L'amendement Ayrault adopté contre Hollande et Valls conduit-il à une CSG progressive ?

Par Ivan Best et Jean-Christophe Chanut  |   |  930  mots
L'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet proposent de baisser le Taux de CSG pour les salariés gagnant moins de 1,34 Smic, plutôt que de leur attribuer une prime d'activité.
Manuel Valls n'en voulait pas. Hollande non plus, dont c'était pourtant une promesse mais qu'il assurait ne pas vouloir tenir. Et pour cause, même si ses auteurs s'en défendent, l'amendement Ayrault-Muet, adopté par plus de la moitié des députés socialistes, introduit une (première?) petite dose de progressivité dans la CSG.

La CSG va-t-elle devenir progressive ? Sans doute pas, mais une petite brèche a été ouverte avec le vote de l'amendement au projet de loi de finances 2016, défendu par les deux députés PS, Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet, était adopté. Il faut dire que cet amendement a reçu un accueil favorable de 161 députés socialistes - soit plus de la moitié du groupe - mais aussi des députés écologistes et d'une partie des radicaux de gauche. Aussi, à son corps défendant Manuel Valls a dû accepter la présentation de cet amendement.

En quoi consiste cet amendement ? Le texte, cosigné par l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le député PS Pierre-Alain Muet, propose de remplacer une partie de la prime d'activité, qui doit se substituer à la prime pour l'emploi et au RSA activité le 1er janvier prochain, par une baisse équivalente de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les salaires allant jusqu'à 1,34 Smic.

 Actuellement, la CSG est prélevée directement sur les revenus salariaux ou patrimoniaux. La CSG est un impôt proportionnel. En d'autres termes, quand elle est prélevée sur les salaires, cela se fait à un taux identique de 7,50% (auquel s'ajoute la CRDS, également concernée par l'amendement, au taux de 0,5%) quel que soit le revenu.

Les auteurs de l'amendement veulent notamment mettre à mal l'idée que seuls 50% des ménages ne paient pas l'IR.

Certes, techniquement, il est exact qu'environ un ménage sur deux est exonéré d'IR. Mais, parmi ceux-ci, les salariés n'échappent cependant pas à la CSG-CRDS à 8%. Or, "aucun autre pays ne prélève au taux moyen de 8 % dès la première tranche », aime à rappeler Pierre-Alain Muet.

Alléger la CSG jusqu'à 1,34 smic

L'amendement Ayrault-Muet propose donc concrètement d'alléger la CSG sur les salaires compris entre 1 et 1,34 Smic. Cette modification, prévue à partir du 1er janvier 2017, peut être interprétée comme la  première étape d'une fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu (IR) au sein d'un seul et même impôt, baptisé "impôt sur le revenu citoyen".

Mais Jean-Marc Ayrault et  Pierre-Alain Muet ont retiré cette référence de l'exposé des motifs de leur amendement, pour le faire accepter par Manuel Valls qui ne veut entendre parler à aucun prix de cette fusion.

Une promesse que François Hollande n'a jamais voulu tenir

Car le rapprochement entre la CSG et l'IR, réclamé de longue date par les militants socialistes, et visant tout d'abord à alléger la fiscalité des ménages les plus modestes, avait certes été retenu par le candidat Hollande en 2012 dans ses 60 propositions, sous la pression du PS...  mais François Hollande n'avait eu de cesse, y compris avant même d'être élu, de faire savoir qu'il ne serait pas question de mettre en œuvre cette promesse.

Parce que la fusion IR-CSG telle que préconisée par Thomas Piketty, devenu une véritable idole dans les rangs des militants PS, outre qu'elle pose de nombreux problèmes techniques (comment marier un impôt individuel et un impôt "familialisé"? que faire des niches fiscale associées à l'impôt sur le revenu ?...) suppose un alourdissement de la taxation des classes moyennes supérieures et des ménages les plus aisés,  au profit des plus modestes.

Piketty a très bien vendu l'idée que, en taxant quelques ménages (3 à 5% d'entre eux), il était possible de redonner un pouvoir d'achat substantiel aux autres, plus modestes. Cela revenait en fait, selon son propre simulateur fiscal, à taxer très fortement ces 3 à 5% de riches, à l'impôt déjà alourdi depuis 2011. Ou alors, il faudrait étaler la hausse sur un plus grand nombre de contribuables, et faire contribuer plus les classes moyennes supérieures. Celles-ci auraient payé plus de CSG, les salariés proches du Smic, moins. Mais peut-on encore taxer ces classes moyennes?

Un opération neutre pour les finances publiques

C'est pourquoi le tandem Ayrault-Muet se défend de vouloir instaurer une CSG progressive, qui ferait des perdants parmi les classes moyennes. L'amendement tend juste à transformer la future prime d'activité en réduction de CSG. Il n'empêche que, de fait, une dose de progressivité serait introduite dans la CSG: on paierait moins en bas de l'échelle, et toujours autant au-delà.

Compte tenu de la mécanique proposée, l'opération serait donc financièrement neutre pour les comptes de l'Etat.

"On verserait plus intelligemment une subvention, la prime d'activité, qui n'est en fait que le remboursement d'une partie de ce que ces contribuables paient en CSG", explique Pierre-Alain Muet.

Il s'agirait effectivement d'un circuit plus court: pourquoi faire payer quelque chose qu'on rembourse ensuite?

Le risque d'inconstitutionnalité

Il n'empêche, avec cet amendement, il y a un risque constitutionnel. En 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le Conseil constitutionnel avait censuré une précédente tentative de réduction de la CSG pour les salaires jusqu'à 1,4 Smic, en invoquant une rupture de l'égalité devant l'impôt.

Pour les Sages, on ne peut pas exonérer les contribuables du champ d'un impôt proportionnel. Et la CSG a été considérée comme un impôt, même si son produit est affecté à la Sécurité sociale. Qui doit donc tenir compte de la plus ou moins grande capacité contributive, selon les charges de famille.

L'argument des auteurs de l'amendement est que la nouvelle prime d'activité prend en compte les charges de famille. Mais comment l'imputer sur la CSG, qui reste un impôt individuel?