Quel chiffre annoncera demain l'Insee pour le déficit public ? Alors que les agences de notation Fitch, Moody's et Standard & Poor's vont se pencher sur la note de la dette française en avril et en mai prochain, le gouvernement veut montrer qu'il cherche à faire des économies par tous les moyens. Dans une interview accordée à Sud-Ouest samedi, le ministre de l'Economie et des Finances a déclaré que « rétablir les comptes publics [était] vital pour tous les Français ». « Cela nous permet de reconstituer des réserves financières si demain une nouvelle crise devait survenir » a poursuivi Bruno Le Maire.
Après un premier coup de rabot de 10 milliards d'euros décidé le 19 février dernier, le gouvernement envisage désormais d'économiser 20 milliards d'euros supplémentaires dans le budget 2025. Le premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, évoque, lui, 50 milliards d'euros. Sauf qu'à en croire le sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle, Jean-François Husson, rapporteur général de la commission, le déficit public devrait s'envoler à 5,6% du PIB. Soit 65 milliards d'euros d'économie à trouver !
Les élus locaux vent debout
Pour combler les trous, l'exécutif cible, notamment, les dépenses des collectivités territoriales. Le patron de Bercy réunira le 9 avril les représentants des maires, des départements et des régions pour « identifier des économies ». « Il faut discuter », a ajouté Bruno Le Maire. Une discussion qui se fera dans le cadre d'un Haut conseil des Finances publiques locales lancé fin juin par le ministre de l'Economie. Et ce alors même qu'il existe déjà un Comité des Finances locales (CFL), présidé par André Laignel, premier vice-président délégué (PS) de l'association des maires de France (AMF) et composé d'élus locaux, de parlementaires et de hauts-fonctionnaires.
Selon les calculs de Bruno Le Maire, les collectivités représentent en effet 20% des dépenses publiques. Mais « si le gouvernement restreint nos dotations alors même qu'il faut maintenir les services publics et investir dans la transition écologique, nous risquons de devoir augmenter nos impôts », pointe Bertrand Hauchecorne, président (Sans étiquette) de la commission Finances de l'Association des maires ruraux (AMRF).
« Investir dans la lutte contre le changement climatique, dans la réduction de l'empreinte carbone et dans la compétitivité des entreprises est un impératif absolu, sauf à accepter à la fois notre déclassement économique, notre perte de souveraineté et notre incapacité future à diminuer l'ampleur du changement climatique », appuie, auprès de La Tribune, Carole Delga, présidente (PS) de la région Occitanie et patronne de l'association d'élus Régions de France.
Bercy pourrait cependant rétorquer aux maires que la taxe foncière va mécaniquement augmenter de 3,9% en 2024 tirée par l'indice des prix à la consommation de l'Insee qui sert à calculer la hausse des bases locatives et donc des impôts locaux. Ou encore que l'ex-Première ministre Elisabeth Borne a revalorisé de 100 millions d'euros la dotation globale de fonctionnement (DGF) dans la dernière loi de finances 2024.
« Cela manque de cohérence. Après le Fonds vert amputé de 400 millions d'euros mi-février, qu'est-ce qu'ils vont raboter demain ? », s'interroge Bertrand Hauchecorne.
Vote des budgets 2024-2025
Les déclarations du ministre de l'Economie interviennent en outre à un moment où les collectivités territoriales sont en train de voter leur budget 2024-2025. Conformément à la règle d'or qui leur incombe, les élus locaux ont jusqu'au 15 avril prochain pour adopter des dépenses et des recettes à l'équilibre... à la différence de l'Etat. « La dette des collectivités représente 9% de la dette publique, une dette que nous payons nous-mêmes car intégrée dans nos comptes », rappelle André Laignel de l'AMF.
« ll n'y a donc aucune raison de faire une fois de plus les finances locales la variable d'ajustement des errances de l'Etat ! Le levier local est essentiel pour la relance et la modernisation du pays. Nous représentons 70% de la commande publique locale », poursuit le président du Comité des Finances locales.
D'autant que ce n'est pas la première fois que le président Macron s'en prend aux élus locaux. Dès décembre 2017, le gouvernement Philippe avait fait signer aux 322 collectivités territoriales les plus riches - régions, départements, intercommunalités et communes - un « contrat de Cahors » visant à limiter les dépenses de fonctionnement. Jusqu'à la Covid-19, ces derniers avaient pris l'engagement de limiter la hausse de ces dernières, en échange d'une stabilité de leur dotation globale de fonctionnement (DGF).
A peine sorti de la crise sanitaire, l'exécutif avait baissé de 10 milliards d'euros les impôts de production fin 2020, puis fin 2021. Candidat à sa réélection, le président Macron avait annoncé vouloir les réduire encore en supprimant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour toutes les sociétés concernées. Une annonce confirmée par l'ex-locataire de Matignon Elisabeth Borne lors de son discours de politique générale du 6 juillet 2022 mais qui n'a jamais été suivie ni dans son calendrier ni dans ses montants.