Nicolas Sarkozy et le "syndrome Giscard"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  877  mots
Nicolas Sarkozy a été frappé par le "syndrome Giscard" qui empêche un ancien président de retrouver le chemin de l'Elysée.
Comme Valéry Giscard d'Estaing, Nicolas Sarkozy n'a pas réussi à prolonger son mandat à l'Elysée. Comme Giscard, il a échoué dans son opération reconquête.

« Il est temps pour moi d'aborder une vie avec plus de passion privée et moins de passion publique ». C'est avec ces mots que Nicolas Sarkozy a tiré sa révérence dimanche 20 novembre après avoir reconnu sa sévère défaite lors de la primaire de la droite. L'ancien président, à l'instar d'un certain Valéry Giscard d'Estaing un soir de mai 1981 après sa défaite face à François Mitterrand, a même terminé par un "au revoir à tous".

De fait,  il y en a des similitudes entre les deux anciens présidents. Nicolas Sarkozy et "VGE" partagent le même échec, celui de n'être pas parvenu à décrocher un second mandat alors qu'ils étaient à l'Elysée... A la différence de François Mitterrand et de Jacques Chirac, voire du général de Gaulle (mais celui-ci n'avait pas été élu au suffrage universel direct pour son premier septennat). Quant à François Hollande on verra bientôt ce qu'il adviendra...

VGE et Sarkozy ont raté leur reconquête dans leur propre camp

Tout comme Valéry Giscard d'Estaing, Nicolas Sarkozy n'a également pas réussi à revenir. Giscard espérait prendre sa revanche en 1988, mais il n'a jamais été en situation, la mouvance centriste lui préférant Raymond Barre. Nicolas Sarkozy, lui, y croyait. Il se disait même persuadé d'échapper à la « malédiction Giscard ». Et, de fait, il avait des raisons d'y croire. Après son faux retrait de la politique en mai 2012, au soir de sa défaite face à François Hollande, Nicolas Sarkozy était persuadé que la victoire lui avait été confisquée et qu'avec deux semaines supplémentaires de campagne, il aurait été réélu, face à ce « candidat de substitution » qu'était à ses yeux François Hollande.

La rocambolesque bataille pour la tête de l'UMP que se sont livrés François Fillon et Jean-François Copé pouvait également donner tous les espoirs à Nicolas Sarkozy qui pouvait revenir en « sauveur » de sa famille politique. Pourtant, lors de élection à la tête du parti en décembre 2014, il n'obtient « que » 70% des voix, Bruno Le Maire réussissant à capter 30% des suffrages. Première alerte, pour l'ancien maire de Neuilly qui ne fût donc pas plébiscité. Mais il pensait par la suite que son charisme suffirait pour en faire le candidat naturel de la droite pour 2017.

Sarkozy ne voulait pas de la primaire

Sauf que l'UMP d'alors, parti rebaptisé ensuite par Sarkozy « Les Républicains », avait décidé dès avril 2013 d'organiser une primaire. C'est peu dire que Nicolas Sarkozy n'en voulait pas et a tout fait pour l'empêcher. Mais les Juppé, Le Maire, Fillon, Raffarin et les autres n'ont pas cédé. Et, une fois encore, Nicolas Sarkozy était certain de l'emporter... du moins au début. Il savait qu'il pouvait compter sur son « fan club », ce noyau dur des militants « Les Républicains » qui lui est totalement acquis. Mais il savait déjà qu'il ne fallait pas trop "ouvrir" cette primaire au centre... Comme en 2012, Nicolas Sarkozy s'est alors lancé dans une campagne furieusement à droite, multipliant les effets de menton et pratiquant la surenchère sur les questions identitaires et sécuritaires, persuadé que cela paierait dans une France traumatisée par les attentats de l'année 2015. Comme en 2012, Nicolas Sarkozy pensait attirer à lui cette frange de la droite de plus en plus sensible au chant des sirènes du Front National.

Une sous-estimation de l'anti-Sarkozysme

Mais cela n'a pas fonctionné. Malgré la très forte mobilisation de son « fan club », l'ancien chef de l'Etat a sous-estimé la virulence de l'anti-sarkozysme de gauche comme de droite. Comme à l'époque, Giscard n'avait pas saisi à quel point il s'était dévalorisé aux yeux des siens. Nicolas Sarkozy n'a pas compris qu'en dehors de ses soutiens les plus indéfectibles, il faisait l'objet d'un rejet d'une majorité de Français très déçus par son quinquennat et cette « rupture » promise qui n'a jamais eu lieu. Et galvanisé par la percée de Marine Le Pen, qui se voit déjà au second tour de la présidentielle, l'électorat droitier, sur lequel l'ex maire de Neuilly comptait tant, ne s'est pas prononcé en masse en sa faveur. Quant aux très nombreux électeurs du centre, ils ont préféré Alain Juppé ou François Fillon, considérés comme moins agités et... moins sulfureux.

Ses propos de campagne sur « les Gaulois » ou sur « les frites » ont fait le reste. Sans parler des « affaires » que Nicolas Sarkozy traîne comme un boulet. C'est donc raté pour lui. Le syndrome « Giscard » a encore frappé. Et François Hollande a perdu son meilleur ennemi. Le président va sans doute méditer sur le parcours de Nicolas Sarkozy.

Reste qu'il n'est pas encore certain que l'on ait assisté aux adieux définitifs d'un tel animal politique. «Il a fait beaucoup de références à la France dans la première partie, maîtrisée, de son discours. Et en général, c'est que l'on a derrière la tête l'idée que l'on pourrait toujours la servir», a jugé Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS sur France info. L'avenir le dira.