Agriculteurs : Bruxelles rétropédale sur l'usage des pesticides

Par latribune.fr  |   |  1105  mots
Ursula von der Leyen a proposé ce mardi le retrait d'un projet législatif (Photo d'illustration). (Crédits : YVES HERMAN)
La semaine passée, la Commission européenne a annoncé un certain nombre de mesures destinées à apaiser la colère des agriculteurs. Si le mouvement social semble, en apparence, s'être assagi, l'exécutif bruxellois continue de donner des gages aux exploitants du Vieux continent. Ce mardi, sa présidente, Ursula von der Leyen, a carrément proposé le retrait d'un projet législatif.

[Article publié le mardi 06 février 2024 à 10h04 et mis à jour à 12h20] L'annonce ne manquera sans doute pas de faire bondir les lobbys écologistes et éthiques faisant pression sur l'exécutif européen à Bruxelles. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé aux eurodéputés ce mardi le retrait d'un projet législatif. Celui-ci prévoit en effet de réduire de moitié l'usage des pesticides au sein de l'Union européenne, à l'horizon 2030 (par rapport à la période 2015-2017).

Le retrait intervient à quelques heures de l'annonce d'une feuille de route où Bruxelles recommandera un objectif climatique pour 2040, qui devrait relativement épargner l'agriculture (11% des émissions de gaz à effet de serre européennes).

« La proposition est devenue un symbole de polarisation », rejetée fin novembre au Parlement européen tandis que s'enlisaient les négociations entre Etats, a-t-elle constaté à Strasbourg.

« Je proposerai (aux commissaires) de retirer cette proposition », a-t-elle ajouté.

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Un dossier mis sur le côté

De là à enterrer définitivement le projet ? Pas de sitôt. « Le sujet reste d'actualité », mais « pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires. La Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes », a nuancé Ursula von der Leyen, sans avancer de date.

« Les agriculteurs ont besoin de raisons économiques de prendre des mesures de protection de la nature, peut-être ne leur avons-nous pas exposé ces raisons de manière convaincante », a-t-elle regretté.

Le Copa-Cogeca, représentant des organisations agricoles majoritaires au niveau européen, avait fustigé « un pur texte idéologique, mal calibré, irréaliste et non financé ». Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE, a salué l'annonce du retrait : « Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l'agriculture, le dialogue continue ».

Pour rappel, le Parlement européen avait rejeté la proposition fin novembre, après des amendements d'élus PPE (droite) la vidant largement de sa substance pour éviter des contraintes « irréalistes » au monde agricole. Un rejet rarissime qui contribuait à l'enterrer de facto.

Théoriquement, les ministres de l'Agriculture pouvaient continuer à débattre du texte. En pratique, toutefois, les négociations entre les Vingt-Sept sont durablement enlisées, plusieurs Etats s'alarmant de l'impact sur les rendements et la production.

En France, le plan Ecophyto mis en « pause »

Le timing de cette annonce est loin d'être anodin. Outre un contexte législatif tendu - a fortiori à l'approche des élections européennes, en juin prochain -, cette déclaration intervient quelques jours après un sommet européen, jeudi dernier, sur le budget de l'UE, mais qui a toutefois été largement dominé par la mobilisation agricole. Plus d'un millier de tracteurs s'étaient en effet postés devant le siège de la Commission européenne.

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Cette dernière a proposé la semaine dernière d'accorder une dérogation partielle aux obligations de jachères et de limiter les importations agricoles ukrainiennes, après avoir déjà renoncé l'an dernier à proposer un texte sur l'étiquetage nutritionnel (type Nutriscore). Ursula von der Leyen a encore une fois assuré ce mardi prendre conscience du malaise agricole : face aux effets du changement climatique et de la guerre en Ukraine, « nombre d'agriculteurs se sentent acculés (..) Ils méritent d'être écoutés ».

« Ils savent aussi que l'agriculture doit s'orienter vers un modèle de production plus durable, nous voulons faire en sorte qu'ils restent aux commandes du processus », a-t-elle souligné, rappelant avoir lancé en janvier un « dialogue stratégique » avec le secteur sur les perspectives d'avenir.

« Il nous faut aller au-delà d'un débat polarisé, instaurer la confiance (...) Nous devons éviter de nous rejeter mutuellement la faute, et chercher ensemble des solutions aux problèmes », a-t-elle plaidé.

La France renonce, pour le moment, au plan Ecophyto

En France, les propos d'Ursula von der Leyen ne devraient pas non plus laisser les agriculteurs indifférents, alors que s'ouvre le Salon de l'agriculture, le 24 février prochain. Ils résonnent surtout avec l'annonce du gouvernement de Gabriel Attal. Jeudi dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en « pause » du plan Ecophyto qui fixe des objectifs de baisse d'usage des pesticides et cristallise la colère des producteurs de grandes cultures, provoquant la consternation du parti Les Ecologistes qui a dénoncé un « recul inacceptable » et « dramatique ».

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Dans l'Hexagone, le futur plan Ecophyto 2030 est censé réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017). Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a assuré dimanche qu'il ne s'agissait pas d'un« retour en arrière » mais d'une simple « pause » et réitéré l'objectif de baisse de 50%.

Au tour d'UFC-Que Choisir de lister ses préconisations

Planet-score, interdiction des polluants éternels, pesticides... A l'approche des élections européennes de juin, l'UFC-Que Choisir a révélé ce mardi ses préconisations pour que le marché européen soit « plus sûr, plus juste » du point de vue des consommateurs.

Observant que « les nouveaux élus devront prendre leurs fonctions dans un contexte marqué par l'inflation (alimentaire, mais aussi énergétique...), de nombreux défis numériques, sans oublier la crise climatique », la présidente de l'association française Marie-Amandine Stévenin juge « crucial que la voix des aspirants à une société de consommation plus juste, sobre et responsable soit entendue ».

Parmi les préconisations de l'association membre du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), l'adoption d'un étiquetage de la durabilité alimentaire au niveau européen ; une révision des lignes directrices sur la procédure d'autorisation des pesticides ; l'interdiction à l'échelle européenne des substances poly- et perfluoroalkylées ; ou encore une meilleure protection des consommateurs contre la fraude bancaire en ligne.

La quinzaine de préconisations permettent « de souligner l'importance de l'Europe » dans la vie quotidienne des citoyens, plaide encore Marie-Amandine Stévenin, appelant les futurs représentants européens à « les porter dans le débat » en amont de leur élection « et dans le cadre de leur prochain mandat ».

(Avec AFP)