Législatives 2017 : les avantageuses allocations chômage des députés battus

Par Audrey Fisne  |   |  1051  mots
Les députés battus aux législatives ou ne se représentant pas, se retrouvant "au chômage", bénéficient d'une allocation spécifique qui créé la polémique.
En quittant les bancs de l’Hémicycle, après une défaite ou simplement par choix de ne pas se représenter, un député revient à la vie civile. Mais pas question pour le nouveau "chercheur d’emploi" de pointer à Pôle emploi comme n’importe quel citoyen français. Récapitulatif des spécificités des allocations chômage pour les députés battus.

(Article publié le 13 juin à 17h04 et mis à jour le 14 juin à 10h30)

Alors que le nombre de socialistes entrant à l'Hémicycle s'annonce être extrêmement faible (d'après les estimations, le PS obtiendrait entre 20 et 30 sièges maximum), la République en Marche et le MoDem, avec des estimations entre 415 et 455 députés potentiels, semble prête à envoyer sur le carreau quelques habitués de l'Assemblée nationale. Sur les 345 députés sortants qui se sont représentés au législatives, 120 ont été éliminés dès le premier tour. Que vont devenir ces élus déchus ?

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La question de leurs allocations et rémunérations, une fois leur mandat fini attire depuis longtemps les foudres des citoyens, notamment sur Internet. Dans son ouvrage Argent, morale, politique, René Dosière, député sortant PS de l'Aisne, qui propose une moralisation de la vie politique, explique à ce sujet:

« Selon une rumeur largement répandue sur les réseaux sociaux, les députés battus conserveraient leur rémunération pendant cinq ans. Pour d'autres, ils bénéficieraient d'un parachute doré. La réalité est bien différente, et plus normale. »

De quoi s'agit-il exactement ?

Concrètement, les députés âgés de moins de 60 ans qui étaient fonctionnaires, retrouvent immédiatement leur emploi. Etant en situation de détachement pendant leur mandat, ils se mettent ainsi en disponibilité. Pour les députés issus du privé, la situation est un peu plus complexe. Depuis 2007, une « allocation d'assurance mutuelle différentielle et dégressive de retour à l'emploi », dite FAMDDRE,* est attribuée aux députés non réélus, de moins de 60 ans - 62 ans dès 2018 -, c'est-à-dire ceux ayant été battus ou ayant choisi de ne pas se représenter.

Ces anciens députés peuvent ainsi bénéficier d'une allocation dégressive pendant trois ans. Ils touchent 100% de l'indemnité parlementaire soit 5.999,80 euros bruts durant les six premiers mois puis 70% de l'indemnité parlementaire durant le deuxième semestre (4.199.86 euros bruts), 50% durant le troisième semestre (2.999,9 euros bruts), 40% le quatrième semestre (2.399,92euros bruts), 30% le cinquième (1.799,94 euros bruts) et 20% le sixième (1.199,96 euros bruts).  Il s'agit là d'un réel avantage puisque, à salaire égal, les salariés du domaine privé au chômage touchent 57,4% de leur salaire de manière fixe pendant deux ans.

A noter que, cette allocation est différentielle : elle prend donc en compte tous les revenus du demandeur et se retrouve amputée de tous les autres revenus que pourrait recevoir l'ancien député (indemnisation d'élu local, rente, immobilier...).

Précédemment, les députés ayant bénéficié de cette allocation chômage était au nombre de 44 en juillet 2012 sur les 233 non réélus et 30 en 2007.

Comment l'allocation chômage est-elle financée ?

L'allocation est financée via les cotisations versées chaque mois par tous les députés en exercice (27,57 euros) dans un fonds de solidarité géré administrativement par la Caisse des dépôts et consignations depuis 2012. Ainsi, 954.473,40 euros sur la législature sont cotisés sur les rémunérations des députés au titre de l'allocation chômage. ( Soit 27,57 euros x 12 mois x 5 ans x 577 députés, ndlr). En comparaison, l'allocation chômage du régime général est cotisée à hauteur de 2,40% par le salarié et de 4% par l'employeur (4,05% à partir du 1er septembre 2017).

Le député de la Manche, Philippe Gosselin (Les Républicains), l'un des rapporteurs de la loi définissant ces avantages avait expliqué en mai dernier, dans l'émission L'œil du 20 heures de France 2 que cette spécificité avait pour vocation d'attirer de salariés du secteur privé sur les bancs de l'Assemblée nationale, où la fonction publique est surreprésentée. Il ajoutait :

« Ce n'est pas non plus le fric qui coule à flot comme certains peuvent se l'imaginer. Il y a beaucoup de fantasmes derrière tout ça. Je considère qu'un député qui est élu et qui arrête a aussi le droit de se retourner, comme n'importe quel salarié arrivant à la fin de son contrat de travail. »

Un avantage décrié

D'autres députés adoptent, eux, une posture beaucoup plus critique, face à cette allocation chômage. Charles de Courson député UDI de la Marne, dans la même émission de France 2 indiquait alors :

« J'étais depuis des années favorable à banaliser la situation des parlementaires. De manière à dire : les parlementaires sont traités comme tout le monde. Quand il y aura de nouvelles réformes, elles seront appliquées à tout le peuple français. »

Mais le montant de l'allocation chômage, qui peut devenir particulièrement avantageux, pose également problème. Sans autre revenu, si un député issu du privé « au chômage » bénéficie de l'aide pendant les trois ans, il pourra ainsi toucher 102.574,86 euros au total, selon le think tank iFRAP. Et si cette somme est élevée, elle s'explique par le montant important de base d'indemnisation des députés : elle s'élève en effet à 5.514,68 euros, ce à quoi il faut ajouter l'indemnité de résidence (165,44 euros), l'indemnité de fonction (1.420,03 euros) ce qui équivaut à un salaire brut mensuel de 7.100,15 euros.

D'autre part, contrairement à la procédure traditionnelle menée par Pole emploi dans le cadre de cette allocation, aucun contrôle n'est mené pour s'assurer que le député poursuit bel et bien sa recherche d'emploi puisque ce n'est pas cet organisme qui y est en charge.

La fondation iFRAP, think tank spécialisé dans les politiques publiques, s'appuie lui sur le modèle britannique pour critiquer le système français. Il propose ainsi qu'un individu souhaitant se présenter aux législatives soit contraint de démissionner de la fonction publique, que la période d'indemnisation chômage des députés soit égale à celle de l'allocation chômage du régime général - soit de deux ans - et que « l'allocation d'assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l'emploi » soit réservée aux députés battus et non à ceux qui choisissent de ne pas se représenter.

* FRAMDRRE : Le fonds d'assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l'emploi