Coup dur pour Pékin, l'Italie claque la porte au projet des nouvelles routes de la soie

Par latribune.fr  |   |  684  mots
En septembre, lors du sommet du G20 à New Delhi, Giorgia Meloni expliquait alors que son gouvernement « évaluait les mérites » de sa participation au projet. (Crédits : GUGLIELMO MANGIAPANE)
Quatre ans après son adhésion au grand projet commercial de Pékin, l'Italie fait marche arrière en annonçant son retrait mercredi. Une décision attendue puisque ce contrat avec la Chine était vivement critiqué par la Première ministre, Giorgia Meloni, mais qui pourrait avoir de lourdes conséquences entre les deux pays.

Après l'avoir maintes fois critiqué, l'Italie quitte le projet des nouvelles routes de la soie. Le gouvernement de Giorgia Meloni a, en effet, officialisé son retrait de l'accord avec la Chine sur ce projet, ce mercredi, à la veille d'un sommet entre l'Union européenne et Pékin. Selon Rome, cette décision communiquée au pays il y a trois jours, vise à « maintenir ouvertes les voies du dialogue politique », a indiqué à l'AFP une source gouvernementale.

Un projet pharaonique déjà critiqué par Giorgia Meloni

Pour rappel, cet ambitieux projet de Pékin, lancé sous l'impulsion du président Xi Jinping en 2013, vise à améliorer les liaisons commerciales entre l'Asie, l'Europe, l'Afrique et même au-delà par la construction de ports, de voies ferrées, d'aéroports ou de parcs industriels. En 2019, l'Italie, ployant sous le poids de sa dette publique, est devenue le seul pays du G7 à participer à ce programme d'investissements massifs de Pékin.

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Mais, dès sa signature, l'accord a été décrit par ses opposants comme un cheval de Troie destiné à donner à Pékin une influence politique en Italie. Le prédécesseur de Giorgia Meloni, Mario Draghi, qui avait pris ses fonctions en février 2021, avait gelé l'accord et utilisé le droit de blocage du gouvernement dans les secteurs jugés stratégiques pour empêcher tout investissement de haut niveau des sociétés chinoises en Italie. En 2019, déjà, au moment de la signature d'un protocole d'accord « non contraignant », Michele Geraci, alors secrétaire d'Etat italien à l'Économie déclarait « être bien conscient qu'au-delà de l'opportunité, il y a aussi un risque ».

Avant même son arrivée au pouvoir fin 2022, la Première ministre Giorgia Meloni avait d'ailleurs estimé que cette adhésion était une « grave erreur ». En plus de ce risque d'ingérence politique, ce projet, auquel adhèrent plus de 150 pays selon Pékin, est aussi critiqué à l'international à cause de l'endettement dangereux qu'il fait peser sur les pays pauvres. Résultat, quatre ans après son adhésion, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, avait affirmé en septembre que cette dernière « n'a pas produit les résultats que nous espérions ». En effet, a-t-il ajouté, « les exportations de l'Italie vers la Chine en 2022 se sont montées à 16,5 milliards d'euros, celles vers la France à 23 milliards et celles vers l'Allemagne à 107 milliards ».

L'Italie ne veut pas braquer Pékin

Mais jusqu'ici, la cheffe du Conseil italien hésitait encore. En septembre, lors du sommet du G20 à New Delhi, Giorgia Meloni expliquait alors que son gouvernement « évaluait les mérites » de sa participation au projet. Pour cause, l'Italie fait face, d'un côté, aux pressions diplomatiques de ses voisins la poussant à quitter l'accord, mais de l'autre elle espère le faire sans froisser son allié commercial. Giorgia Meloni avait d'ailleurs déclaré qu'un retrait de l'Italie « ne compromettrait pas les relations avec la Chine ». Antonia Tajani avait, de son côté, affirmé : « Nous voulons avec la Chine un rapport solide en sachant bien que c'est un partenaire mais aussi un concurrent, un rival systémique », regrettant notamment que « les Européens aient laissé trop d'espace aux intérêts chinois » en Amérique du Sud.

L'accord devait d'ailleurs être automatiquement renouvelé en mars 2024. L'Italie pourrait se retirer dès la fin 2023... au risque de froisser Pékin et de faire face à des représailles contre les entreprises italiennes.

Les Etats-Unis font de l'ombre aux nouvelles routes de la soie

Mais si l'Italie a pris sa décision, c'est aussi car elle est assurée de participer à un autre accord commercial et logistique d'ampleur. Lors du G20, les Etats-Unis ont poussé en faveur d'un ambitieux projet de « couloir » logistique reliant l'Inde et l'Europe au Moyen-Orient.

Un accord de principe a été signé samedi entre les Etats-Unis, l'Inde, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l'Union européenne, la France, l'Allemagne mais aussi... l'Italie. L'initiative viserait donc à contrer le projet des nouvelles routes de la soie de Pékin.

(Avec AFP)