Programme économique d'Hamon : le pari de la relance par la consommation

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1144  mots
La politique économique de Benoit Hamon, basée sur une relance de la consommation, tourne le dos à la politique de l'offre menée par François Hollande. A la différence de ses rivaux, François Fillon et Emmanuel Macron qui prônent une hausse de la TVA ou de la CSG, le candidat socialiste promet de ne pas augmenter les impôts pesant sur les ménages
Le cadrage financier du programme de Benoit Hamon repose essentiellement sur un "choc" de la demande, via notamment les 35 milliards d'euros dévolus au revenu universel d'existence censés doper la consommation et permettre une forte croissance du PIB.

Priorité à la relance par la consommation et à l'investissement public. Incontestablement, le programme économique de Benoît Hamon tourne en grande partie le dos à la politique de l'offre menée par François Hollande, surtout à compter de 2014. Et c'est un choix totalement assumé de la part du candidat socialiste. Sa grande idée du revenu minimum d'existence (RUE) à 35 milliards d'euros en est le symbole le plus flagrant. « Il faut considérer ces 35 milliards d'euros destinés à soutenir la consommation comme le pendant des 40 milliards d'euros affectés aux entreprises, via le pacte de responsabilité » explique Jean-Marc Germain, député PS des Hauts-de-Seine et co-directeur de la campagne de Benoit Hamon qui présentait ce 17 mars le cadrage économique et financier du programme du candidat.

Une politique de relance par la consommation

Pour l'entourage de Benoit Hamon, la France est maintenant en capacité de pratiquer une politique de relance keynésienne car la situation des entreprises s'est améliorée avec un taux de marge remonté à 32%. La priorité est donc d'apporter ce qui manque le plus aux entreprises, à savoir : des carnets de commandes. Dans ce but, il faut donc soutenir la demande, via une amélioration du pouvoir d'achat. C'est notamment l'objet du RUE qui va profiter à 19 millions de Français gagnant jusqu'à 2.800 euros brut par mois.

L'équipe de campagne d'Hamon, insiste sur le fait que cette philosophie distingue littéralement le candidat socialiste de ses rivaux François Fillon et Emmanuel Macron qui, eux, veulent tailler dans les dépenses publiques et augmenter la TVA pour le premier et la CSG pour le second. Chez Hamon, promis juré, il n'y aura pas d'augmentation des impôts pesant sur les ménages. Alors, dans ce contexte, comment financer, d'une part, les 35 milliards nécessaires pour le RUE - dont 23 milliards d'euros prendront la forme d'une allocation et 12 autres milliards prendront la forme d'une baisse de l'impôt sur le revenu, ce qui aurait le mérite de le rendre plus progressif - et, d'autre part, les 36 milliards d'euros affectés aux autres priorités ?

Jean-Marc Germain a détaillé les ressources nouvelles qui seront trouvées.

Il y aura d'abord 5 milliards de recettes liées à une taxe sur les « super profits » des banques, via une modification de la taxe existant actuellement - qui rapporte environ un milliard d'euros - en élargissant l'assiette d'imposition.

La deuxième source de financement, à hauteur de 11 milliards d'euros, proviendra de l'affermissement de la lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscales : taxe sur les profits détournés, « reporting » par pays qui oblige les entreprises à payer des impôts là où elles font des profits, lutte contre les paradis fiscaux.

Un CICE davantage ciblé

Enfin, dix autres milliards d'euros seront pris sur les 40 milliards du pacte de responsabilité et du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), grâce à un meilleur ciblage sur les entreprises qui en ont vraiment besoin, c'est-à-dire celles qui sont vraiment soumises à la concurrence internationale. Dans le collimateur de Benoit Hamon, on retrouve le secteur de la grande distribution, les banques et les assurances qui pourraient ne plus avoir accès au CICE

« En fait, nous déterminerons les dépenses des entreprises éligibles au CICE, celles qui servent réellement à améliorer la compétitivité, explique Jean-Marc Germain, sur le modèle de ce qui existe pour le crédit d'impôt recherche ou le crédit d'impôt innovation. De cette manière on évitera de tomber dans le piège des aides exclusivement sectorielles qui sont interdites par Bruxelles. Par ailleurs, nous imposeront dans les entreprises de plus de cinquante salariés une négociation avec la représentation du personnel sur l'affectation des sommes issues du CICE ».

Au total donc, sur l'ensemble du quinquennat, ce sont 26 milliards d'euros de recettes nouvelles qui seraient ainsi trouvées

Au chapitre des dépenses « économisée », chiffrées à 5 milliards d'euros par le programme Hamon, il conviendrait notamment de regrouper les centrales publiques d'achat - une idée empruntée à Arnaud Montebourg - afin de crée un effet masse pour peser sur les prix. Par ailleurs, les différentes politiques de prévention (santé, pollution, rénovation urbaine, isolation des bâtiments publics...) rapporteraient 10 milliards d'euros.

Une croissance du PIB de ... 2,4% dès 2018

L'équipe Hamon en est persuadée, « le choc » provoqué par cette politique de relance de la demande, va « booster » le PIB et l'appareil productif français sera capable de répondre. "35 milliards de RUE, soit près de deux points de PIB, cela va créer une impulsion budgétaire massive et ce dès 2018", s'enthousiasme Jean-Marc Germain. De fait, les trajectoires de croissance, d'emploi et de finances publiques, établies par l'équipe du PS, et notamment par Pierre -Alain Muet, économiste et député PS du Rhône, sont optimistes... Peut-être même un peu trop.

Ainsi, grâce au « choc » sur la demande, via l'instauration du RUE dès le 1er janvier 2018, la croissance du PIB atteindrait 2,4% cette année-là et même 2,5% en 2019 pour ensuite revenir à un niveau inférieur (en moyenne 1,7% pour les trois dernières années du futur quinquennat). Le taux de chômage, lui, passerait de 9,2% en 2017 à... 5,8% en 2022. La dette publique se contracterait aussi régulièrement, passant de 96,2% du PIB en 2017 à 91,9% en 2022. Quant aux déficits publics, s'ils resteraient sous la barre fatidique des 3% en 2017 (2,7% du PIB), ce serait pour remonter à 3,5% en 2018. C'est seulement en 2021 que la France serait de nouveau dans les clous européens (2,9%).

« Nous l'avons dit et redit, insiste Jean-Marc Germain, nous n'adhérons pas au fétichisme des 3%, sinon cela empêche de mettre en place les politiques nécessaires à la relance. Nous, nous préférons investir d'abord et augmenter le pouvoir d'achat pour provoquer une accélération du PIB qui permettra ensuit à moyen terme de mieux tenir les déficits ».

L'équipe de Benoit Hamon explique également que, bien entendu, cette politique de relance en France devra être accompagnée d'un vrai plan d'investissements au niveau européen de 1.000 milliards d'euros.

Car, c'est le deuxième pilier du Plan Hamon: la France doit aussi impérativement renforcer ses structures pour améliorer sa compétitivité. Il conviendrait donc d'investir à fond dans la transition écologique - 3,5 milliards d'euros seraient ainsi mobilisés pour les énergies renouvelables et les travaux d'isolation -, le numérique et l'enseignement

Reste que ce chiffrage semble un peu optimiste. Dire que les entreprises françaises pourront faire face au choc de la demande est sans doute un peu exagéré. Certes, les entreprises ont retrouvé leurs marges du début du quinquennat Hollande. Mais, en termes de productions, il n'est pas certain que l'appareil industriel français soit vraiment adapté en cas, par exemple, de ruée des consommateurs français vers les smartphones, tablettes ou autres objet connectés...