L'économie russe s'enfonce inexorablement dans la récession

Soumise à des sanctions croissantes, la Russie voit son activité économique de plus en plus limitée. Dernière en date, la perte de sa clause de nation la plus favorisée qui est en train de transformer le pays en un Etat paria dans le commerce international. La récession pourrait atteindre jusqu'à 10% cette année, alors que l'inflation flirte avec les 17%.
Robert Jules
La politique délibérée des pays occidentaux est de créer artificiellement un défaut (sur la dette souveraine) par tous les moyens, a critiqué le ministre des Finances russe, Anton Siluanov.
"La politique délibérée des pays occidentaux est de créer artificiellement un défaut (sur la dette souveraine) par tous les moyens", a critiqué le ministre des Finances russe, Anton Siluanov. (Crédits : Reuters)

"La prévision officielle devrait aboutir à une contraction de plus de 10% (du PIB)" en 2022, a prévenu ce mardi Alexeï Koudrine, ancien ministre des Finances de Vladimir Poutine entre 2000 et 2011, cité par l'agence de presse russe Ria Novesti.

Cette chute de l'activité qui va se poursuivre dans les prochains mois est le résultat des sanctions imposées par les pays occidentaux à la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine décidée par Moscou le 24 février dernier. Selon l'estimation de Focus Economics, un cabinet d'expertise spécialisé dans la prévision économique, la récession pourrait atteindre 8,4% en 2022. Il s'agit là d'une révision spectaculaire de 9,1 points de pourcentage par rapport à son estimation de février! Et le pays devrait être toujours en récession en 2023, avec - 0,8%. "Le départ des entreprises étrangères est en train de faire chuter les investissements, tandis que la hausse de l'inflation, la détérioration du marché du travail, des taux d'intérêt élevés et la faiblesse du rouble devraient réduire les dépenses privées", souligne Focus Economics.

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Le poids du secteur de l'énergie

La Russie a la particularité de dépendre en large part de son secteur de l'énergie. Avant la guerre en Ukraine, il pesait en valeur 20% à 25% du PIB, 65% des exportations et 30% des revenus du budget du pays. C'est la raison pour laquelle Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, martèle que les Européens doivent suspendre tout achat d'hydrocarbures russes pour faire plier Moscou. Une décision qui fait l'objet d'un débat intense qui divise les Etats européens dont certains, comme l'Allemagne, l'Italie ou encore la Hongrie ont des économies très dépendantes de ces importations. A ce jour, seuls les achats de charbon ont été interdits. Selon le site CREA, qui trace au quotidien depuis le 24 février ces achats d'hydrocarbures, 30,4 milliards d'euros ont été versés à la Russie (dont 19 milliards d'euros pour le seul gaz).

Vendredi dernier, une nouvelle sanction de taille a été ajoutée à la liste : la suppression par les Etats-Unis de la clause de la nation la plus favorisée pour la Russie - la Biélorussie est également sanctionné -, qui lui permettait de bénéficier des mêmes avantages commerciaux que tout autre État, pour l'importation d'un produit similaire. Cette restriction va autoriser tout pays à imposer des taxes douanières sur les importations russes. Une nouvelle étape qui transforme le pays en État paria comme la Corée du Nord.

Signe de cette asphyxie progressive, Moscou été incapable d'honorer le 4 avril le paiement de coupons sur des euro-obligations libellées en dollars, proposant un versement en roubles. Ce qui a entraîné l'abaissement par l'agence de notation Standard & Poor's de sa note de crédit d'émetteur en devises étrangères au statut de "défaut sélectif". La note de crédit d'émetteur en devise locale reste "sous surveillance avec implications négatives". Une dégradation qui la rapproche inexorablement du défaut qu'elle a pu éviter jusqu'à maintenant. "La Russie a essayé de bonne foi de rembourser les créanciers extérieurs en transférant les montants correspondants en devises étrangères pour payer notre dette. Néanmoins, la politique délibérée des pays occidentaux est de créer artificiellement un défaut par tous les moyens", a critiqué le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, agitant la menace de poursuites judiciaires. Certaines entreprises n'ont déjà pas pu honorer des remboursements libellés en dollars, comme RZD, la société des chemins de fer russes, ou le groupe minier producteur de diamants Alrosa.

Une inflation à 16,7%

Sur le front intérieur, les ménages russes doivent faire face à une flambée de l'inflation qui s'est affichée à 16,7% en mars sur un an, après 9,15% en février. La hausse des prix est notamment soutenue par la faiblesse du rouble qui renchérit le coût des importations et la réduction de l'offre de biens de consommation qui fait grimper les prix de l'alimentation et de l'énergie. Les experts de Focus Economics prévoient un taux de 19,9% en 2022 et de 12% en 2023.

Pour soutenir sa devise, la Banque centrale russe avait dès le 28 février doublé ce taux à 20% pour stabiliser l'environnement macro-économique, avant de le baisser à 17% le 8 avril pour enrayer la hausse de l'inflation. Il devrait s'établir autour de 18,69% à la fin de l'année et à 11% en 2023. La hausse générale des prix pèse en effet sur l'activité manufacturière. L'indice PMI est tombé à 44,1 en mars (le passage sous le seuil des 50 signifie une contraction de l'activité), après s'être déjà contracté à 48,6 points en février. Il s'agit de son plus bas depuis 22 mois. La baisse est encore plus spectaculaire dans le secteur des services où encore positif en février, à 52,1 points, il a plongé à 38,1 en mars.

Moindre mal, la devise russe s'est stabilisée à son niveau d'avant la guerre. Mardi, le dollar s'échangeait autour de 83 roubles, et l'euro autour des 91 roubles. "Les interventions de la Banque centrale russe ont permis au rouble de regagner le terrain perdu depuis mars (le dollar s'échangeait alors à plus de 130 roubles) après la dégradation de sa dette souveraine en catégorie "junk"", rappelle Focus Economics. La Banque centrale russe a supprimé depuis lundi la commission de 12% appliquée sur l'achat de devises étrangères et lèvera l'interdiction de vendre des devises aux particuliers à partir du 18 avril.

Le rouble bénéficie d'un soutien sous la forme de l'obligation faite aux entreprises exportatrices, notamment dans le secteur des hydrocarbures, de changer en roubles au minimum 80% des devises étrangères qu'elles perçoivent de leurs ventes .

Un impact sur la croissance mondiale

Cette adaptation à l'évolution des sanctions pourrait toutefois trouver des limites. A Kiev, vendredi, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, rendant visite au président ukrainien a prédit que "la Russie va sombrer dans la décomposition économique, financière et technologique". Mais cette volonté pourrait trouver, elle aussi, des limites, notamment sur l'impact sur l'économie mondiale. « Les négociations actuelles entre l'Ukraine et la Russie pourraient déboucher sur un accord de cessez-le-feu. Mais elles pourraient également ne pas aboutir, et une nouvelle escalade n'est pas à exclure. Dans ce cas, qui impliquerait des sanctions et contre-sanctions encore plus dures, l'inflation mondiale pourrait atteindre 7% en 2022, et la croissance économique se limiter à +2,5%, avant une entrée en récession de l'économie mondiale en 2023 (-0,3%) », avertit Ana Boata, directrice de la recherche économique d'Allianz Trade.

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Robert Jules
Commentaires 18
à écrit le 09/05/2022 à 22:12
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L'article ne tire pas les conclusions des arguments avancés par l'auteur. Il faut que remarquer que : 1. Les recettes tirées des exportations d'énergie ont quasiment doublé depuis le début de la guerre du fait de la hausse des cours mondiaux, surtou...

à écrit le 14/04/2022 à 0:13
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.... " ... La hausse des prix est notamment soutenue par la faiblesse du rouble..."......"... Moindre mal, la devise russe s'est stabilisée à son niveau d'avant la guerre. ".....??????¿¿¿¿¿¿ .... bon concrètement ce jour € perd 8 % on pari une parité...

à écrit le 13/04/2022 à 22:56
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C'est exactement le contraire qui se déroule. Les USA et l'Europe suite à leurs sanctions suicidaires s'enfoncent dans la stagflation et la Russie n'a aucun pb économique, monétaire et budgétaire....

à écrit le 13/04/2022 à 11:32
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Vous prenez vos désirs pour la réalité!! C'est au contraire l'occident capitaliste mafieux qui est en train de sombrer sous ses propres sanctions contre la Russie. La Russie se porte à merveille, continue de dénazifier l'Ukraine et reforme l'URSS a...

le 13/04/2022 à 12:03
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@Snowden Beau commentaire de propagande Poutinienne. Les chiffres ne mentent pas. A moyen et long terme la Russie va souffrir et de gré ou de force, les Russes devront s'en accommoder...ou pas. Poutine est le malheur des Russes, de la Russie et s...

le 13/04/2022 à 16:41
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@SNOWDEN Conséquences des petites sanctions délivrées suite à la première agression en 2014 : Fin 2021, la Russie n'avait toujours pas récupéré ses niveaux de PIB et d'exportations qu'elle. affichait fin 2013. "Même pas mal" nous contait le propaga...

le 15/04/2022 à 16:10
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Et bien va donc t'installer à Moscou ou en Sibérie !

à écrit le 13/04/2022 à 11:29
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La ruse s'enfonce oui, mais l'ukrainienne aussi, et l'européenne aussi. Donc au-delà des morts, blessés et destructions, inutiles, tout le monde est perdant.

le 13/04/2022 à 15:41
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sauf les marchands d'armes et munitions !

à écrit le 13/04/2022 à 10:59
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Propagande de guerre pour justifier des mesures prises par les usa qui continuent eux, d ' acheter du pétrole à gros goulot aux russes et des engrais et du minerai etc.. Et puis, avez-vous regardé la France, excellent a...

à écrit le 13/04/2022 à 10:35
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Oui l'economie russe s"effrite, effondre et tend vers le pire, ce n'etait pas la peine de choisir les voies de la guerre et de la destruction en Ukraine. La Russie ne gagnera jamais, la resistance ukrainienne sera totale. Fini de rire en Russie, tout...

à écrit le 13/04/2022 à 10:31
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Veut on nous inquiéter ou nous rassurer? Mais, il est vrai que, dans ces moments troubles, on peut nous raconter n'importe quoi, on n'ira pas vérifier!

à écrit le 13/04/2022 à 10:27
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L'economie russe est comme un navire qui a recu de multiple torpilles. Il continu d'avancé grace a son elan. Et comme l'eau n'a pas encore atteint la ligne de flotaison, il avance tant bien que mal. Mais en realité son sort est scellé.

le 13/04/2022 à 13:10
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la fin de l huile, moutarde et bientot farine dans les rayons des magasins ... FRANCAIS

à écrit le 13/04/2022 à 9:46
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Non, ce n'est pas "l'économie russe qui s'enfonce...", c'est l'Occident qui enfonce la Russie dans la récession. C'est un acte de guerre, le nôtre, il est volontaire, nous devons l'assumer et nous regarder en face

à écrit le 13/04/2022 à 9:15
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Ben depuis le temps que vous le dites ils ne devraient pas y être jusqu'au cou ?

le 13/04/2022 à 10:00
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il faut un certain temps pour que ça se dististille dans l économie...2 signes qui ne trompent pas : la fuite des capitaux et une hyperinflation a 2 chiffres...clause de revoyure d ici la fin de l' année ?

le 13/04/2022 à 10:23
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Ça commence déjà à faire penser au brexit et à Trump surtout, à savoir que les médias de masse n'arrêtaient pas de nous annoncer leur fin tandis que le RU et les EU se portent très bien hors contexte crise oligarchique et forcément économique mondial...

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