Guerre en Ukraine : les États-Unis tiendront la Chine responsable si la Russie gagne du terrain

Par latribune.fr  |   |  950  mots
Déjà la semaine dernière, les États-Unis se sont dits « passablement inquiets » de l'appui économique et industriel qu'offre la Chine à la Russie. (Crédits : RUSSIAN DEFENCE MINISTRY)
Les États-Unis ont prévenu mardi que la Chine devra rendre des comptes si la Russie réalise davantage de gains territoriaux dans la guerre qu’elle mène en Ukraine. Des propos tenus après que Pékin a renouvelé ses promesses de coopération avec Moscou, lors d'une visite du chef de la diplomatie russe dans la capitale chinoise. La Chine a également indiqué, ce mercredi, refuser toute « critique ou pression » sur ses liens avec la Russie.

[Article publié le mercredi 10 avril 2024 à 09h56 et mis à jour à 12h05] La Chine accorde « une grande importance » aux relations sino-russes et est disposée à travailler « en étroite collaboration avec la Russie » pour renforcer leurs contacts bilatéraux et leur coordination sur la scène internationale. Voilà ce qu'a réaffirmé, selon la télévision étatique chinoise CCTV, le président chinois Xi Jinping mardi, à l'occasion de la visite du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Pékin.

Des propos qui inquiètent les Etats-Unis. Kurt Campbell, haut responsable diplomatique américain, a ainsi prévenu, mardi, que les gains territoriaux de la Russie pourraient « altérer l'équilibre du pouvoir en Europe, d'une manière, franchement, inacceptable », après deux ans de guerre en Ukraine.

« Nous avons directement dit à la Chine, que si elle continue, cela aura un impact sur la relation entre les États-Unis et la Chine. Nous ne resterons pas les bras croisés », a ajouté le diplomate au Comité national des relations entre les États-Unis et la Chine.

Kurt Campbell a, également, expliqué que « cela va à l'encontre de nos intérêts » et que maintenir la paix et la stabilité en Europe était la « mission la plus importante d'un point de vue historique » pour les États-Unis.

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Déjà la semaine dernière, les États-Unis s'étaient dits « passablement inquiets » de l'appui économique et industriel qu'offre la Chine à la Russie. « Le temps passant, nous avons vraiment vu la Chine entreprendre d'aider la Russie à reconstruire sa base d'industrie de défense, en compensant les relations commerciales interrompues par les partenaires européens, en aidant à fournir des composants qui peuvent progressivement renforcer les capacités russes en Ukraine », avait indiqué une haute responsable à la Maison Blanche. En déplacement en Chine, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen avait d'ailleurs menacé de « conséquences importantes » les entreprises chinoises qui apporteraient de l'aide à la Russie et son industrie de défense dans la guerre en Ukraine.

La Chine prévenue de l'invasion russe en Ukraine

Le diplomate a par ailleurs affirmé, mardi, que les États-Unis avaient averti la Chine en avance que Vladimir Poutine ordonnerait une invasion de l'Ukraine en février 2022.

« Je ne suis pas sûr qu'ils nous aient totalement crus, ou ils ont pensé qu'il s'agissait peut-être d'une action de moindre envergure et non d'un grand mouvement », a-t-il déclaré.

Selon lui, la Chine s'était alarmée des premiers revers russes et s'était efforcée de reconstruire « les capacités militaires » de Moscou. Si bien que, plus de deux ans plus tard, « la Russie s'est presque complètement réorganisée et représente une menace importante pour l'Ukraine et la région », a-t-il ajouté.

Les deux pays se sont rapprochés en raison de leur dénonciation commune de ce qu'ils présentent comme l'hégémonie occidentale sur la scène internationale. Selon de nombreux analystes, la Chine, de par sa puissance économique et diplomatique, a toutefois l'ascendant sur une Russie isolée par les Occidentaux. Malgré cette asymétrie, l'appui de Pékin permet à Moscou de « poursuivre la guerre en apportant le nécessaire à la machine de guerre russe », explique à l'AFP Alexander Gabuev, directeur du centre Carnegie Russie Eurasie.

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Deux ans et demi d'ambiguïté

Conscients de cette situation, les États-Unis ont, à de nombreuses reprises, menacé de sanctions la Chine si elle apportait un soutien conséquent à la Russie. Selon eux, Moscou se tourne néanmoins plutôt de plus en plus vers des armes nord-coréennes et iraniennes, deux pays sous sanctions, pour mener sa guerre en Ukraine.

Pékin brandit d'ailleurs régulièrement la carte de l'apaisement, affirmant encore lundi dernier, par la voix de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, « promouvoir la paix et des pourparlers ».

« La Chine jouera toujours un rôle constructif sur la scène internationale et dans les affaires multilatérales, sans jamais jeter de l'huile sur le feu, et encore moins en tirer profit », a encore assuré mardi le ministre chinois de ce département, Wang Yi.

Plus généralement, la Chine appelle au respect de l'intégrité territoriale de tous les États, Ukraine comprise, mais n'a jamais publiquement condamné Moscou pour son opération militaire. Elle prône un règlement politique pour mettre fin aux combats sur le sol ukrainien et se présente comme une partie neutre dans le conflit. Mais force est de constater qu'elle est devenue le principal partenaire économique de la Russie depuis deux ans.

D'autant que, ce mercredi, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a assuré que la Chine rejetait toute « critique ou pression » concernant ses liens avec la Russie, suite aux propos du haut responsable diplomatique américain. « La Chine et la Russie ont le droit d'avoir une coopération normale sur le plan économique et commercial », a-t-elle insisté.

Pour rajouter un peu plus d'huile sur le feu, le président chinois Xi Jinping a déclaré ce mercredi lors d'une rencontre à Pékin avec l'ex-dirigeant de Taïwan Ma Ying-jeou que les « ingérences extérieures » ne pourront entraver la réunification entre l'île et la Chine continentale. En effet, la Chine considère Taïwan comme l'une de ses provinces bien qu'elle n'exerce aucune souveraineté sur ce territoire insulaire de 23 millions d'habitants et ses îles adjacentes. Elle dit privilégier une réunification pacifique mais n'exclut pas le recours à la force si nécessaire.

(Avec AFP)