Présidentielle 2017 : Bayrou en arbitre du duel Macron-Fillon

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  946  mots
La candidature ou pas de François Bayrou semble, à ce stade, avoir une influence certaine sur la présence soit d’Emmanuel Macron, soit de François Fillon au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen
A à peine plus de deux mois du premier tour de la présidentielle, l'électorat a rarement été aussi hésitant. La présence ou l'absence de François Bayrou lors du scrutin semble déterminante pour savoir qui, à ce stade, de François Fillon ou Emmanuel Macron sera au second tour face à Marine Le Pen.

A guère plus de deux mois du premier tour de l'élection présidentielle (le 23 avril), le jeu reste grand ouvert pour connaître les deux finalistes du second tour. Et ce d'autant plus que la période est aux grandes manœuvres. A gauche, on saura bientôt si le candidat officiel de la "Belle alliance populaire" (le PS et ses alliés) Benoit Hamon arrivera à convaincre le candidat d'Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV), Yannick Jadot,  de se désister à son profit. Le même Benoit Hamon est également censé discuter avec Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) d'un "rapprochement", mais là, la donne semble nettement plus difficile.

De grandes inconnues à deux mois du scrutin

Pour sa part, Emmanuel Macron devrait enfin dévoiler les grandes lignes de son programme le 2 mars. Un exercice attendu qui devrait avoir une influence positive ou négative sur son électorat potentiel encore très fluctuant. Autre question, savoir comment (et si) François Fillon "Les Républicains" (LR) va sortir de ses ennuis judiciaires. La fronde dans son camp va-t-elle prendre de l'ampleur au risque de le déstabiliser encore plus ou va t-il réussir à calmer la grogne? Reste enfin à connaître la décision de se présenter ou pas de François Bayrou (MoDem) qui va avoir de sérieuses conséquences sur le duel que se livre actuellement François Fillon et Emmanuel Macron pour une place au second tour face à Marine Le Pen. Car, pour l'instant une seule chose est certaine, la présidente du Front National continue d'occuper la première place dans les intentions de vote  du premier tour.

Un électorat encore très mouvant

C'est d'ailleurs ce que confirme la nouvelle vague de l'enquête électorale Cevipof-Le Monde (sciences Po), réalisée par Ipsos-Sopra Steria du 7 au 12 février auprès d'un panel de 15.874 personnes. Cette enquête souligne un fait inhabituel lors d'une présidentielle à deux mois du scrutin: la moitié des électeurs assurent qu'ils n'ont pas encore fait un choix définitif. Parmi les "grands candidats" cette proportion monte même à... 67% pour les électeurs qui "songent" voter Emmanuel Macron. On voit là que le contenu de son programme va être déterminant. A l'inverse, élément rassurant pour la leader Frontiste, son électorat potentiel est d'un pérennité quasi absolue, avec 74% qui sont "certains" de leur vote. Tous les autres candidats ont un électorat plus volatil.

Fillon ou Macron au second tour... tout dépend de Bayrou

En termes d'intentions de vote, l'enquête a retenu deux hypothèses: avec ou sans la présence de François Bayrou. Si le président du  MoDem est candidat, Marine Le Pen arriverait en tête au premier tour (25%), suivie par Emmanuel Macron (20%), François Fillon (17,5%), Benoît Hamon (14%), Jean-Luc Mélenchon (11,5%), François Bayrou (6%). En revanche, si François Bayrou n'est pas présent, alors derrière Marine Le Pen (26%), c'est à ce stade Emmanuel Macron qui se qualifierait (23%), largement devant François Fillon (17,5%), Benoit Hamon (14,5%), Jean-Luc Mélenchon (12%).

On voit donc que c'est François Bayrou qui joue l'arbitre des élégances entre Emmanuel Macron et François Fillon. A la différence d'il y a quelques semaines, le candidat "Les Républicains" a maintenant intérêt à ce que François Bayrou soit candidat. Car, en son absence, toute une frange de l'électorat centriste semble allergique à l'idée de voter pour François Fillon depuis les révélations sur de possibles emplois fictifs familiaux.

Macron perd à gauche mais gagne à droite

Autre enseignement de l'enquête Cevipof-Le Monde, on assiste actuellement à des transferts de voix autour de la candidature Macron. Ceci est dû, d'une part, à la fin de la primaire de gauche et l'émergence de Benoît Hamon et, d'autre part, aux difficultés de François Fillon. Ainsi, globalement, l'ancien ministre de l'Economie, perd sept points au sein de l'électorat qui se situe "à gauche ou plutôt à gauche". A l'inverse, il en gagne quatre chez ceux du centre ... et 7,5 chez ceux qui se disent "plutôt" à droite. Encore, une fois, on voit là très nettement les effets des déboires de François Fillon.

Un "bloc des gauche" unifié serait au second tour

A gauche, depuis qu'il a gagné sa primaire, il y a manifestement un effet Hamon qui devance maintenant Mélenchon. D'ailleurs, le candidat socialistes a rallié 2,5 points des électeurs qui se prononçaient plutôt jusqu'ici en faveur du leader de la France Insoumise. Ce qui est aussi remarquable, si par pure hypothèse, on additionne les intentions de vote en faveur de Mélenchon, Hamon et Jadot, que François Bayrou postule ou pas, le candidat alors unique de la gauche serait... qualifié pour le second tour. Mais c'est une pure vue de l'esprit, car la frange "centriste" du PS  - et encore moins celle à la droite du parti qui n'a pas encore déserté pour Macron - aurait le plus grand mal à accepter de voter pour Mélenchon, voire même pour un Benoît Hamon forcé de "gauchir" son discours pour séduire l'électorat de la France Insoumise. Il y aurait de toute façon de la perte en ligne.

On le voit donc, les lignes vont encore bouger. Avec des intentions de vote limitées à 6% on voit mal François Bayrou, s'il est candidat, refaire son retard. En revanche, il pèse suffisamment pour bénéficier d'un réel pouvoir de nuisance, surtout à l'égard d'Emmanuel Macron. Sauf si ce dernier prend définitivement le large sur François Fillon dans les semaines à venir. La première quinzaine de mars va être décisive.