Suisse : les anciens bunkers de l'armée, derniers bastions de l'évasion fiscale ?

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  494  mots
La Suisse compte plus de 8.000 de ces bunkers construits par l'armée, majoritairement durant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide.
Des sociétés ont racheté des bunkers de l'armée suisse pour stocker l'or de leurs clients. Contrairement aux banques, elles sont soumises à une régulation bien plus accommodante.

LuxLeaks, Panama papers, Bahamas papers, ces dernières années les révélations s'enchaînent sur l'évasion fiscale. Malgré un système bancaire réputé pour sa discrétion, la Suisse en fait les frais elle aussi. La fin annoncée de la fraude est revanche loin de se produire. Les services financiers helvétiques ont encore de la ressource pour stocker l'argent des plus riches, quelqu'en soit la provenance.

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8.000 bunkers cachés dans les Alpes

La solution est à chercher du côté des Alpes. Camouflés dans la chaîne montagneuse, bâtiments blindés et autres abris antiatomiques ont été construits par l'armée suisse durant la période dite du "Réduit national", enclenchée dès la Seconde Guerre mondiale jusqu'à la fin de la Guerre froide.

Au total, la Suisse compte plus de 8.000 de ces bunkers. Si certains sont encore en activité, notamment le centre de commandement K20, la Confédération s'en est délestée d'une partie. Parmi les heureux propriétaires, des particuliers en quête d'un logement atypique, des producteurs de fromages, mais aussi des entreprises de services attirées par la sûreté des lieux. Certains y ont installé des data centers, pendant que d'autres offrent à leur client un coffre-dort inviolable pour stocker leur or.

Un bunker situé à une heure de route au sud de Zurich (Reuters/Arnd Wiegmann)

En Suisse, le marché de l'or au plus haut

La Suisse n'est pas un grand producteur d'or, mais détient les plus importantes raffineries au monde pour ce métal. La Confédération domine le marché international, selon les chiffres 2014 BACII International Trade Database et de l'Observatory of Economic Complexity (MIT) :

  • Premier importateur : avec un quart du marché (23%, soit 73,1 milliards de dollars);
  • Premier exportateur : avec un cinquième du marché (21%, soit 66,6 milliards de dollars).

Une bonne santé qui s'explique par l'attrait de l'or depuis la crise de 2008. "Détenir de l'or apparaît comme un rempart contre l'insécurité des banques et un investissement raisonnable à une époque où les marchés sont volatiles", pointe le titre américain Bloomberg. Cela peut aussi être une façon "d'éviter la surveillance accrue des autorités fiscales", complète-t-il. En particulier pour ceux qui choisissent de placer leur or dans les bunkers.

L'absence de contrôles des autorités

Car ces abris blindés offrent des avantages non-négligeables pour leurs clients. Contrairement aux autres sociétés bancaires, celles qui exploitent les bunkers ne sont pas soumises au contrôle du régulateur suisse des marchés financiers FINMA, rappelle Bloomberg.

De même, elles n'ont pas de comptes à rendre au bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (Money Laundering Reporting Office-Switzerland, MROS). Cette agence a révélé des manquements des banques suisses dans les scandales de corruption de la FIFA et de Petrobras au Brésil.