrétaires d'Etat. Du Macron "pur sucre" donc, fidèle en apparence à sa devise "et droite et gauche".

"Les Républicains" monopolisent Bercy

Certes mais à y regarder de plus près, on constate que les ministères clés pour les questions économiques et sociales sont soit occupés par des "apolitiques", soit par des personnalités classées à droite et au centre... Même si, certes, certains ministères régaliens prestigieux sont attribués à des personnalités de l'aile droite du PS.  Ainsi, le "nerf de la guerre", c'est-à-dire la forteresse Bercy, celle qui tient les cordons de la bourse, est entièrement aux mains des ministres venus du parti "Les Républicains", en l'occurrence Bruno Le Maire, député de l'Eure et ancien ministre de François Fillon, et Gérald Darmanin, maire de Tourcoing et jeune espoir de la droite. tactiquement, c'est bien joué. Deux représentants du parti "Les Républicains" se retrouvent ainsi aux commandes des finances du pays. De quoi bien embarrasser le parti LR pour les élections législatives.  C'est aussi un signe sur l'orientation économique que compte donner Édouard Philippe et Emmanuel Macron à leur politique. On sait que les deux hommes sont très sensibles au rétablissements des comptes public, à la maîtrise des déficits et aux rétablissement de la compétitivité. C'est eux qui vont gérer la hausse de la CSG pour une partie de la population (un grand nombre de retraités notamment) et la "vraie-fausse" suppression de ISF...

Des personnalités "civiles" dans des ministères clés

Par ailleurs, fidèle à ses engagements de campagne, Emmanuel Macron a très fortement fait entrer dans les ministères des représentants de la société civile. La "star" est bien entendu Nicolas Hulot pour l'Ecologie. Le nouveau président réussit ce que François Hollande et Nicolas Sarkozy n'ont pas réussi à faire: recruter l'ex-animateur vedette...très populaire. Mais derrière cette belle prise, d'autres professionnels reconnus sont également de la partie. Ainsi, Muriel Penicaud hérite du très délicat portefeuille du Travail. On sait que la réforme du droit du travail va être l'un des premiers dossiers sur la table du gouvernement et qu'Emmanuel Macron veut aller vite. Avec Muriel Penicaud, il aura à ses côtés une très bonne praticienne des questions des relations sociales et une très bonne connaisseuse de l'entreprise. Cette sur-diplômée a en effet travaillé  autant dans le public que le privé. Elle fût conseillère au cabinet de Martine Aubry au ministère du Travail mais aussi DRH de Danone et de Dassault System. Et elle était jusqu'à sa nomination au gouvernement directrice générale de Business France. Une expérience multiple donc pour cette grande spécialiste de la formation professionnelle... Son côté "apolitique" permettra peut-être de calmer les esprits des syndicats très remontés contre les projets d'Emmanuel Macron. C'est un peu la même chose avec l'Education nationale dont va hériter Jean-Michel Blanquer. Ce grand universitaire, a lui aussi l'expérience du terrain - il a été recteur - et connaît bien le ministère pour avoir été directeur des affaires scolaires. Voilà deux ministères sensibles qui ne seront donc pas dirigés par des "politiques", ce qui évitera peut-être des états d'âme au moment d'arbitrages compliqués... Un avantage pour le président qui n'aura pas à faire face à des ministres "politiques".

Pas de réelle ouverture vers le PS... mais une volonté de "casser" la droite

Bien entendu, la garde rapprochée d'Emmanuel Macron n'est pas oubliée avec la nomination de Richard Ferrand au ministère de "la Cohésion des territoires" et de Mounir Mahjoubi au poste de secrétaire d'Etat au numérique, lui qui avait été le "Monsieur numérique" du mouvement "En Marche!".  Mais d'autres proches de la première heure ne sont pas entrés... faute de place. Pour autant, d'autres soutiens extérieurs à " En Marche!" sont là. François Bayrou du MoDem, bien sûr, mais surtout Gérard Collomb, sénateur maire de Lyon, toujours encarté au PS dont il était l'un des plus imminents représentants de l'aile "droitière". Un autre socialiste est là aussi, mais "hollandais" historique, lui: Jean Yves Le Drian qui hérite du Quai d'Orsay.

En revanche, mis à part ces anciens soutiens du président, le parti Socialiste est tout de même ouvertement ignoré. Emmanuel Macron pratique l'ouverture à droite pour "casser" le parti "Les Républicains" avant les législatives mais il n'a pas besoin de faire de même envers un PS totalement dans les choux. Le Parti radical de gauche (PRG), en revanche, a droit à son représentant avec la présence d'Annick Girardin, qui passe de la Fonction publique sous François Hollande à l'Outre-mer sous Emmanuel Macron.

Manifestement ce premier gouvernement n'est donc pas appelé à rester figé après les élections législatives si Emmanuel Macron trouve une majorité. Des ajustements seront faits en fonction du rapport de force. En attendant, l'équipe actuelle est faite pour séduire les Français, avec la présence de personnalités appréciées comme Nicolas Hulot, mais aussi pour mettre le parti "Les Républicains" dans l'embarras