Semi-conducteurs : le Japon lève ses restrictions sur fond de réconciliation avec la Corée du Sud

Le Japon a indiqué vouloir lever ses restrictions à l'export vers la Corée du Sud de produits chimiques nécessaires à la fabrication de semi-conducteurs. Une annonce qui intervient dans un contexte d'apaisement des relations entre les pays voisins. Le président sud-coréen est d'ailleurs actuellement en visite dans la capitale japonaise. Reste que leur contentieux historique pourrait compliquer la réconciliation.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (à droite) et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe à l'issue de leur entretien au bureau du Premier ministre à Tokyo, le 16 mars 2023. Yoon Suk Yeol est en visite pour deux jours au Japon, ce qui représente le plus important sommet entre Tokyo et Séoul depuis 12 ans.
Le Premier ministre japonais Fumio Kishida (à droite) et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe à l'issue de leur entretien au bureau du Premier ministre à Tokyo, le 16 mars 2023. Yoon Suk Yeol est en visite pour deux jours au Japon, ce qui représente le plus important sommet entre Tokyo et Séoul depuis 12 ans. (Crédits : Reuters)

Bonne nouvelle pour la Corée du Sud et son projet de plus grand centre de fabrication de puces électroniques au monde. Comme indiqué ce mercredi, Séoul prévoit sa construction d'ici à 2042, « grâce à des investissements privés massifs d'une valeur de 300.000 milliards de wons [env. 215 milliards d'euros, Ndlr] » provenant du géant coréen Samsung. Ce jeudi 16 mars, le Japon a annoncé qu'il va lever ses restrictions à l'export de matériaux pour semi-conducteurs à destination de la Corée du Sud, lesquelles avaient été instaurées en 2019. En contrepartie, cette dernière va retirer sa plainte sur ce dossier déposée devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

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Le nucléaire nord-coréen au centre des discussions entre Yoon Suk Yeol et Fumio Kishida

Cette annonce entre les deux pays voisins montre qu'ils sont sur le chemin de la réconciliation, après le traumatisme de la colonisation de la péninsule coréenne par l'empire du Japon entre 1910 et 1945.

Le président sud-coréen est d'ailleurs en ce moment en visite pour deux jours au Japon, ce qui représente le plus important sommet entre Tokyo et Séoul depuis 12 ans. Yoon Suk Yeol et le Premier ministre japonais Fumio Kishida doivent tenir ce jeudi une conférence de presse commune.

Les deux dirigeants s'étaient pour l'instant seulement rencontrés en marge d'événements internationaux. Ils doivent poursuivre leurs discussions autour d'un dîner. Des médias japonais ont rapporté que le président coréen avait émis le souhait de déguster du « omurice », un plat familial japonais composé d'une omelette sur du riz.

La Corée du Nord, elle, a marqué ce sommet à sa façon, en tirant un missile balistique intercontinental (ICBM), ce jeudi. Missile qui est tombé en mer du Japon quelques heures avant l'arrivée du président coréen sur le sol de la capitale japonaise pour rencontrer son homologue du Japon, et alors que les programmes nucléaire et balistique de la Corée du Nord doivent être au centre de leurs discussions.

Retour de la « navette diplomatique »

Outre la levée de ces restrictions, les deux pays ont décidé de ressusciter leur « navette diplomatique », c'est-à-dire d'organiser des rencontres régulières de leurs dirigeants.

Le président sud-coréen, qui pourrait aussi être invité par le Premier ministre japonais au sommet du G7 en mai à Hiroshima, a érigé le rétablissement des liens avec Tokyo en priorité absolue dès son élection il y a un an.

« Le gouvernement japonais se joindra à nous pour ouvrir un nouveau chapitre des relations entre la Corée et le Japon », avait-il assuré mercredi dans une interview accordée à plusieurs médias dont l'AFP.

« Nous devons mettre fin au cercle vicieux de l'hostilité mutuelle et travailler ensemble à la recherche des intérêts communs de nos deux pays », avait martelé Yoon Suk Yeol.

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La colonisation japonaise, lourd contentieux entre les deux pays

Mais cette volonté de réconciliation se heurte à un passé traumatique qui pèse encore lourdement sur les relations entre Séoul et Tokyo marquées par la sombre période de la colonisation japonaise de la péninsule coréenne (1910-1945). Notamment la question dite des « femmes de réconfort » coréennes, ces esclaves sexuelles des soldats nippons durant la Seconde Guerre mondiale.

Une décision de justice sud-coréenne de 2018, ordonnant à certaines entreprises nippones de verser des compensations pour le travail forcé durant l'occupation, avait précipité les rapports bilatéraux dans une nouvelle crise, avec la mise en place de barrières commerciales réciproques et l'arrêt de leur coopération dans plusieurs domaines.

Le Japon estime jusqu'à présent que le contentieux historique a été réglé depuis 1965 par la normalisation des relations bilatérales, notamment via un paquet de prêts et d'aide financière accordé par Tokyo à Séoul.

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Le « degré » des excuses du Japon à la Corée du Sud étudié à la loupe

L'arrivée au pouvoir de Yoon Suk Yeol et les inquiétudes grandissantes causées par les provocations répétées de Pyongyang et les ambitions régionales croissantes de la Chine ont cependant relancé les espoirs de détente entre les deux démocraties voisines.

« Des changements radicaux affectent les relations internationales », note Yuki Asaba de l'université Doshisha, et cela « rend d'autant plus urgent pour les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud de se coordonner » et de renforcer leur capacité de dissuasion, selon ce professeur d'études coréennes interrogé par l'AFP.

Pour le professeur Park Won-gon de l'université Ewha de Séoul, les éventuels résultats de ce sommet dépendront « du degré auquel le Premier ministre Kishida sera prêt à s'excuser » pour les crimes passés du Japon.

Tokyo a dit maintenir ses excuses historiques formulées dans les années 1990 pour les actes commis en temps de guerre, mais beaucoup en Corée du Sud les estiment insuffisantes et critiquent le plan de compensation de Yoon Suk Yeol.

Une réconciliation fortement souhaitée par les Etats-Unis

Le rapprochement entre Séoul et Tokyo a cependant été salué sur le plan international, en particulier par les États-Unis, soucieux de voir ses deux plus proches alliés asiatiques se réconcilier.

Pour Yuki Asaba, les concessions du président coréen envers le Japon sont en partie motivées par son désir de se rapprocher de Washington, avec qui il veut une alliance « de nature plus globale, complète et stratégique » dans les domaines économique, sécuritaire ou technologique.

(avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 16/03/2023 à 18:42
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En même temps, face à la Chine et à la Corée du Nord, ils n'ont pas trop d'autre choix que de s'entendre...sous la bannière des US.

le 16/03/2023 à 20:51
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Pour le moment ce n'est que du business qui n'engage à rien militairement parlant.

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