Présidentielle 2017 : Macron pourrait-il gouverner ?

Par Fabien Piliu  |   |  816  mots
Emmanuel Macron pourrait-il rassembler la gauche, le centre, la droite ?
Le fondateur d'En Marche reçoit des soutiens de personnalités de gauche, du centre et même de droite. Il ne lui manque qu'une grosse prise à droite pour faire véritablement consensus du centre-gauche au centre-droit. Et après ? Sur quelle majorité pourrait-il s'appuyer ?

Ce n'est pas parce que la plupart des instituts de sondage font des erreurs de pronostics à répétition, en France et ailleurs - Etats-Unis avec la victoire surprise de Donald Trump, au Royaume-Uni avec l'inattendu Brexit... - qu'il ne faut pas prêter attention à leurs résultats. C'est ce que se disent actuellement certains élus en mal de perspectives électorales, à moins que les ralliements massifs à Emmanuel Macron aient une autre explication.

C'est notamment le cas à gauche, et en particulier au Parti socialiste, un certain nombre d'élus ayant décidé de revenir sur leur promesse de soutien inconditionnel à Benoît Hamon dès sa victoire à la primaire de la Belle alliance populaire proclamée, et de soutenir Emmanuel Macron, le fondateur du micro-parti En marche. "Couvrez ce passé au PS que je ne saurais voir", pourraient déclarer certains de ces Tartuffe des temps modernes.

Rappelons toutefois que certains sénateurs socialistes avaient fait depuis un certain temps le choix de soutenir l'ancien ministre de l'Economie de François Hollande. Dès le mois de mai 2016, comme le révélait La Tribune François Patriat et Nicole Bricq avaient fait ce choix. C'est ce qu'on appelle avoir du flair.

Depuis, à gauche, les prises continuent. Ce jeudi, c'est l'aile droite du PS menée par le député de Paris Christophe Caresche qui, dans une tribune dévoilée par Le Figaro, fait acte d'allégeance. Ce mercredi, c'est Bertrand Delanoë, l'ancien maire socialiste de Paris qui décidé de rejoindre les rangs des nombreux soutiens à Emmanuel Macron qui ne ratisse pas seulement au PS. Mercredi, également, Robert Hue, l'ancien candidat communiste à l'élection présidentielle en 1995 et en 2002 a franchi le Rubicon.

Le Centre ne sait où donner de la tête

Au centre, François Bayrou, le président du Modem a également décidé de rejoindre Emmanuel Macron. Anne-Marie Idrac, l'ancienne ministre du Commerce extérieur de Nicolas Sarkozy également. L'UDI, qui a participé, à la primaire et la droite et du centre, peut-elle se rallier ? Pour l'instant, elle soutient François Fillon du bout des lèvres, après avoir un temps décidé de ne plus le faire.

Si ce parti ne peut décemment pas rejoindre le candidat d'En Marche - à moins de revenir sur la parole donnée -, certains de ses membres ont d'ores et déjà décidé de tourner casaque. C'est par exemple le cas de Jean Arthuis, l'ancien ministre de l'Economie de Jacques Chirac.

A droite, Jean-Paul Delevoye, Renaud Dutreil, qui furent également deux anciens ministres de Jacques Chirac, Aurore Bergé, élue Les Républicains et soutien d'Alain Juppé durant la primaire de la droite, Jérôme Grand d'Esnon, l'ex-directeur de campagne de Bruno Le Maire, ont fait le choix de "marcher" avec Emmanuel Macron. Estampillé ultra-libéral, Alain Madelin fait savoir à qui veut l'entendre que la réforme des retraites proposée par Emmanuel Macron est formidable. Il ne manque plus qu'une "grosse" prise pour qu'Emmanuel Macron fasse réellement consensus à droite comme à gauche.

Pour tous ces soutiens, qui étaient improbables il y a peu, il ne reste plus qu'à croiser les doigts en espérant que les instituts de sondage ne se trompent pas. Pour une fois.

Comment gouverner ?

Reste la question de l'après 7 mai. Et si Emmanuel Macron remportait la victoire ? Quelles seraient les conséquences sur le paysage politique ? Ne parlons pas des soutiens les plus « méritants » qui seront récompensés par un poste au gouvernement.

S'il veut pouvoir gouverner et lancer les réformes aujourd'hui proposées, Emmanuel Macron devra compter sur le soutien du Parlement. Sinon, son quinquennat risque d'être long comme un jour sans pain. Rappelons que l'enjeu est le même pour Marine Le Pen.

De fait, En Marche doit faire le plein de représentants aux législatives, avant les sénatoriales prévues en octobre. S'il parvient à rassembler aussi largement qu'aujourd'hui, si les soutiens "spontanés" se poursuivent, la partie est a priori gagnée.

Imiter l'Allemagne

En faisant consensus à droite et à gauche, Emmanuel Macron et son équipe auront les coudées franches "pour transformer le pays", comme ils le promettent en meeting. Surtout, la vie politique française en sera bouleversée. Que restera-t-il du clivage droite-gauche qui rythme notre actualité politique depuis des décennies et dont les représentants accumulent surtout des échecs dans les domaines économiques et sociaux ? De fait, c'est le centre, dans une sorte de grande coalition inédite, qui réformera la France. Mais est-elle prête pour cette nouvelle gouvernance politique qui fonctionne en Allemagne ? La France, qui tente sans succès de copier le modèle économique allemand, doit elle également s'inspirer et imiter son système politique ?

Plus que le contenu des réformes proposées par Emmanuel Macron, c'est vraisemblablement là le véritable enjeu de la campagne actuelle.