Crise de l'essence au Liban : la Banque centrale renvoie la balle au Parlement

Le Liban traverse l'une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, et connaît d'importantes pénuries de carburants qui affectent l'approvisionnement en biens de première nécessité. La classe dirigeante, largement honnie par la rue, est accusée de laisser le pays couler.
(Crédits : EMILIE MADI)

Le rétablissement des subventions sur les carburants au Liban ne sera possible que si le Parlement vote une loi permettant de puiser dans les "14 milliards" de réserves en devises étrangères restant à la Banque du Liban (BDL), a déclaré samedi le gouverneur de la Banque centrale.

"Je ne reviendrai pas sur (la décision de) la levée des subventions sur les carburants à moins que l'usage des réserves obligatoires (de devises) ne soit légalisé", a affirmé Riad Salamé au micro d'une radio locale.

"Nous disposons encore de 14 milliards de dollars de réserves (obligatoires), en plus de 20 milliards de dollars d'actifs externes", a-t-il précisé.

Les réserves en devises de la BDL dépassaient 30 milliards de dollars avant la crise traversée par le Liban depuis fin 2019.

La BDL avait annoncé mercredi soir sa décision de n'accorder des lignes de crédits qu'au taux du marché noir pour l'importation de carburants, mais les subventions sur les carburants étaient levées de facto depuis des semaines.

Critiqué par plusieurs ténors politiques pour cette décision, Riad Salamé s'est défendu samedi.

"Tous (...) étaient au courant de la décision". "Qu'ils aillent au Parlement et qu'ils votent la loi au lieu de jouer la comédie", a-t-il répliqué.

La livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur face au dollar qui s'échange aujourd'hui sur le marché noir à plus de 20.000 livres, contre un taux officiel toujours maintenu à 1.507 livres pour un dollar.

En poste depuis 1993, M. Salamé est soupçonné par une grande partie de la population d'avoir, à l'instar des barons de la politique libanaise, mené le pays à la dérive et transféré d'importantes sommes à l'étranger lors de la contestation populaire d'octobre 2019. Il fait l'objet d'enquêtes judiciaires au Liban, en Suisse et en France dans plusieurs affaires, y compris de détournement de fonds publics et d'enrichissement illicite.

Vers une pénurie de gaz domestique

Le Liban pourrait faire face à une pénurie de gaz d'ici une semaine à défaut de paiement par la Banque centrale des fonds nécessaires aux importateurs, avait averti mardi le président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz.

Au Liban déjà à court d'essence, de fioul et de médicaments, les coupures de courant atteignent plus de 22 heures par jour. Cette crise économique inédite marquée par une dégringolade de la monnaie nationale et une inflation galopante engendre, depuis des mois, des pénuries en tout genre, la Banque centrale s'abstenant d'ouvrir de nouvelles lignes de crédit, sur fond d'une fonte de ses réserves en devises étrangères.

Depuis mardi matin, des queues se sont formées dans plusieurs régions du pays devant les fournisseurs de gaz domestique.

"Le stock actuel nous suffit encore pour une semaine. Si le problème n'est pas résolu, les bonbonnes de gaz seront disponibles uniquement sur le marché noir", a indiqué à l'AFP Farid Zeinoun, président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz.

"La raison de la pénurie actuelle (...) est la non-ouverture de nouvelles lignes de crédit par la Banque du Liban", sachant qu'un navire chargé de 5.000 tonnes de gaz attend au large depuis 17 jours, a-t-il ajouté.

liban essence

78% de la population sous le seuil de pauvreté

La livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar depuis l'automne 2019. La bonbonne de gaz domestique coûte aujourd'hui 60.000 livres libanaises, soit 40 dollars aux taux de change officiels et trois dollars au taux du marché noir. Le salaire minimum s'élève à 675.000 livres libanaises, soit désormais un peu plus de 30 dollars, contre 450 dollars avant la crise.

Aujourd'hui, 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté contre 55% l'an dernier et moins de 30% avant la crise, a indiqué la semaine dernière le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires (Ocha). Et au moins 36% de la population vit dans la pauvreté extrême alors que le pays est englué dans l'une des pires crises économiques de l'histoire, selon la Banque mondiale.

À Saïda (sud), des dizaines de personnes ont fait la queue mardi devant une compagnie de distribution de gaz munis de bonbonnes vides.

"Y a-t-il plus humiliant?", s'est indigné Mohammad Ali Hassan. "Que Dieu maudisse les autorités".

À Akkar (nord), les distributeurs de gaz font face à une ruée "sans précédent", a indiqué l'Agence nationale de l'information (NNA).

(Avec l'AFP et la NNA)

Commentaires 9
à écrit le 16/08/2021 à 11:20
Signaler
Je n'arrive même pas à comprendre comment il peut encore y avoir un gouvernement dans ce pays...

à écrit le 15/08/2021 à 11:37
Signaler
Le Liban nous permet de voir notre avenir dans moins de 20 ans. Question : il les a donné à qui les 150 millions d'euros le macron vu la déliquescence des institutions ? C'est si peu important pour lui l'argent du contribuable français ?

à écrit le 15/08/2021 à 6:02
Signaler
En tout cas les pays musulmans tels que le Liban ou la Syrie ne manquent pas d'explosifs pour faire la guerre aux mécréants...

à écrit le 14/08/2021 à 22:26
Signaler
Le cancer oligarchique.

à écrit le 14/08/2021 à 21:59
Signaler
La démographie n'a pas été maîtrisée au Liban depuis 1990. On a laissé faire. Maintenant, il faut payer l'addition

le 15/08/2021 à 10:11
Signaler
Tu pourrais nous expliquer le lien là ? N'importe quoi...

à écrit le 14/08/2021 à 16:59
Signaler
En résumé : Plus d'essence,plus de fioul ,plus de gaz . Bravo ! Vous êtes en avance sur la France dans la transition énergétique .Pourquoi serait ce une catastrophe chez vous et pas chez nous ,alors que vous avez plus de soleil à convertir en électr...

à écrit le 14/08/2021 à 13:16
Signaler
Il faut d'urgence leur envoyer Micron qui a si bien gérer la taxation des carburants en France ... suspendue, pas annulée 😁. Et qu'ils le gardent.

le 16/08/2021 à 12:39
Signaler
La taxation des carburants existe depuis très très longtemps, même si vous ne l'aviez pas remarqué (l'intérêt des impôts indirects, les gens ne voient que l'IR, sauf avec des revenus trop faibles, on en est exonéré). L'Allemagne a décidé de mettre 8c...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.