Primaire de la droite : une participation forte ... mais peu représentative

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  799  mots
Une étude de Terra Nova démontre que le succès incontestable de la primaire de la droite ne doit pas masquer le fait que les près de 4,5 millions de votants ne sont pas représentatifs de l'ensemble de l'électorat français. François Fillon ne devra pas l'oublier...
Si la primaire de la droite a été un incontestable succès, selon une étude récente, les choix d’implantation des bureaux de vote ont cependant conduit à sur- représenter certains territoires... et donc un certain public non représentatif du corps électoral dans son ensemble.

L'organisation de la primaire de la droite a fait l'objet « d'un ciblage précis et très discriminant  (...). Ella a été remarquablement efficace en termes de mobilisation ». Mais ceci ne s'est fait « qu'au prix d'une organisation du scrutin qui, par ses choix d'implantation et son quadrillage du territoire, a tendu à enfermer l'élection dans un bocal sociologique propre à favoriser une autre forme de radicalité dans le choix du candidat ».

Le think tank progressiste Terra Nova s'est livré à une intéressante analyse de la primaire de la droite de novembre 206 qui a vu la nette victoire de Fraçois Fillon. Incontestablement cette première primaire à droite a été un succès avec près de 4,5 millions de votants. Pour autant, il apparaît que les organisateurs de cette primaire ont "sélectionné" les publics susceptibles d'y participer, mais, pour autant, selon l'étude "sans être d'ailleurs nécessairement conscients des conséquences pratiques de leurs décisions".

2,26 bureaux de vote pour 10.000 inscrits

Pour appuyer son analyse, cette étude se fonde sur le taux de couverture en bureaux de vote pour 10.000 inscrits par département : plus ce taux est élevé, plus on est fondé à considérer qu'il a alors été facile de voter. La moyenne nationale a été de 2,26 bureaux de vote pour 10.000 inscrits par département. Les 15 départements qui sont les plus en dessous  ce taux peuvent être considérés comme ayant été faiblement couverts. Les 15 départements les plus supérieurs à ce taux ont été eux, au contraire, fortement couverts.

Il en ressort que les départements du nord du pays (Pas de Calais, Nord), de la Bretagne (Finistère, Côtes d'Armor), du sud-ouest (Haute-Garonne), ainsi que la Seine-Saint-Denis ou le Puy-de-Dôme, ont été clairement sous-investis. Par exemple, il manque 48 bureaux de vote dans le Pas-de-Calais pour atteindre la moyenne de 2,26 bureaux de vote pour 10.000 habitants. On retrouve dans cette catégorie nombre de circonscriptions qui penchent traditionnellement à gauche ou marquées par une forte présence des catégories populaires.

Une forte participation dans les communes riches et/ou avec une forte population de cadres

 En revanche, les territoires surinvestis se trouvent dans l'ouest de l'Ile-de-France (Hauts-de-Seine, Yvelines), à Paris, en Alsace (Haut-Rhin, Bas-Rhin), dans le Lyonnais (Rhône), dans le sud-est (Alpes maritimes) et dans le centre-ouest (Maine-et-Loire, Loiret, Mayenne...)... Des territoires traditionnellement plutôt favorables à la droite.

L'Étude va encore plus loin en se penchant sur les 30 communes où la participation au premier tour de la primaire de la droite a été la plus forte. Les communes riches comme celles des Yvelines (Rennemoulin, Rocquencourt, Chevenay...), des Hauts de Seine (Marnes la Coquette, Vaucresson, Ville d'Avray...) ou les arrondissements les plus fortunés de Paris (7e, 8e, 16e, 6e) sont particulièrement représentées dans ce top 30. Y sont également largement présentes les communes du Bas-Rhin, où la droite a enregistré d'excellents résultats.

Au total, dans ce top 30, ne figurent qu'une commune qui a un revenu médian annuel inférieur à 20.000 euros, et vingt qui ont un revenu médian annuel supérieur à 30.000 euros (le niveau de vie annuel médian se situe en 2014 autour de 20.400 euros au niveau national). Enfin, ce sont pour l'essentiel des communes situées en milieu urbain : cinq seulement sont en milieu rural.

Pour résumé, la participation à la primaire a été plus élevée que la moyenne dans les très grandes villes avec une population de professions intermédiaires plus importante et une proportion significatives de jeunes mais aussi dans des communes urbaines plus riches (pas forcément dans les très grandes villes) avec plus de cadres, moins d'ouvriers et d'employés. Or, il s'avère que l'électorat potentiel de Nicolas Sarkozy se trouvait justement de façon plus marquée dans les classes populaires... Or, ce sont justement les ouvriers et les employés qui se sont les moins déplacé.

Une mobilisation forte mais sociologiquement trompeuse

Résultat, les organisateurs de la primaire ne se sont incontestablement pas trompés dans leurs choix d'implantations des bureaux puisque la mobilisation a été très forte. Mais, note Terra Nova, cette efficacité dans la mobilisation a un revers : la primaire de droite s'est ainsi enfermée dans un « bocal sociologique » Ce qui signifie que la forte mobilisation cache sans doute le fait que « l'échantillon » des votants « n'a rien de représentatif de la diversité de l'électorat ». Dit autrement, la primaire de la droite et du centre a « remarquablement saturé sa cible mais cette cible est restée sociologiquement très fortement polarisée et sans doute peu représentative de l'électorat dans son ensemble, voire trompeuse ». Il faudra que François Fillon tienne bien compte de cette donnée, s'il ne veut pas tomber sur une mauvaise surprise...