Au Liban, "aucun tournant clair en vue" pour l'économie, Emmanuel Macron promet 100 millions d'euros supplémentaires

Un an après l'explosion meurtrière survenue dans le port de la capitale libanaise, la communauté internationale s'organise encore pour apporter de nouvelles aides. Mais sur place, ni l'économie, ni la classe politique qui gangrène la situation du pays depuis des décennies, ne sont remises en état de marche. Emmanuel Macron a dénoncé des "dysfonctionnements injustifiables".
En 2020, la dette publique atteignait 170% du PIB, à 92 milliards de dollars. En mars, le pays annonce le premier défaut de paiement dans l'histoire du Liban.
En 2020, la dette publique atteignait 170% du PIB, à 92 milliards de dollars. En mars, le pays annonce le premier défaut de paiement dans l'histoire du Liban. (Crédits : Mohamed Azakir)

[Article mis à jour mercredi 4 août à 16h55]

Depuis l'explosion meurtrière au port de Beyrouth le 4 août d'août 2020 qui a fait 214 morts et plus de 6.500 blessés, le Liban peine encore à se relever. Un an jour pour jour, Emmanuel Macron, qui s'est déjà rendu deux fois dans le pays, tentera à nouveau ce mercredi de récolter plus de 350 millions de dollars (295 millions d'euros) d'aide lors d'une conférence organisée en soutien à la population. L'année dernière, une conférence similaire à la suite de l'explosion avait permis de récolter environ 280 millions de dollars. Cette fois-ci, Emmanuel Macron, qui co-préside l'événement, a promis 100 millions d'euros de nouvelles aides de la France dans les 12 mois. A cela s'ajoute l'envoi dans les prochaines semaines de 500.000 doses de vaccins anti-Covid.

"La crise que vit le Liban n'est pas un coup du sort, ni une fatalité. Elle est le fruit de faillites individuelles et collectives et de dysfonctionnements injustifiables", a insisté le président français. "L'ensemble de la classe politique libanaise n'a eu de cesse de l'aggraver en faisant passer avant tout ses intérêts individuels et partisans avant les intérêts du peuple libanais".

"Tous les rendez-vous ont été manqués, aucun engagement n'a été tenu", a encore regretté Emmanuel Macron.

Dans la foulée, son homologue américain Joe Biden a également annoncé 100 millions de dollars d'aide humanitaire.

Dans ce pays en crise politique, la situation du pays est d'autant plus bloquée que, malgré ces nouvelles aides, l'économie nationale n'a envoyé à ce jour aucun signe d'amélioration.

Un pays en récession de -13,2%

Dans ce pays de 6,8 millions d'habitants, la spirale récessionniste semble irréversible. Après s'est contractée de 6,7% en 2019 et de 20,3% en 2020, l'économie du Liban va se contracter de près de 13,2% cette année, selon les prévisions de la Banque mondiale. Il n'y a "aucun tournant clair en vue", notait-elle dans un rapport.

En 2020, la dette publique atteignait 170% du PIB, à 92 milliards de dollars. En mars de la même année, avant l'explosion, le pays annonçait le premier défaut de paiement de son histoire.

Les pertes économiques, résultant de la baisse de la production des différents secteurs de l'économie, sont alors colossales : entre 2,9 et 3,5 milliards de dollars, selon les résultats de l'"évaluation rapide des dommages et des besoins" menée par l'Onu et l'Union européenne entre le 5 et le 31 août 2020.

Une devise en perdition

Les premiers signes d'effondrement sont apparus en 2019, avec une pénurie de dollars puis des restrictions bancaires sur les retraits et des virements vers l'étranger. Depuis, la livre libanaise est adossée au dollar au taux de 1.507 livres/dollar. Les deux monnaies sont utilisées au quotidien au Liban.

En avril 2019, la livre atteint son plus bas historique, à 4.000 livres pour un dollar sur le marché parallèle.

Le salaire minimum s'élève à 675.000 livres. Cela représentait auparavant 450 dollars par mois mais à peine 30 dollars aujourd'hui.

Fin 2020, l'inflation dépassait les 140% et les prix des denrées alimentaires avaient déjà été multipliés par cinq depuis le début de la crise, selon les chiffres officiels.

Le coût des aliments a bondi de 700% au cours des deux dernières années, et pourrait augmenter davantage, selon l'Observatoire de la crise de l'Université américaine de Beyrouth

Conséquence, avant l'explosion meurtrière, 45% de la population libanaise vivait sous le seuil de pauvreté, et plus de 35% était au chômage. A Tripoli, la situation est plus grave encore.

Comment le Liban en est-il arrivé là ?

Après la fin de la guerre civile (1975-1990), le Liban s'est engagé dans une spirale d'endettement, en vue de la reconstruction. L'économie s'est bâtie sur les services, le tourisme et les investissements étrangers, notamment du Golfe, fortement tributaires des conjonctures politiques et sécuritaires.

Cette vulnérabilité s'est exacerbée avec l'absence de réformes et une négligence des services publics, sur fond de corruption et de clientélisme, alimentés par un système de partage communautaire du pouvoir.

Justice et politiques inefficaces

Dans le même temps, suite à l'explosion, la population libanaise dénonce aujourd'hui la lenteur des investigations. Aucun haut responsable libanais n'a pour l'heure été entendu.

Le Parlement libanais est prêt à lever l'immunité de ses membres afin de permettre leur audition dans le cadre de l'enquête sur l'explosion, a déclaré fin juillet le président Nabih Berri. Mais Berri n'a pas précisé quand l'immunité des parlementaires serait levée ni comment.

De plus, l'enquête menée par le juge Tarek Bitar a été entravée le mois dernier, les demandes envoyées par le Parlement et le gouvernement pour lever l'immunité de plusieurs hauts responsables et permettre leur audition ayant été soit refusées soit bloquées.

Le Liban est sans gouvernement depuis la démission de Hassan Diab et de son équipe le 10 août 2020.

"Les dirigeants libanais semblent faire le pari du pourrissement" en bloquant depuis des mois la formation d'un gouvernement et la mise en oeuvre de réformes, a déploré Emmanuel Macron lors de l'événement mercredi 4 août, un an après.

"Comme la situation continue de se détériorer, la nécessité d'un gouvernement devient de plus en plus urgente", avait déclaré un peu plus tôt à la presse un conseiller du chef de l'Etat.

Quels garde-fous ?

La nouvelle aide humanitaire qui doit se décider mercredi sera inconditionnelle, a déclaré le cabinet présidentiel, mais environ 11 milliards de dollars de financement à long terme collectés en 2018 restent verrouillés et conditionnés à une série de réformes à mettre en oeuvre par les responsables politiques

Enfin, le Conseil européen a annonce vendredi 30 juillet avoir adopté un cadre pour des sanctions ciblées contre des personnes ou entités au Liban ayant porté atteinte à la démocratie ou à l'Etat de droit.

(avec agences)

Lire aussi 5 mnLiban : avant le chaos

Commentaires 7
à écrit le 05/08/2021 à 11:26
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Au lieu de s’occuper du Liban, Mr Macron ferait mieux de s’occuper de la France. Quand bien même... Quand on connaît un tout petit peu la géopolitique du Liban, on sait qu’il y a un voisin qui tire les ficelles, et sans qui rien de sérieux ne se f...

à écrit le 05/08/2021 à 7:33
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le pere noel continue a faire le beau avec notre portefeuille brave gens travailler prenez de la peine nos elus se gave et les info nous intoxique

à écrit le 05/08/2021 à 0:30
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Bien triste pour la population libanaise elle doit reprendre son destin en main et se débarrasser de ses politicards véreux compromis avec l Iran et la Syrie de bâchâr ( Hezbollah).. le stock qui était entreposé ´ était pas un «  vieux stock » comme...

à écrit le 05/08/2021 à 0:28
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Bien triste pour la population libanaise elle doit reprendre son destin e main et se débarrasser de ces n politicards véreux compromis avec l Iran et la Syrie de bâchâtes ( Hezbollah).. le stock qui était entreposé ´ était pas un «  vieux stock » com...

à écrit le 04/08/2021 à 16:04
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"sur fond de corruption et de clientélisme, alimentés par un système de partage communautaire du pouvoir" C'est ce qu'ils disaient sur c dans l'air hier et pour que des gens de la télé insistent sur la corruption c'est que cela doit y dépasser le...

à écrit le 04/08/2021 à 14:04
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Cela nous regarde-t-il d'être au chevet de chaque pays qui ne va pas bien ? n'avons nous pas assez en Europe pour rajouter encore une charge sur le dos des citoyens ?

à écrit le 04/08/2021 à 13:10
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les avoir de libanais en france doivent etre saisi ceux des hommes d'affaire et des politiciens

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