Législatives  : « hold-up » ou leçon de démocratie ?

Au lendemain d'un premier tour des législatives dominé par LREM, certains craignent un « hold-up institutionnel » d'Emmanuel Macron sur la vie politique française. Mais c'est confondre l'effet et la cause. Le bouleversement en cours est d'abord l'expression démocratique du rejet de la politique suivie ces vingt dernières années.
Robert Jules

« Hold-up démocratique », « hold-up institutionnel », un électorat « à vomir », selon le mot d'un candidat LR dépité d'avoir été éliminé ! Ces commentaires prononcés à l'issue du premier tour des élections législatives, qui a placé largement en tête les candidats qui se présentaient sous les couleurs de La République en marche (LREM), laissent à penser que l'on assiste à un coup de force bonapartiste d'Emmanuel Macron.

En réalité, il n'en est rien, et c'est confondre la cause et l'effet. La recomposition en marche du paysage politique français résulte d'abord d'un processus démocratique.

Beaucoup promis, beaucoup déçu

Car si nous en sommes arrivés là, c'est d'abord à cause de la politique menée par les partis traditionnels - Parti socialiste et Les Républicains (ex-UMP) et leurs alliés - qui se sont succédé au pouvoir ces 20 dernières années. Ils ont beaucoup promis, notamment sur l'emploi pour faire baisser le chômage. Ayant beaucoup déçu, ils ont progressivement perdu leur électorat au fil des consultations électorales jusqu'à ce qu'apparaisse une nouvelle offre.

En effet, Emmanuel Macron n'a pas fait un coup d'Etat ou une OPA, il a répondu à une demande politique - volonté de réformes, acceptation du cadre de la mondialisation, ancrage européen... - d'un large électorat qui n'est toutefois pas majoritaire. D'ailleurs, il n'était pas le seul. Marine Le Pen mais surtout Jean-Luc Mélenchon ont eux-aussi répondu à l'attente d'une partie des électeurs comme l'illustrent leurs bons scores à la présidentielle. Il y a en effet en France une part importante de citoyens qui refusent l'Union européenne telle qu'elle se construit, considèrent que le cadre national est plus à même de résoudre les problèmes du pays, en le protégeant d'une mondialisation sous influence néo-libérale.

L'oubli de ce qu'est un parti politique

Mais la désaffection pour les partis traditionnels ne s'explique pas uniquement par l'exercice usant du pouvoir, qui les aurait rendus sourds et aveugles aux demandes de la société civile. Elle est également à chercher dans l'oubli de ce qu'est un parti politique. En démocratie, un parti est d'abord le lieu d'un rassemblement d'une communauté d'hommes et de femmes qui à partir de valeurs communes élaborent un corpus idéologique qui donne lieu à un programme politique et à la sélection d'un leader pour le défendre. C'est précisément ce qu'on fait LREM et la FI en élaborant leur programme à partir de la consultation de ses militants. Au contraire, les partis traditionnels ont dû avoir recours aux primaires, qui, même de qualité, sont le symptôme que le parti ne remplit plus sa fonction.

Le bouleversement du paysage politique français résulte donc du choix d'électeurs qui ont suivi une logique démocratique et ne se sont pas soumis à des mots d'ordre.

 Démobilisation après la défaite à la présidentielle

C'est dans cette perspective qu'il faut apprécier l'abstention élevée du premier tour, qui dépasse les 50%. Et loin d'en faire un mal absolu, en comprendre son sens. En effet, selon un sondage BuzzFeed News, les électeurs qui ont décidé de ne pas s'exprimer sont en majorité ceux qui avaient voté pour Marine Le Pen (56%) et pour Jean-Luc Mélenchon (52%). Cette désaffection n'exprime pas un désintérêt de la politique mais leur démobilisation après la défaite à la présidentielle qui reste l'élection majeure dans la Ve République. Au contraire, la dynamique a joué à plein dans le camp du gagnant.

Autre critique avancée, les nouveaux députés LREM étant redevables de leur élection à Emmanuel Macron vont former une majorité à sa botte. Certes, ils ont signé un engagement en faveur d'un programme de réformes mais pas leur soumission à un homme.

C'est oublier également qu'ils sont élus par des électeurs devant qui ils devront rendre des comptes. Et s'ils adhèrent à la démarche du président, ils conservent la possibilité en tant que parlementaire de contrôler et si besoin d'amender les projets de loi qui leur seront proposés. C'est même la raison d'être de leur travail.

Indépendance plutôt que grégarisme

Enfin, la diversité de la composition sociologique de ces nouveaux élus est davantage une garantie d'indépendance que de grégarisme. Ceux qui viennent de la société civile, outre leur propre vision tirée de leur expérience, seront moins sensibles que les politiques professionnels à la formation dont ils dépendent. Ce n'était pas le cas de nombre de sortants dont le lien au parti était vital pour leur carrière.

Loin donc de voir dans l'évolution actuelle du paysage politique un « hold-up » constitutionnel, on y verra davantage la vitalité de la démocratie en France. Et la détention de nombreux leviers du pouvoir qu'assure la Ve république n'est pas le gage d'une puissance sans limite. Dans la première partie du quinquennat, le parti socialiste de François Hollande dominait toutes les instances du pouvoir. On a vu ce qu'il en a fait et où il se trouve aujourd'hui.

Emmanuel Macron sera jugé sur la politique qu'il mènera. Il a le mandat d'engager des réformes qui améliore la situation des Français dans leur ensemble. S'il ne le fait pas, il sera rejeté. Ainsi va la démocratie dans nos sociétés : « pouvoir se débarrasser des gouvernements sans violence », selon la définition de Karl Popper.

Robert Jules

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Commentaires 26
à écrit le 13/06/2017 à 19:07
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Pour se dédouaner d'une politique économique désastreuse, Hollande et ses sbires ont essayé de persuader les français que tous les maux venaient de leur prédécesseur. Souvenez-vous de "il nous a fallu passer la serpillière" de Cambadélis. A force, il...

à écrit le 13/06/2017 à 14:33
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Les opposants à EM ont la mémoire très courte et oublient qu'ils ont déjà eu ce genre de majorité absolue que ce soit LR ou le PS. De plus, le Sénat n'est pas EM ni les régions. Très mauvais procès d'intention donc. Ensuite, se plaindre qu'il y a d...

à écrit le 13/06/2017 à 14:14
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campagne affligeante et sans scrupule au détriment de leur appartenance!! certains s affichent déja se faire élire a tout prix..

à écrit le 13/06/2017 à 11:58
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Quand Chirac à la majorité absolue c'est la bonne démocratie. Idem pour Hollande. Mais pour Macron c'est un risque antidémocratique !

à écrit le 13/06/2017 à 11:12
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Le "dégagisme" continue, cela peut paraitre intéressant pour certain et imposer des réformes, issue de GOPE, sans opposition! Mais cela peut amener des surprises si les "nouveaux" députés veulent se prendre au sérieux!

à écrit le 13/06/2017 à 11:09
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@jenace 12/06/2017 18:46 En 2012, PS+PRG+DVD+Ecolo ont obtenu 306 sièges avec 26.6 % des inscrits et, à ma connaissance, personne n'avait rien trouvé d'anormal. Ref: site du ministère de l'intérieur Cordialement

à écrit le 13/06/2017 à 8:53
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Comment osez vous mettre un tel titre "hold-up....", les électeurs ont voté en leur âme et conscience, vous nous insultez. C'est vrai, les journalistes se fichent d’outrager le peuple. Ils sont protégés.....

à écrit le 13/06/2017 à 0:00
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Qui ne dit mot consent. Perso j'y suis allé... Poures autres les absents faut pas se leurrer ils payent pour voir

à écrit le 12/06/2017 à 22:56
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regardez ces vieux chabanis qui décidément ne sont pas si intelligents que cela : ils ne comprennent toujours pas qu'ils ont été TOUS sanctionnés en raison de leur feignantise, ils sont ceux qui se pavanaient, disaient maitriser les "arcanes" des 2 c...

à écrit le 12/06/2017 à 21:50
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J'ai quand même une pensée émue pour ces futurs ex-députés ... Le premier choc ça sera quand il rentreront dans une voiture et qu'ils s’apercevront qu'elle ne démarre pas toute seule. Puis, la déchéance lente, progressive, implacable: chercher du tr...

à écrit le 12/06/2017 à 20:38
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C'est le degré zéro de la démocratie et le summum du clientélisme, d'élire un député pour la seule et unique raison que c'est le copain du président. Parce qu'il faut être naïf pour penser que des gens qui n'ont rien fait et n'ont aucune attache null...

à écrit le 12/06/2017 à 20:09
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la 5eme République c'est un roi tous les 5 ans et 577 godillots pour rien (ordonances et 49/3)... Ou est la democratie ???? Ceci explicant certainement l'abstention!!!

à écrit le 12/06/2017 à 19:45
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Selon beaucoup des perdants et il faut bien le dire de journalistes M. Macron obtiendrait tous les pouvoirs et selon eux sans aucun contre-pouvoir. Avions nous entendu ces mêmes personnes s'offusquer quand François Hollande est arrivé aux responsabil...

à écrit le 12/06/2017 à 19:01
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Les députés devraient rendre des comptes. Quand, a qui, sur quoi? Et ils risqueraient quoi? De ne pas être réélu? Les nouveaux élus ne sont plus des professionnels de la politique. L'argument semble bien mince.

à écrit le 12/06/2017 à 18:46
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35% de 100% des inscrits la véritable démocratie risque bien d'être dans quelques temps dans la rue! pour l’instant, sans proportionnelle, nous sommes une république bananière!

à écrit le 12/06/2017 à 18:29
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35% de 100% des inscrits la véritable démocratie risque bien d'être dans quelques temps dans la rue! pour l’instant, sans proportionnelle, nous sommes une république bananière!

à écrit le 12/06/2017 à 18:28
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Parce que vous croyez que Macron va tenir ses promesses !!!! certaines sont irréalisables... Soyons sérieux 5 minutes....

à écrit le 12/06/2017 à 18:22
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Leçon de démocratie de la part de ceux qui ont dégagé les candidats issus de partis figés . Quant aux abstentionnistes des électeurs peu concernés ou alors pouvant expliquer leur non participation .

à écrit le 12/06/2017 à 17:58
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Législatives : « hold-up » ou leçon de démocratie ? avec des Députés élus par 15 % du corps électoral, l'on ne peut certainement pas appeler ca une leçon de démocratie c'est lutôt la démocratie qui est affectée d'un grave cancer politique ... ...

le 12/06/2017 à 18:36
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tout à fait d'accord quand un président a les pleins pouvoirs avec le vote de 35% ou 40% des inscrits c'est que nous sommes tout prêt d'une république bananière!

le 12/06/2017 à 19:11
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Annuler l'élection sous prétexte de démocratie, on aura tout vu. D'autant que nous sommes loin des pleins pouvoirs : il y-a un sénat, des régions, des départements, des municipalités dont aucun n'est sous la dépendance de la République en Marche

le 12/06/2017 à 20:14
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c'est pas 15% des inscrits mais moins: 12,5%....c'est vrai que la démocratie est inexistante...

à écrit le 12/06/2017 à 17:41
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"Le bouleversement en cours est d'abord l'expression démocratique du rejet de la politique suivie ces vingt dernières années" Oui vous avez raison mais qui est le plus raisonnable des abstentionnistes ou des marcheurs, ceux qui doutent qu'un part...

le 12/06/2017 à 18:31
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Mais vous avez certainement raison, il ne va servir que ses maitres, pour le reste, c'est un suicide collectif. (Wako)..

le 13/06/2017 à 9:04
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Ce n'est pas un suicide collectif c'est une campagne médiatique de masse pour un candidat qui plait à l'oligarchie, tout comme sarkozy, un amour aveugle sans critique, les seuls opposants que l'on voit à la télé sont la droite et l'extrême droite, do...

à écrit le 12/06/2017 à 17:39
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« Hold-up démocratique », « hold-up institutionnel », un électorat « à vomir », selon le mot d'un candidat LR dépité d'avoir été éliminé ! On ne va donc citer son nom puisque l'article ne le précise pas . Le député sortant a notamment fustigé "...

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