La Russie lance un rouble numérique dans l'espoir d'échapper aux sanctions

Par latribune.fr  |   |  753  mots
Face aux sanctions, la Russie a été poussée à chercher à développer rapidement des alternatives au système de paiement mondial Swift. (Crédits : MAXIM SHEMETOV)
La Russie devient ainsi le 21e pays dans le monde à entrer en phase d'essai pour lancer une monnaie numérique. A travers le rouble numérique, Moscou souhaite rendre son système financier plus hermétique et limiter l'impact des restrictions internationales, imposées depuis l'invasion en Ukraine.

La Russie a lancé mardi la phase d'essai d'un rouble numérique. Celui-ci s'appuie sur la technologie de la blockchain. Moscou espère ainsi limiter à terme l'impact des sanctions internationales. « Le 15 août, les tests d'opérations avec de vrais roubles numériques ont commencé », a déclaré la Banque centrale russe (BCR) à l'AFP. Au total, treize autres banques et 600 particuliers sont aussi concernés par cette « phase d'essai », a détaillé la BCR. A ce stade, ils pourront effectuer des paiements dans 30 points de vente situés dans 11 villes du pays.

« VTB est devenue la première banque à tester avec succès les transactions avec des roubles numériques dans son application mobile », s'est de son côté félicitée dans un communiqué la deuxième plus grande banque de Russie.

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A terme, « les opérations seront gratuites pour les citoyens et avec une commission minimale pour les entreprises », a précisé la BCR. A travers le rouble numérique, la Russie souhaite rendre son système financier plus hermétique et limiter l'impact des restrictions internationales.

Une monnaie émise par la banque centrale

A la différence des cryptomonnaies, également basées sur la blockchain (une technologie qui permet des transactions directes à partir d'un registre décentralisé), le rouble numérique fait partie des CBDC (« monnaie numérique de banque centrale », en anglais), largement contrôlées. Il est ainsi émis directement par la Banque centrale russe (BCR) et stocké dans des portefeuilles électroniques. Les services de sécurité du FSB supervisent eux la sécurité du système.

Si les autorités disent vouloir un rouble numérique pour rendre les paiements plus « sûrs », certains observateurs estiment au contraire que l'introduction d'une telle forme de monnaie va surtout permettre au gouvernement russe de contrôler encore davantage ses citoyens.

Face aux sanctions, la Russie a été poussée à chercher à développer rapidement des alternatives au système de paiement mondial Swift - dont ses banques ont largement été bannies après le lancement de l'assaut en Ukraine -, tout en dédollarisant ses transactions.

Un rouble au plus bas face à l'euro et au dollar

La Russie devient ainsi le 21e pays dans le monde à entrer en phase d'essai pour lancer une monnaie numérique, selon le comptage des chercheurs d' Atlantic Council, au moment où de nombreux États ont entamé une réflexion sur le sujet. Seuls 11 autres, dont le Nigeria, ont déjà introduit une CBDC. Moscou espère étendre le rouble numérique à tous les Russes le souhaitant « à l'horizon 2025-2027 », selon les explications de la BCR à l'AFP.

En attendant, une majorité de Russes se montrent circonspects quant à l'utilité du rouble numérique, qui devient la troisième forme de monnaie développée dans le pays, après la monnaie fiduciaire et la scripturale utilisée pour les comptes bancaires. Selon un sondage publié le 9 août par l'institut VTsIOM, proche du Kremlin, près de six Russes sur dix ont une « faible compréhension » des objectifs du rouble numérique et autant se disent pas prêts à l'utiliser.

Pour rassurer les inquiets, les autorités ont juré que son utilisation se fera uniquement sur la base du volontariat. Selon Sofia Donets, économiste en chef pour la Russie chez Renaissance Capital, cette monnaie dématérialisée, dans les faits, « ne changera pas grand-chose à la vie des particuliers et des entreprises russes ». Mais elle estime auprès de l'AFP que l'introduction du rouble numérique est un signe que la Russie ne veut pas « être larguée dans le contexte (financier) mondial ».

Cette décision intervient alors que le rouble, qui avait profité un temps des prix extrêmes des matières premières, se retrouve au plus bas face au dollar depuis mars 2022, miné par le tarissement des recettes d'hydrocarbures et une fuite de capitaux hors de Russie. Lundi, la devise est tombée à 102,23 roubles pour un dollar, et presque 111,70 roubles pour un euro, des niveaux plus vus depuis mars 2022, dans les premières semaines de l'invasion russe de l'Ukraine.

Si la Banque centrale russe (BCR) a tenté de voler au secours de sa monnaie mardi en relevant son taux directeur de 8,5% à 12% après une réunion d'urgence, le rouble n'a pas encore récupéré de cet accès de faiblesse. Mardi, il est simplement repassé sous le seuil des 100 roubles pour un dollar franchi la veille.

(Avec AFP)