Semi-conducteurs : face aux restrictions japonaises, la Chine déterminée à « devenir autonome »

Par latribune.fr  |   |  843  mots
Les semi-conducteurs sont indispensables au fonctionnement des smartphones, des voitures connectées, mais aussi d'équipements militaires. Et plus globalement de tout produit incluant de l’électronique. (Crédits : FLORENCE LO)
Les annonces du Japon de restreindre l'exportation d'équipements de fabrication de semi-conducteurs ont fait réagir la Chine. Sans être toutefois nommée, elle se sait visée. Elle a donc indiqué que ces restrictions ne vont que la « stimuler davantage » pour « devenir autonome ». Un point de friction révélateur du climat de tension qui règne entre les deux grandes puissances asiatiques depuis plusieurs années et accentué récemment par la guerre en Ukraine.

Après les États-Unis et les Pays-Bas, c'est le Japon qui compte restreindre l'exportation d'équipements de fabrication de semi-conducteurs, ces éléments indispensables au fonctionnement de tout produit incluant de l'électronique.

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Une mesure destinée à « prévenir le détournement de la technologie à des fins militaires », a déclaré à la presse le ministre japonais de l'Économie, Yasutoshi Nishimura, assurant qu'aucun pays n'était ciblé en particulier, vendredi 31 mars.

La Chine se sait visée

Mais la Chine n'est pas dupe. Elle sait qu'elle est visée. Elle a d'ailleurs réagi dans la foulée des déclarations du Japon. « Politiser, instrumentaliser et militariser des questions commerciales et technologiques déstabilisent artificiellement la chaîne de production et d'approvisionnement mondiale », a déclaré Mao Ning, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Le Japon « fait du tort aux autres, mais aussi à lui-même », a poursuivi ce porte-parole.

De fait, le Japon n'est pas le premier État à vouloir mettre en place une telle mesure. Déjà en octobre, les États-Unis ont annoncé de nouveaux contrôles à l'exportation visant à limiter la capacité de Pékin à acheter et fabriquer des puces haut de gamme « utilisées dans des applications militaires ». La Chine a riposté fin 2022 en initiant une procédure auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), accusant là aussi Washington de mettre en péril les chaînes mondiales d'approvisionnement.

Début mars, ce sont les Pays-Bas, un des acteurs importants dans ce secteur, qui ont annoncé qu'ils allaient eux aussi freiner l'exportation de technologies destinées à la fabrication de puces électroniques pour des raisons de « sécurité ». Sans être là non plus directement nommée, la Chine avait alors vivement critiqué la décision de La Haye, le résultat selon elle du « harcèlement et de l'hégémonie » de l'Occident.

Pékin vise l'autonomie

Visiblement désireux de tenter d'arrondir les angles, le ministre des Affaires étrangères japonais s'est du coup rendu en Chine ce week-end. Une première pour un chef de la diplomatie nippone depuis plus de trois ans.

Le ministre chinois des Affaires étrangères ne s'est pas démonté face aux annonces, indiquant que « le blocage ne fera que stimuler davantage la détermination de la Chine à devenir autonome », a affirmé Qin Gang. Allant même jusqu'à qualifier le Japon de « laquais » de Washington, selon le compte-rendu de la rencontre ministérielle. Et d'ajouter :

« Les États-Unis ont utilisé des tactiques d'intimidation pour réprimer brutalement l'industrie japonaise des semi-conducteurs, et maintenant, ils reprennent leurs anciennes ruses contre la Chine », toujours selon le compte-rendu de la réunion.

Afin de réduire sa dépendance aux importations étrangères pour ses puces électroniques, la Chine a investi ces dix dernières années des milliards de dollars dans sa propre industrie de semi-conducteurs. Elle a également annoncé début mars qu'elle allait injecter 1,9 milliard de dollars (1,7 milliard d'euros) de financements dans l'un des principaux fabricants chinois de ce secteur, Yangtze Memory Technologies Co (YMTC).

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Mise en place probable en juillet

S'adressant à des journalistes, le chef de la diplomatie nippone, Yoshimasa Hayashi, a défendu de son côté les restrictions, les considérant « conformes aux règles internationales ». Il a, à nouveau, assuré qu'elles « ne visaient pas un pays en particulier ».

Le gouvernement nippon compte lancer une consultation publique sur les restrictions à l'export qu'il envisage, concernant 23 types d'équipements de fabrication de semi-conducteurs avancés, et qui doivent entrer en vigueur en juillet. Une dizaine d'entreprises nippones, dont Tokyo Electron et Nikon, seront affectées par ces nouvelles mesures, a rapporté l'agence de presse Jiji en citant des sources gouvernementales.

Révélateur du climat de tension

Les semi-conducteurs sont devenus un important point de friction dans les relations difficiles entre la Chine et le Japon, respectivement deuxième et troisième puissances économiques mondiales. Les deux pays ont de relations commerciales majeures, mais leurs liens diplomatiques se sont détériorés ces dernières années, sur fond des ambitions géopolitiques croissantes de Pékin en Asie-Pacifique.

Le fossé entre les deux voisins s'est encore creusé depuis le début de la guerre en Ukraine l'an dernier, Tokyo ayant pris des sanctions contre la Russie comme les autres pays du G7, tandis que Pékin s'est au contraire rapproché de Moscou.

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Les deux ministres ont également évoqué le cas d'un Japonais détenu en Chine. Soupçonné d'espionnage, il travaillait en Chine pour le groupe pharmaceutique nippon Astellas. Yoshimasa Hayashi a indiqué à la presse, à l'issue de la réunion, que le Japon avait « protesté » contre cette détention. Il a appelé à « la libération immédiate » de ce ressortissant japonais. La Chine traitera ce dossier « conformément à la loi », a commenté Qin Gang.

(Avec AFP)