Dérapage du déficit public : comment se classe la France par rapport à ses voisins européens

Par Marius Bocquet  |   |  798  mots
Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire (à droite) et son homologue allemand Christian Lindner (à gauche). (Crédits : Reuters)
Avec un déficit public à 5,5% du PIB en 2023, la France figure parmi les mauvais élèves européens en termes de situation budgétaire. L'Espagne a notamment ramené son déficit à 3,7% du PIB l'an dernier, tandis que le Portugal a annoncé lundi avoir dégagé un excédent budgétaire de 1,2% de son PIB.

Le déficit public de la France est-il plus élevé que celui de ses voisins européens ? L'Insee a annoncé mardi une forte dégradation de la situation budgétaire de la France, avec un déficit à 5,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2023, contre 4,8% en 2022. Le gouvernement avait construit sa trajectoire budgétaire pour 2024 sur une prévision de 4,9%, loin des 3% attendus dans la zone euro.

Dans le reste de l'Europe, le Portugal a de son côté annoncé lundi avoir dégagé l'année dernière un excédent budgétaire à hauteur de 1,2% de son PIB, après un déficit de 0,3% en 2022, selon une première estimation publiée par l'Institut national des statistiques (INE). Le gouvernement portugais prévoit un nouvel excédent de 0,2% du PIB en 2024.

Le déficit français parmi les plus élevés

En Espagne, Pedro Sánchez a lui annoncé mercredi 20 mars que le déficit public espagnol avait été ramené l'an dernier à 3,7% du produit intérieur brut, à la faveur d'une croissance de 2,5%, parmi les plus élevées de la zone euro. Celui de l'Italie s'est réduit à 7,2% du PIB en 2023, après 8,6% en 2022, a annoncé vendredi 1er mars l'Institut national des statistiques (Istat).

Les déficits des autres pays européens n'ont pas encore tous été évalués pour l'ensemble de l'année 2023. Mais les derniers chiffres d'Eurostat, portant sur troisième trimestre 2023, permettent de se faire une idée de comment s'en sort la France par rapport à ses voisins.

Avec un déficit de 4,8%, la France rendait au troisième trimestre 2023 une meilleure copie que la Slovaquie (-7%), la Bulgarie (-6,6%), la Hongrie (-5,7%), la Pologne (-5,5%), la Lettonie (-5%) et l'Italie (-5%). Mais elle faisait moins bien que l'Espagne (-4,3%), la Roumanie (-4,2%) la Belgique (-4,1%), la Slovénie (-4,0%) l'Autriche (-3,9%) et la République Tchèque (-3,1%).

Le Royaume-Uni affichait dans le même temps un déficit de 5,8% du PIB, selon les données de l'Office national des statistiques (ONS). Le déficit italien atteignait de son côté 5,0% entre juillet et septembre 2023, selon l'Institut national des statistiques (Istat).

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Si l'on s'intéresse maintenant aux prévisions économiques de la Commission européenne de l'automne dernier, portant cette fois sur l'ensemble de l'année 2023, la France se classait alors dans le top 8 des déficits les plus élevés (-4,8%), derrière la Roumanie (-6,3%), la Pologne (-5,8%), la Hongrie (-5,8%), la Slovaquie (-5,7%), l'Italie (-5,3%) et Malte (-5,1%) et la Belgique (-4,9%).

La France a creusé l'écart avec ses voisins en 2023

Ces chiffres permettent-ils de qualifier la France de « mauvais élève » ? Selon Éric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « il y a effectivement eu un petit retournement en 2023 ». « La France est entrée dans la crise de 2020 avec un déficit un peu supérieur à tout le monde, et pendant la crise elle avait maintenu cet écart, voire un peu moins augmenté son déficit que les autres ».

La France a ainsi enregistré un déficit public de 4,8% du PIB en 2022, après 6,5 % en 2021 et 8,9 % en 2020. « Mais alors que les autres pays européens arrivent à réduire leur déficit - à l'exception de l'Italie - la France non seulement n'a pas réussi à le baisser mais a connu un dérapage de 4,8% en 2022 à 5,5% », analyse Éric Heyer pour La Tribune.

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Andreas Eisl, économiste politique comparatif à l'Institut Jacques Delors, « n'aime pas trop le terme mauvais élève ». « Maintenant, il est clair que si on compare la France avec d'autres pays européens, elle a un déficit plus élevé », affirme le chercheur senior en politique économique européenne, qui la situe à peu près dans le « top 5 des moins bons » en la matière.

« Nous ne sommes pas en péril »

À rebours des discours catastrophistes, Éric Heyer rappelle toutefois que « les investisseurs ont encore une très grande confiance dans la signature française ». « On ne voit pas de hausse du spread France/Allemagne. Les adjudications se passent parfaitement bien, il y a même trois fois plus de demande d'achat que de proposition d'offre de dépense publique », rassure le spécialiste.

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L'économiste ajoute que la France est encore notée « 18/20 par les agences de notation ». « Notre dette est de haute qualité, donc c'est faux de dire que nous sommes la Grèce, qui est notée 9/20 », affirme l'économiste. « Nous ne sommes pas en péril et les marchés financiers nous laissent du temps », assure-t-il.