Etats-Unis : une corrélation surprenante entre suicides et importations

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  429  mots
Dans les comtés les plus vulnérables à la compétition des produits chinois, le nombre de suicides augmentait de 3,5% par an depuis 2000.
Une étude menée par deux économistes américains démontre que les taux de suicides des zones industrielles vulnérables à la compétition internationale ont augmenté à mesure que les importations venues de Chine bondissaient.

La mondialisation peut-elle conduire au suicide ? La question se pose après lecture des conclusions de l'étude menée par Justin Pierce, membre de la Fed et de Peter Schott, économiste à l'université de Yale (Connecticut).

À partir des travaux d'Anne Case et du prix Nobel Angus Deaton sur l'augmentation de la mortalité chez les hommes blancs âgés de 45 à 54 ans, les deux économistes ont découvert que "la tendance a démarré en 2000, lorsque l'on observe un grand bond des importations américaines de produits chinois et de grosses pertes d'emplois dans l'industrie", analyse Peter Scott dans les colonnes du Wall Street Journal.

Les importations multipliées par cinq

En 2000, le Congrès normalise les relations commerciales avec la Chine. À l'époque, les importations américaines de biens venus de Chine représentaient 100 milliards de dollars. Depuis, le montant a quintuplé pour atteindre 483,2 milliards de dollars l'année passée. 2009 mis à part, la hausse des échanges a été continue depuis 2000.

Parallèlement, des entreprises locales ont souffert de la concurrence de produits chinois moins chers. Certaines n'ont pas survécu, d'autres ont tout de même dû supprimer des effectifs pour maintenir leur activité. Quoi qu'il en soit, ces nouveaux échanges ont créé du chômage dans les régions historiquement industrielles des Etats-Unis.

Or, selon l'étude, les comtés où les emplois étaient les plus vulnérables face à la concurrence chinoise ont vu leur nombre de décès augmenter. Le phénomène "ne pourrait pas être expliqué par d'autres facteurs", retranscrit même le Wall Street Journal. Dans ces mêmes comtés, le nombre de suicides augmentait de 3,5% par an depuis 2000, selon l'étude. Pire, un comté voyait carrément son taux de décès augmenter de 11% pour un point de chômage supplémentaire.

"Nous avons besoin de prendre soin des travailleurs, pas des emplois"

Pour éviter ces drames, faut-il en finir avec le libre-échange ? L'idée semble faire son chemin en Occident. Du Brexit à la présidentielle américaine, les perdants de la mondialisation expriment leur désarroi et leur volonté de changement face à la précarité qu'ils vivent au quotidien.

Pourtant, Peter Scott est contre cette option. Selon lui, la libéralisation des échanges internationaux permet n'est pas souhaitable au vu des avantages qu'elle apporte, notamment en termes de baisse des prix. L'économiste estime que "nous avons besoin de prendre soin des travailleurs, pas des emplois" et plaide pour des programmes de formation des travailleurs afin de les aider à transiter vers des secteurs de l'économie en croissance.