C'est un bond en arrière pour la Russie. D'après un rapport de l'Institut de la finance internationale (IIF pour Institute of International Finance) publié mercredi 8 juin, les sanctions imposées à Moscou à la suite de l'invasion de l'Ukraine sont en train d'effacer une quinzaine d'années de progrès économique et trois décennies d'intégration avec l'Occident.
Les sanctions financières - notamment la réduction de la capacité de Moscou à rembourser sa dette extérieure -, la hausse des prix et la sortie des entreprises étrangères du pays ralentissent la demande intérieure, « assombrissant ainsi les perspectives économiques à court, moyen et long terme ».
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Les auteurs du rapport notent que « certaines des conséquences les plus significatives doivent encore se faire sentir ». Dans sa dernière analyse, l'IIF prévoit notamment que l'économie russe se contractera de 15% cette année et de 3% supplémentaires en 2023.
Néanmoins, l'impact des sanctions reste difficile à prévoir tant elles sont mouvantes avec, d'un côté, de potentielles nouvelles sanctions et, de l'autre côté, une possible riposte de la Russie, notamment dans le secteur de l'énergie.
Elina Ribakova, économiste de l'IIF, a aussi relevé que les sanctions bouleversent les chaînes de valeur mondiales. Elle y voit une « désintégration de 30 ans d'investissements et de connexions avec l'Europe ».
Selon le vice-président exécutif de l'IIF, Clay Lowery, l'évaluation de l'efficacité des sanctions imposées à la Russie dépend de ce que les gouvernements tentent d'accomplir. « Si par succès, on entend nuire à l'économie (...), alors ces sanctions ont certainement un impact », et cela devrait augmenter, a-t-il déclaré. Pour autant, par le passé, les sanctions n'ont pas fait la preuve de leur efficacité pour faire changer les politiques de cap, a-t-il ajouté.
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Le secteur automobile particulièrement impacté
La production automobile fait partie des secteurs industriels russes souffrant le plus de l'impact des sanctions occidentales. Cela se ressent sur les ventes de voitures neuves : 24.268 véhicules légers neufs ont été vendus au mois de mai, selon les chiffres publiés par l'Association of European Businesses (AEB). Soit 52% de moins par rapport à avril et même 83,5% de moins sur un an. L'effondrement des ventes a commencé en mars, suite à l'imposition par les pays occidentaux de lourdes sanctions pour ce secteur, bannissant notamment les exportations de pièces détachées vers la Russie.
Le retrait du pays de nombre de marques étrangères et l'arrêt des livraisons de pièces détachées ont également de lourdes conséquences, forçant de nombreuses usines locales à s'arrêter. En avril, la production de voitures avait ainsi baissé de 85,4% sur un an.
Depuis l'entrée, le 24 février, des troupes russes en Ukraine, de nombreux producteurs ont annoncé en outre l'arrêt de la vente de composants ou de voitures à la Russie ou l'arrêt de la production en territoire russe. L'inflation et l'instabilité du rouble ont également réduit les possibilités pour les Russes d'acheter des produits importés, a fortiori des voitures.
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L'inflation en recul en Russie, mais toujours très haute
Les sanctions occidentales envers la Russie lors de l'entrée de ses troupes en Ukraine fin février ont fait s'envoler l'inflation. Après avoir atteint un record en avril, à 17,8%, elle a légèrement reculé en mai, à 17,1%, selon les données de Rosstat, le service de statistiques de l'Etat russe, publiées ce mercredi.
L'augmentation des prix des produits alimentaires a, elle, continué d'accélérer, avec une flambée de 21,5% en mai sur un an, notamment pour les produits de base, comme le sucre (+61,4%), les céréales (+36,3%), les pâtes (+29,2%) les fruits et légumes (+26,3%).
Sur l'ensemble de l'année 2022, la Banque centrale prévoyait que l'inflation annuelle pourrait atteindre 23%, avant de ralentir l'année prochaine et de revenir à l'objectif de 4% en 2024. Elle avait toutefois fait état d'un ralentissement plus rapide que prévu en mai.
Fin mai, le président Vladimir Poutine avait, lui, assuré que l'inflation ne dépasserait pas 15% d'ici la fin 2022, tout en annonçant une hausse des retraites et des minima sociaux. La hausse des prix a déjà considérablement miné le pouvoir d'achat des Russes, qui ont peu d'épargne, et fait fondre de près de 10% leur consommation en avril sur un an.
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ZOOM
LA RUSSIE ALLONGE SA LISTE D'AMÉRICAINS INTERDITS D'ENTRÉE
En représailles aux sanctions prises par Washington, la diplomatie russe a allongé lundi sa liste de citoyens américains interdits d'entrée en Russie, y incluant notamment la secrétaire au Trésor Janet Yellen.
Fin mai, Moscou avait rendu publique une liste de 963 personnalités interdites de séjour sur le sol russe, incluant notamment le président américain Joe Biden, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg et l'acteur Morgan Freeman.
La nouvelle liste comprend 61 noms, essentiellement ceux de responsables gouvernementaux et politiques mais aussi de plusieurs patrons de grandes entreprises, essentiellement dans les secteurs de la défense et de l'énergie.
Outre Janet Yellen, la ministre de l'Energie Jennifer Granholm ou le PDG de l'opérateur de satellites OneWeb, Neil Masterson, ont été sanctionnés. Les PDG d'Universal Pictures et de l'agence de notation Fitch sont aussi ajoutés sur la liste.
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(Avec AFP)