Sanctions : l'économie russe "paralysée" selon l'université américaine Yale

Par latribune.fr  |   |  670  mots
Selon l'étude de Yale, une école de management très proche des cercles du pouvoir américains, l'économie russe subit une hémorragie de capitaux et de technologies occidentales. (Crédits : EVGENIA NOVOZHENINA)
La faculté américaine de Yale se penche sur la réalité de l'économie russe après six mois de sanctions qui ont coupé les relations économiques avec l'Occident, à l'exception des hydrocarbures. Son rapport explique que "les départs des entreprises et les sanctions paralysent l'économie russe, à court et à long terme". Une hémorragie que le Kremlin tente de compenser par un discours officiel optimiste et des dépenses budgétaires massives.

À quel point les sanctions occidentales décrétées contre la Russie pénalisent-elles son économie ? La question occupe de nombreux responsables politiques et économistes occidentaux.  L'université américaine de Yale tente d'y apporter une réponse. Cette fac prestigieuse de la côte Est dévoile une étude qui affirme que les conséquences sur l'économie russe sont bien plus lourdes que ce que déclarent les chiffres officiels.

Les auteurs de l'étude, issus du département de management de Yale, considèrent que dans le discours officiel russe "un récit commun a émergé". Selon ce récit, la consommation et l'appareil productif russe résisteraient de façon robuste aux sanctions, tandis qu'« une guerre d'usure économique (...) fait des ravages à l'Ouest, étant donné la supposée résilience voire prospérité de l'économie russe ».

"C'est tout simplement faux", affirment les professeurs de l'École de management de Yale. D'après eux, le président Poutine et son administration ne publient que des "statistiques sélectionnées".

Discours officiel et stimulus budgétaire

Dans les faits, "les départs des entreprises et les sanctions paralysent l'économie russe, à court et à long terme" d'après Yale, qui a mené au préalable un travail minutieux de recensement des départs, ou maintiens, d'entreprises étrangères du marché russe, pays par pays, groupe par groupe.

Sous la pression politique de leur gouvernement, de nombreuses grandes entreprises ont gelé ou bradé leurs actifs en Russie, comme le français Renault pour qui ce marché était stratégique. Conséquence directe de ces retraits massifs de capitaux, de salariés et d'usines étrangères, l'approvisionnement du pays en marchandises et en matières premières devient difficile, jusqu'à manquer de certaines technologies cruciales comme des turbines pour ses gazoducs.

Yale dresse ainsi un tableau très sombre. "Malgré les illusions d'autosuffisance et de substitution des importations (...), la production intérieure russe s'est complètement arrêtée et n'a pas la capacité de remplacer les entreprises, les produits et les talents perdus", souligne le rapport qui évalue la part de ces entreprises parties à "environ 40% du PIB, annulant la quasi-totalité des trois décennies d'investissements étrangers".

L'étude se penche sur les stratégies de riposte mise en place par Moscou pour éviter un chaos économique. Le Kremlin procède notamment "à une intervention budgétaire et monétaire insoutenable" à long-terme pour des finances publiques "dans une situation bien plus désespérée que ce qui est admis".

L'improbable pivot vers la Chine

Se pose aussi la question du "pivot vers la Chine" brandi par Vladimir Poutine pour compenser la perte des liens avec l'Occident. Poutine s'est ostensiblement rapproché de Xi Jinping avant l'invasion de l'Ukraine. Cette option d'une bascule de la Russie vers l'économie chinoise relève d' "hypothèses optimistes irréalistes" à en croire l'étude de Yale, tant les relations économiques avec le colosse chinois sont déséquilibrées.

"La Russie représente un partenaire commercial mineur pour la Chine, (...) et la plupart des entreprises chinoises ne peuvent pas risquer d'enfreindre les sanctions américaines", précisent les auteurs, qui jugent aussi que les groupes chinois "manquent en amont de nombreuses technologies nécessaires pour maintenir et entretenir l'approvisionnement pétrolier et gazier russe".

L'enquête de Yale tente ainsi de percer à jour la situation économique russe, dont les rares échos en dehors des médias russes viennent d'institutions internationales. Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe que la Russie s'en sorte mieux que prévu avec un recul du PIB de 6% en 2022, alors qu'il misait sur un plongeon de 8,5% en avril.

Aussi exhaustif et argumenté soit-il, il convient de noter que le travail de Yale sur l'économie russe provient d'une grande université de la côté Est, très proche des cercles de pouvoir américains dont une grande partie ont étudié sur ses bancs.