Au Liban, le taux de chômage a presque triplé en trois ans

Par latribune.fr  |   |  709  mots
Au Liban, le chômage a presque triplé depuis 2019. (Crédits : HANNAH MCKAY)
Alors que 80% de la population est plongée dans la pauvreté, soumise à une inflation galopante et une dévaluation de la monnaie, le Liban doit également faire face à un taux de chômage qui atteint des sommets.

La situation économique ne cesse de s'enliser au Liban où le taux de chômage officiel a presque triplé depuis 2019, selon une étude conjointe de l'ONU et du gouvernement libanais publiée ce jeudi. "Le taux de chômage au Liban est passé de 11,4%" en 2019 à "29,6% en janvier 2022", ont indiqué l'Administration centrale des statistiques au Liban (CAS) et l'Organisation internationale du travail (OIT) dans un communiqué. À titre de comparaison, le taux de chômage en France atteignait 7,4% au quatrième trimestre de 2021, similaire à celui recensé dans l'Union européenne.

Au Liban, ce sont les femmes qui pâtissent le plus de cette situation économique et sociale dégradée. Le chômage est en effet plus élevé chez cette catégorie que chez les hommes, d'après l'étude qui est basée sur un sondage effectué auprès de 5.444 familles dans plusieurs régions du Liban, qui compte environ six millions d'habitants. Conséquence de ce taux de chômage qui atteint des sommets, l'emploi informel représentait plus de 60% de l'emploi total dans le pays.

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Une inflation de +154,8%

Cela fait près de trois ans que le Liban s'enfonce dans une crise économique sans précédent aggravée par l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020 qui a causé la mort de 215 personnes et fait des dégâts estimés à près de quatre milliards d'euros selon la Banque mondiale. Depuis, 80% de la population est plongée dans la pauvreté. Neuf habitants sur dix peinent à subvenir à leurs besoins en raison de leurs faibles revenus et plus de six personnes sur dix quitteraient le pays si elles le pouvaient, selon un rapport préparé par le rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté de l'ONU, Olivier De Schutter, début mai.

Et pour cause, l'inflation atteint des sommets : 84,9 % en 2020 et 154,8 % en 2021, contre 3,1% les dix années précédentes. La monnaie nationale a quant à elle perdu près de 95% de sa valeur. Par ailleurs, le 7 mars 2020, le Liban avait, pour la première fois de son histoire, fait défaut sur une première tranche de sa dette d'un montant d'1,2 milliard de dollars, sur les 92 milliards (170% du PIB) de dette totale. Deux semaines plus tard, le pays se déclarait en défaut sur toute sa dette.

Mauvaise gestion et corruption

Une situation causée par des décennies de mauvaise gestion et de corruption de la classe dirigeante. Le 11 mai dernier, l'ONU a d'ailleurs affirmé qu'elle tenait pour responsable le gouvernement et la Banque centrale du Liban, appelant les dirigeants à "changer de cap". "La misère infligée à la population peut être inversée à travers un leadership qui place la justice sociale, la transparence et la responsabilité, au coeur de ses actions", explique un rapport préparé par le rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, Olivier De Schutter.

"La crise économique aurait pu être évitée, (...) elle a été provoquée par des politiques gouvernementales défaillantes", critique l'ONU qui accuse dans son rapport la Banque centrale du Liban de s'être livrée à un "tour de passe-passe comptable en lien avec ses pertes (...) qui a discrètement créé une dette publique énorme (...) qui condamnera les Libanais pendant plusieurs générations".

Cette critique intervient quelques jours avant la tenue des élections législatives, le 15 mai prochain, alors que tous ont en mémoire le soulèvement populaire, en octobre 2019, qui avait mené des milliers de Libanais dans la rue pour exiger le départ d'une classe politique accusée de corruption et d'incompétence. L'annonce par le gouvernement d'une taxe sur les appels effectués via l'application WhatsApp avait provoqué une vague de colère de la population et le rétropédalage de l'exécutif n'avait pas pour autant apaisé les manifestants. Selon des experts, des candidats indépendants aux législatives devraient gagner plus de sièges que lors du dernier scrutin de 2018, mais aucun changement majeur dans l'équilibre des pouvoirs n'est toutefois attendu.

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