Le plan Hamon pour contrer "la tentation Macron"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  964  mots
Benoît Hamon va se livrer à une "opération séduction" à destination de toutes les "chapelles" du parti socialiste pour éviter des transfuges vers Emmanuel Macron. Il va ouvrir très largement son comité de campagne et a déjà reçu le soutien officiel du Premier ministre Bernard Cazeneuve.
Benoît Hamon, fraîchement élu candidat officiel du PS, a son plan pour endiguer "en douceur" d'éventuels départs de parlementaires socialistes vers Emmanuel Macron.

Partiront, partiront pas ? Au lendemain de la nette victoire de Benoît Hamon à la primaire organisée par le Parti socialiste et ses alliés, l'aile droite du PS est dans l'expectative. De nombreux parlementaires s'interrogent sur la conduite à tenir avec la défaite de Manuel Valls. Faut-il rester au sein du parti et soutenir la campagne de Benoît Hamon qui défend des idées très éloignées des leurs, ou bien faut-il franchir le Rubicon et rejoindre le mouvement « En Marche ! » d'Emmanuel Macron ?

Dès dimanche soir, à peine la victoire de Benoît Hamon acquise, plusieurs députés ont fait connaître leur intention, tels François Loncle, député PS de l'Eure, ou Alain Calmette, député du Cantal, qui se refuse « à soutenir le plus emblématique des frondeurs... je m'engage dès ce soir derrière Emmanuel Macron ». Ils rejoignent ainsi d'autres transfuges comme Gérard Collomb, sénateur maire de Lyon, Richard Ferrand, député PS du Finistère, devenu porte-parole d'Emmanuel Macron, ou encore Christophe Castaner, député des Alpes-de-Haute-Provence*.

Vers un "sauve-qui-peut" général?

Pour autant, va-t-on assister à un « sauve-qui-peut » général d'élus PS soucieux de sauver leur siège aux prochaines législatives de juin ? A ce stade, rien n'est moins sûr. Pour commencer à y voir clair, il faudra attendre la réunion mardi 31 janvier de la mouvance du PS, « les réformateurs », l'aile droite du parti, qui se réuniront autour du député de la Gironde Gilles Savary. Ils prendront alors la décision, ou pas, de rejoindre Emmanuel Macron. Leur décision va donner le « la ». S'ils migrent massivement vers le fondateur de «En Marche !», alors les choses vont se compliquer pour Benoît Hamon. Mais, du côté du vainqueur de la primaire, on ne veut pas croire à un vaste mouvement de transfuge, et on se prépare à un endiguement... sans contrainte.

Un député étiqueté « aubryste » explique à La Tribune :

« Je parie que les départs vers Macron de parlementaires se compteront sur les doigts de deux mains, ou à peine plus. Car Benoît Hamon est arrivé en tête dans la quasi-totalité des circonscriptions électorales, ce qui signifie qu'il y a une demande de gauche, les députés tentés par Macron devraient y songer. Et mon analyse est que le phénomène Macron est né du besoin de combler un vide entre la droite dure incarnée par François Fillon et le radicalisme de Jean-Luc Mélenchon. Ce vide est dû à la déception qu'a entraînée le quinquennat Hollande. Avec la victoire de Hamon, il existe maintenant une vraie alternative à gauche. Son élection donne de l'espoir et autorise même à être critique sur certains aspects du bilan de Hollande, ce qui n'aurait pas été le cas avec Valls. »

Pour éviter l'hémorragie, Benoît Hamon a son plan. D'abord, il ne sera pas dans la menace. Autrement dit, si des parlementaires socialistes veulent courir l'aventure Macron, ils ne seront pas exclus du PS. "On ne fera pas avec eux ce qu'ils ont voulu faire avec les frondeurs qui refusaient de voter les lois Macron et El-Khomri", explique ce même député aubryste.

Le "plan" Hamon à destination du parti

Par ailleurs, Benoît Hamon va se livrer à une « opération séduction ». Déjà, dès ce lundi 30 janvier, il a reçu le soutien officiel du Premier ministre Bernard Cazeneuve, qui ne se situe pas franchement à la gauche du parti. Mardi 31 janvier, il rencontrera les parlementaires socialistes, pour expliquer qu'il a besoin de tout le monde. Il répètera ensuite ce geste devant le bureau national du PS. La stratégie de Benoît Hamon est donc de jouer « l'ouverture » au sein du parti. Pour ce faire, il compte ouvrir au maximum son comité de campagne à toutes les « chapelles » du parti. Quitte à mettre un bémol sur ses idées les plus emblématiques, comme le revenu universel. Jeudi 2 février, Benoît Hamon aura un entretien avec François Hollande, sorte de passage symbolique du témoin. Le point d'orgue à ce « grand rassemblement » aura lieu dimanche 5 février avec l'organisation d'une convention du parti destinée à officiellement désigner Benoît Hamon comme candidat de « tous les socialistes »....Mais, premier écueil dans ce beau scénario, Manuel Valls ne devrait pas assister à cette convention.

Surtout, tout ce beau plan s'avère extrêmement fragile, car il soulève beaucoup de questions. Ainsi, que se passerait-il si des ténors du gouvernement, on songe à Ségolène Royal notamment, annoncent qu'ils choisissent de soutenir Emmanuel Macron ? Et dans quelques semaines, une fois » l'effet élection » retombé, qu'adviendra-t-il si Benoît Hamon occupe toujours la quatrième ou cinquième place dans les sondages, devant ou derrière Jean-Luc Mélenchon mais, en tout cas, à distance d'Emmanuel Macron ? Dans un tel cas de figure, les députés qui avaient été tentés par l'ancien ministre de l'Économie, mais qui n'avaient pas franchi le pas risquent, cette fois, de ne pas se retenir.

L'épilogue prévu pour début mars

C'est au plus tard début mars que tout va se jouer. D'abord parce que la date limite pour le dépôt des parrainages au Conseil constitutionnel pour participer à la présidentielle est fixée au 17 mars.

Ensuite parce que l'on connaîtra alors le contenu du programme d'Emmanuel Macron. Celui-ci, conscient que les critiques sur « son absence de programme connu » prennent de l'ampleur, a décidé d'accélérer le tempo. Il dévoilera donc ses idées fin février et non plus « courant mars ». Il sera alors plus facile pour les différentes écuries socialistes de se positionner en connaissance de cause.