Baisse d'impôts, pouvoir d'achat des Italiens... Giorgia Meloni dévoile un budget qui ne convainc pas les marchés

Dans un contexte économique fragile marqué par une croissance atone et un déficit revu à la hausse, le gouvernement italien inquiète les marchés avec une loi de finances 2024 marquée par une baisse d'impôts.
Le budget est « très sérieux et réaliste et ne gaspille pas les ressources, mais les concentre sur les grandes priorités », a assuré la première ministre italienne, Giorgia Meloni, devant la presse à Rome à l'issue d'un conseil des ministres éclair.
Le budget est « très sérieux et réaliste et ne gaspille pas les ressources, mais les concentre sur les grandes priorités », a assuré la première ministre italienne, Giorgia Meloni, devant la presse à Rome à l'issue d'un conseil des ministres éclair. (Crédits : GUGLIELMO MANGIAPANE)

Baisse des charges, soutien au pouvoir d'achat, exonération de cotisations sociales... Les marchés ne voient pas d'un très bon œil le budget italien dévoilé ce lundi. Adopté en conseil des ministres, le projet, axé sur des baisses d'impôts, prévoit près de 24 milliards d'euros en mesure de soutien aux ménages et entreprises. Le budget est « très sérieux et réaliste et ne gaspille pas les ressources, mais les concentre sur les grandes priorités », a assuré la première ministre italienne, Giorgia Meloni, devant la presse à Rome à l'issue d'un conseil des ministres éclair.

Parmi ces priorités, financées à hauteur de 15,7 milliards d'euros par un endettement supplémentaire et « des coupes dans les dépenses », figure la « défense du pouvoir d'achat des familles », a-t-elle fait valoir. Celle qui se décrit comme une « mère chrétienne » a promis l'exonération des cotisations sociales pour les mères d'au moins deux enfants et la « crèche gratuite à partir du deuxième enfant ». Pour faire face à l'inflation, Giorgia Meloni a également reconduit une baisse des charges pour les salaires annuels jusqu'à 35.000 euros, pour un coût d'environ 10 milliards d'euros.

Au sein des mesures phares du budget figure la fusion des deux premières tranches d'impôt pour faire bénéficier les revenus annuels jusqu'à 28.000 euros d'un taux allégé de 23% au lieu de 25%. Selon le ministre de l'Economie, Giancarlo Giorgetti, c'est « un premier pas vers un impôt unique pour tous », l'une des principales promesses électorales de la coalition. En outre, les entreprises qui embauchent, notamment d'anciens titulaires du « revenu de citoyenneté » destiné aux plus pauvres et raboté par le gouvernement, voient leur impôt sur les bénéfices des sociétés réduit.

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Des marchés financiers « très nerveux »

Pourtant il y a un an, la Première ministre italienne a surpris avec un budget marqué par une extrême prudence. Désormais, « Giorgia Meloni montre maintenant son vrai visage en changeant radicalement de stratégie fiscale », estime Nicola Nobile du cabinet Oxford Economics. Selon lui, le relâchement budgétaire prévu sur les années 2024-2026 « rend les marchés financiers très nerveux ». La coalition de droite et d'extrême droite a eu beau marteler que le budget est « responsable et sobre », les analystes ont jugé qu'il contenait trop de promesses électorales.

Les marchés financiers reprochent au gouvernement son manque d'empressement pour juguler dette et déficits. En quête de ressources, la première ministre a relevé fin septembre la prévision de déficit public pour 2024 à 4,3% du PIB, contre 3,7% estimés auparavant. Cette révision à la hausse des déficits a été immédiatement sanctionnée par les marchés financiers et a provoqué une brusque hausse des taux d'emprunt de l'Italie. Le « spread », l'écart très surveillé entre les taux d'intérêt allemand et italien à dix ans, a dépassé les 200 points de base, atteignant un plus haut depuis janvier.

La taxe instaurée sur les superprofits des banques n'a également pas été bien reçu. Même si le gouvernement a depuis édulcoré cette super-taxe bancaire, l'effet a été délétère sur les marchés et certains analystes s'inquiètent de ses conséquences sur l'investissement.

Le ministre de l'Economie, Giancarlo Giorgetti, l'un des représentants les plus modérés et pro-européens de la Ligue, n'a pas caché pas son inquiétude. « Ce qui me fait peur, ce ne sont pas les avis de la Commission européenne, mais ceux des marchés qui achètent la dette publique. Tous les matins, je me réveille et j'ai un problème : je dois vendre de la dette publique et je dois convaincre les gens d'avoir confiance », a-t-il reconnu mi-septembre. La semaine dernière, il a tenté de rassurer les marchés financiers, faisant valoir que « la viabilité de la dette publique » était le « défi le plus important » à relever par la péninsule, « afin de renforcer la confiance des investisseurs

Toutefois, le dérapage des déficits est surtout lié à un héritage laissé par les précédents gouvernements, un dispositif d'incitations fiscales très généreux, baptisé « superbonus » et censé rendre les logements moins énergivores. Il coûtera encore 20 milliards d'euros en 2024, selon Giorgia Meloni. Un constat partagé par Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa. « La dérive des déficits de l'Italie est en grande partie due à la facture du superbonus, qui n'est pas de la responsabilité du gouvernement actuel », commente-t-il, « mais on ne décèle pas de réelle volonté de la part du gouvernement Meloni de maîtriser les déficits en renonçant à certaines promesses électorales comme la baisse de la pression fiscale ».

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Le poids de la dette

Face à l'envolée des déficits, l'énorme dette de l'Italie ne devrait diminuer qu'à la marge, le ratio passant de 140,2% du PIB en 2023 à 139,6% en 2026. Faute de rentrées fiscales dans un contexte de croissance atone - le gouvernement italien tablant désormais sur 0,8% pour 2023 - le ministre de l'Economie mise également sur des privatisations devant rapporter 20 milliards d'euros d'ici 2026. Un objectif cependant jugé ambitieux par les analystes. « La réduction du stock de la dette accumulé jusqu'à présent est l'un des objectifs du gouvernement », qui doit toutefois « être concilié avec les besoins » d'une politique budgétaire visant à redistribuer les ressources, a déclaré Giancarlo Giorgetti lors d'une audition devant le Parlement.

Ce n'est cependant qu'en 2026 que le déficit devrait passer sous la barre des 3% du PIB prévue par les règles du Pacte de stabilité européen, suspendu en raison de la pandémie de Covid-19 jusqu'à fin 2023. Quant à la dette publique qui affiche le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce, elle ne devrait diminuer qu'à la marge, passant de 140,2% du PIB attendu cette année à 139,6% en 2026. « A la lumière des nouvelles règles qui se dessinent » pour la réforme du pacte de stabilité, « le contrôle strict de l'évolution des dépenses deviendra un impératif incontournable », a souligné le ministre de l'Economie.

« On ne peut pas aller plus loin » et un déficit à 4,3% en 2024 suffira à couvrir ces besoins, a-t-il promis, avant de faire valoir que « c'est moins que le déficit prévu par la France ». En comparaison, Paris table sur un déficit de 4,4% du PIB l'an prochain et prévoit de passer sous la limite européenne de 3% en 2027. L'endettement, bien inférieur à celui de l'Italie, devrait rester stable à 109,7% du PIB en 2024.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 17/10/2023 à 11:10
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Mais on a le nom "des marchés" qui font la pluie et le beau temps et que l'on déçoit tant par notre comportement de pauvre qui s'accroche pour survivre ? "on" voudrait connaitre ou avoir la référence "des marchés" " de la fiance " "des experts " et ...

à écrit le 17/10/2023 à 11:06
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Mais on a le nom "des marchés" qui font la pluie et le beau temps et que l'on déçoit tant par notre comportement de pauvre qui s'accroche pour survivre ? "on" voudrait connaitre ou avoir la référence "des marchés" " de la fiance " "des experts " et ...

à écrit le 17/10/2023 à 9:36
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Bon sang que cela aurait été classe de générer une europe méditerranéenne comme l'avait suggéré Sarkozy, la seule bonne idée dont je me souviens de lui même si pour lui c'était d'abord et avant tout pour que l'on parle moins de lui, enfin une idée d'...

à écrit le 16/10/2023 à 18:58
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Ben tant que les pays ne s'accorderont pour remuseler une bonne fois pour toute le secteur financier - ou lui déclarer la "guerre" afin de lui faire ravaler sa maxime : "I’ll Be Gone, You’ll Be Gone” (je ne serai plus là, vous ne serez plus là) - le ...

à écrit le 16/10/2023 à 18:40
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Ce n'est plus la population qu'il faut convaincre mais les marchés ? Ah ces fameux marchés que deviendraient les spéculateurs sans eux !!!

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