Marc Fesneau et Christophe Béchu, l’autre coopération paysanne

Le ministre de l’Agriculture et celui de la Transition écologique ont affiché une entente remarquée lors de la crise qui vient de s’achever.
Ludovic Vigogne
Marc Fesneau et Christophe Béchu
Marc Fesneau et Christophe Béchu (Crédits : © David NIVIERE/ABACAPRESS.COM)

Mardi dernier à l'Assemblée nationale. Gabriel Attal s'apprête à prononcer son discours de politique générale. Marc Fesneau est arrivé un peu en avance et installé au premier rang. Christophe Béchu pénètre dans l'hémicycle quelques minutes plus tard. Le ministre de la Transition écologique prend place derrière son collègue de l'Agriculture, lui adressant une petite tape sur l'épaule. Jusqu'à ce que le Premier ministre monte à la tribune, ils échangeront.

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Ces derniers jours et nuits, ils ne se sont pas quittés. Dans la crise agricole qui vient de s'achever, les deux hommes auront montré un front uni qui aura été remarqué. Au sein d'un gouvernement, on était davantage habitué à l'affrontement entre ministres de l'Écologie et de l'Agriculture, comme ce fut le cas entre Dominique Voynet et Jean Glavany ou Nicolas Hulot et Stéphane Travert. Marc Fesneau et Christophe Béchu sont, eux, une exception. « Christophe a accepté tout de suite d'ouvrir le capot de la simplification, il a été très coopératif », salue le titulaire de l'Agriculture. Sur ce sujet, avec leurs cabinets, ils auront le 25 janvier partagé deux très longues réunions pour passer en revue normes et règlements au cas par cas. Le lendemain, ils accompagneront Gabriel Attal en Haute-Garonne, où ce dernier va présenter une première salve de mesures pour tenter d'éteindre la jacquerie. Celui-ci achètera leurs revendications. Durant ces deux semaines de colère, leur entente aura été un atout pour le locataire de Matignon.

Les équilibres de la majorité

En devenant en mai 2022 ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau décroche un portefeuille qui le fait rêver depuis longtemps. Agronome de formation, il connaît bien ses sujets. Même s'il succède à un ministre, Julien Denormandie, qui a marqué son territoire, il est jugé légitime. Membre de l'exécutif depuis octobre 2018, il est aussi parfaitement rompu aux us et coutumes macronistes. Pour Christophe Béchu, les choses ont en revanche été moins aisées. Nommé en juillet de la même année ministre de la Transition écologique afin de remplacer Amélie de Montchalin, battue aux législatives, il connaît des débuts difficiles. Immédiatement, un procès lui est fait sur sa compétence sur le dossier. À sa décharge, il souffre également du fait que, lors du premier quinquennat, le chef de l'État se soit beaucoup cherché en la matière. « Quand vous n'êtes pas de gauche, il y a un soupçon d'illégitimité à un tel poste », dira quelque temps plus tard Christophe Béchu. Au gouvernement, où ses collègues ne font pas que des cadeaux à ce novice, il découvre qu'il y a moins de collectif qu'il ne l'imaginait. Le regard sur lui commencera à évoluer quand, au début de 2023, il appellera le pays à se préparer à un réchauffement de 4 degrés à l'horizon 2050.

Tous deux ne sont pas des inconnus l'un pour l'autre. En 2014, Christophe Béchu devient maire UMP d'Angers. En amont, Marc Fesneau a fait en sorte que le MoDem le soutienne. Ils restent en contact par la suite, rééditant l'opération lors des municipales de 2020. Aujourd'hui, si le second est toujours le bras droit de François Bayrou, le premier est devenu celui d'Édouard Philippe, et secrétaire général d'Horizons. Au gouvernement, ils sont les premiers représentants des équilibres de la majorité. Ça crée des liens. Ils ont parfois eu le sentiment d'être perçus comme des pièces rapportées. Bien souvent, cela les conduit à être au cœur des tractations politiques. Ça tombe bien ; ils adorent cette tambouille-là aussi. « On croise ce que Bayrou et Philippe nous ont dit respectivement de leurs entretiens », s'amuse Marc Fesneau, alors que les maires de Pau et du Havre, après s'être longtemps ignorés, se parlent désormais directement depuis 2022. Mais cela peut aussi leur attirer des ennuis. Au lendemain des sénatoriales de l'automne dernier, Christophe Béchu aura droit à quelques remarques acerbes du chef de l'État, qui n'a pas apprécié l'attitude d'Horizons dans certains départements, comme le Val-d'Oise.

On parle la même langue, celle des élus locaux

Christophe Béchu

Un ami commun, Édouard Philippe

« Nous sommes des élus assez simples, pas très euphorisés par les lumières médiatiques, avance Fesneau, 53 ans. On aime rentrer chez nous. On est d'abord des provinciaux. » « On parle la même langue, celle des élus locaux. Cela permet de savoir que l'on est de quelque part et qu'on y retournera, abonde l'ancien maire d'Angers, 49 ans, tandis que Marc Fesneau a été celui de Marchenoir, une petite commune du Loir-et-Cher. Et on vient tous les deux de l'ouest de la France, une terre marquée par sa modération. » Autour de la table du Conseil des ministres, Christophe Béchu voit un avantage à être légitimé par le suffrage universel : « Quand on parle, on a la légitimité de ceux qui ont gagné des élections plusieurs fois, c'est précieux. » Ils ont aussi un homme en commun : Édouard Philippe. Il arrive régulièrement aux ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique de partager des dîners autour du candidat à la présidentielle de 2027. Quand il était Premier ministre, Marc Fesneau était, avec Olivier Dussopt, son autre chouchou au sein de son équipe.

Christophe a accepté tout de suite d'ouvrir le capot de la simplification, il a été très coopératif

Marc Fesneau

Depuis le début du quinquennat, le ministre de l'Agriculture avait souvent vécu des moments désagréables, perdant des arbitrages auxquels il tenait beaucoup. La jacquerie de ce début janvier a tout renversé, son secteur est mis dorénavant « au-dessus de tout ». « L'idée générale n'était pas que l'agriculture gagne contre l'écologie, assure le numéro deux du MoDem. On a créé un dialogue qui va être utile pour la suite. » « Ces deux dernières années, nous avons eu des désaccords et nous en aurons encore, rappelle Christophe Béchu, prenant en exemple la gestion de l'eau ou la réintroduction du loup. Mais on a tous les deux la conviction que si les règles en vigueur ont comme principale conséquence une augmentation de nos importations, cela n'a aucun sens écologique. » Depuis jeudi, c'est néanmoins son procès qui est fait par des écologistes, l'accusant de renoncements. « Notre ambition n'a pas varié. La santé et la protection de la biodiversité sont des lignes rouges », se défend-il ainsi dans La Tribune Dimanche. Vendredi, Marc Fesneau a, lui, été très bien accueilli dans l'Hérault et le Gard, où il était venu faire le service après-vente des mesures viticoles. La roue tourne.

Ludovic Vigogne

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Commentaire 1
à écrit le 04/02/2024 à 8:30
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Ben l'agro-industrie a ses raisons que l'agriculture et l'écologie n'ont pas. Remplir ses paradis fiscaux toujours plus toujours plus vite.

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