Écologie : le gouvernement fait marche arrière pour calmer les agriculteurs

Pour calmer la crise agricole, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures en faveur des agriculteurs, dont certaines remettent en cause la transition écologique du secteur.
Giulietta Gamberini
Gabriel Attal a mis en pause plan Ecophyto, lequel doit fixer des objectifs de baisse d'usage des pesticides et cristallise la colère des producteurs de grandes cultures.
Gabriel Attal a mis en pause plan Ecophyto, lequel doit fixer des objectifs de baisse d'usage des pesticides et cristallise la colère des producteurs de grandes cultures. (Crédits : BENOIT TESSIER)

Le coup est dur pour les défenseurs de l'environnement, qui se battent pour une agriculture et une alimentation moins nocives pour la planète. Car, en égrenant les nouvelles mesures censées calmer les agriculteurs en colère, le Premier ministre a donné de nombreux coups de canif à plusieurs mesures favorisant la transition écologique dans l'agriculture. A commencer par le plan Ecophyto, qui doit fixer des objectifs de baisse d'usage des pesticides et cristallise la colère des producteurs de grandes cultures.

« Nous le mettons à l'arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur et de reparler des zonages et de la simplification (...) », a annoncé Gabriel Attal, pour qui ce travail doit commencer « dès la semaine prochaine » et aboutir avant le Salon international de l'agriculture, qui commencera le 24 février.

Et ce, alors même que l'Etat a jusqu'au 30 juin 2024 pour mieux respecter ses trajectoires de baisse de l'utilisation des pesticides et protéger les eaux, sur ordre de la justice administrative, a rappelé à l'AFP l'ONG Pollinis, une des cinq associations à l'origine de la procédure judiciaire « Justice pour le Vivant ».

L'objectif clairement affiché vise à mettre fin à l'application en France de mesures réglementaires plus strictes que celles demandées par Bruxelles, notamment sur les pesticides. Autrement dit la « non-surtransposition » des normes, une revendication majeure des agriculteurs français, qui se plaignent d'être soumis, en France, à des contraintes plus lourdes que les producteurs d'autres Etats membres de l'Union européenne et encore plus de pays tiers.

Le nouveau plan « Ecophyto 2030 », encore en consultation, prévoyait en effet de réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici à 2030 (par rapport à 2015-2017), tout en accélérant la recherche de solutions alternatives. Bien que critiqué notamment par l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), le gouvernement avait décidé de maintenir cet objectif même après le rejet par le Parlement européen, en novembre, d'une législation poursuivant le même but.

« Pas d'interdiction sans solutions »

« Lutter contre la surtransposition », c'est-à-dire contre des objectifs environnementaux plus élevés en France que dans le reste de l'Europe, est d'ailleurs désormais l'un des huit « grand objectif » agricoles du gouvernement. D'autres mesures visent à l'atteindre, concernant le calendrier des réhomologations des produits phytosanitaires et la « coordination » avec l'Union européenne de l'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) - une instance que le principal syndicat agricole, la Fnsea, avait demandé de « placer (...) sous l'autorité politique ».

« Interdire en France des produits alors même que la procédure est en cours au niveau Européen, ça n'a pas de sens », estime Gabriel Attal.

Un principe, porté haut et fort par la FNSEA, le principal syndicat agricole, et sur lequel Emmanuel Macron s'était engagé en 2017, complète désormais explicitement ce rejet des « surtranspositions » en matière de substances dangereuses pour l'environnement : « pas d'interdictions sans solutions », a déclaré Gabriel AttalCe qui signifie qu'aucun phytosanitaire ne pourra plus être banni de l'Hexagone ou des DOM-TOM s'il représente un risque pour la production.

« L'objectif de souveraineté » dans la loi

Les deux nouveaux « mots d'ordre pour notre agriculture » sont en effet devenus « produire, et protéger » les agriculteurs, a expliqué le Premier ministreDans cet état d'esprit, les défenseurs de l'environnement devront donc avaler une autre grosse couleuvre : l'inscription dans la loi de « l'objectif de souveraineté », « sur la base d'indicateurs clairs définis » avec les agriculteurs.

« Nous consacrerons dans le code rural l'agriculture comme un intérêt fondamental de la nation », a ajouté Gabriel Attal.

Dans la vision de la FNSEA cette inscription doit permettre « que la souveraineté soit prévue comme un complément du droit de l'environnement sur le plan juridique. Le but est que toute mesure environnementale engendrant une réduction de la production soit neutralisée tant qu'on ne trouve pas de solution », expliquait à La Tribune Dimanche son patron, Arnaud Rousseau, le 28 janvier. Une vision d'autant plus inquiétante pour les défenseurs de l'environnement que la notion de « souveraineté alimentaire » est loin d'être définie : les agriculteurs assument pleinement d'y inclure les exportations de céréales, vin et produits laitiers français -voire l'accroissement de ces exportations.

« La souveraineté est bonne pour l'écologie », a même lancé le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, Christophe Béchu, en ouverture de son intervention après Gabriel Attal.

Des reculs aussi sur le GNR et l'eau

Au grand regret des écologistes, ces dernières annonces viennent de surcroît s'ajouter à d'autres nombreuses reculades du gouvernement et de Bruxelles sur la transition écologique depuis le début du mouvement des agriculteurs. Dans son discours d'aujourd'hui, le Premier ministre en a rappelé quelques-unes du gouvernement français.

« Sur le GNR (gazole non routier), la redevance eau, et la RPD (redevance pollution diffuse) : on a renoncé à faire la hausse. C'était indispensable pour ne pas étrangler la trésorerie de nos agriculteurs », a déclaré Gabriel Attal.

Le 26 janvier, son gouvernement a en effet promis d'abandonner une hausse de la taxe sur le GNR, pourtant négociée avec la FNSEA. En décembre, sa prédécesseure, Elisabeth Borne, avait, pour sa part, cédé sur la fiscalité en matière d'irrigation et de produits phytosanitaires.

Tout au long du mois de janvier, les agriculteurs ont en outre obtenu de plus en plus de garanties concernant le soutien de l'exécutif à leurs projets de stockage de l'eau, souvent contestés par les écologistes. Gabriel Attal a notamment promis « des simplifications drastiques (...) pour réduire tous les délais », incluant la suppression de niveaux de juridiction en cas de recours. Au contraire, pas « pas un mot » n'a été dit « sur la préservation et le partage de l'eau », regrette la Confédération paysanne.

Le syndicat agricole de gauche dénonce aussi un autre recul écologique : sur les OGM, le gouvernement s'étant engagé à soutenir les nouvelles techniques génomiques (NGT).

Un affaiblissement des conditions environnementales de la PAC

Quant à Bruxelles, après des mois de résistance, la Commission européenne a fini, face aux manifestations des agriculteurs dans toute l'Europe, par accepter de prolonger une dérogation à l'une des conditions pour obtenir les aides de la Politique agricole commune (PAC) : celle de laisser au moins 4% de terres arables en jachère ou en infrastructures agro-écologiques non productives (haies, bosquets, fossés, mares), pour protéger la biodiversité. Le gouvernement français promet aux agriculteurs de se battre pour obtenir l'abandon d'une autre mesure environnementale :

« Nous défendrons aussi une évolution s'agissant du ratio prairie et des prairies sensibles », a affirmé le Premier ministre.

Le maintien de prairies permanentes, selon un ratio dont les agriculteurs critiquent les critères de calcul, notamment pour les éleveurs, est un effet une autre des conditions environnementales de la PAC.

« Dans l'attente d'évolutions sur ce point, nous appliqueront une dérogation à l'obligation de réimplantation pendant 1 an », a même promis le Premier ministre, en dénonçant, dans le sillon de la FNSEA, les « situations absurdes où des agriculteurs sont obligés de réinstaller des prairies alors même qu'ils ont arrêté leur activité d'élevage ».

« Un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental »

Les réactions des ONG, qui doivent quand même participer aux consultations sur le plan Ecophyto, ne se sont donc pas fait attendre.

« Ce que nous propose aujourd'hui Gabriel Attal vient totalement en contradiction avec les stratégies nationales" de décarbonation (SNBC), d'alimentation (SNANC) ou de planification agricole (PLOA) », regrette Thomas Uthayakumar, de la Fondation pour la Nature et l'Homme, auprès de l'AFP.

« Aujourd'hui la Fnsea a gagné, mais ça ne va rien amener au revenu agricole, pas un centime », et « ça permettra de continuer à faire l'agriculture du siècle précédent en gardant toujours plus de produits dangereux sur le marché et en retardant leur retrait de manière cynique », a déclaré à l'AFP le porte-parole de Générations Futures, François Veillerette.

« En favorisant les tenants de l'agriculture intensive et agro-industrielle plus que le monde agricole dans sa diversité, le gouvernement annonce aujourd'hui un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental », résume Jean Burkard, du WWF France.

Giulietta Gamberini
Commentaires 33
à écrit le 03/02/2024 à 11:44
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Nous savions que la défense de l'environnement par ce gouvernement n'était qu'une "posture", du green washing. Avec les concessions faites aux agriculteurs de la FNSEA, FDSEA et de la Coordination rurale nous sommes confortés. Ces agriculteurs, éleve...

à écrit le 02/02/2024 à 14:35
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Il y a agriculteur et agriculteur. Dans les plaines au dessus de la Loire c’est des bonnes grosses fermes de centaines d’hectares qui travaillent et spéculent sur l’international, ils roulent tous dans des belles bagnoles est rachètent cash des petit...

à écrit le 02/02/2024 à 13:35
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Qu'est ce qu'il est vieux ce Attal. Il parle comme un vieux, il devrait avoir un debut de calvitie c'est trompeur. D'une façon général ce pays sent le formol, Daniel Prevost nous avait prevenu : une bande de ringards !

le 02/02/2024 à 17:39
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Il faudrait justement changer de modèle, et grossir les exploitations pour en diminuer les charges. En Allemagne il y a en moyenne 200 Vaches par ferme alors qu'en France il y en a en moyenne 66; Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour comprendre...

le 03/02/2024 à 13:07
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qui en france est souverain le peuple ou les juges voir les minorités meme le president n'est pas souverain il n'est que le representant du peuple c'est le problème majeur de la confusion l'un se crois roi les autre refuse ce choix et le pire est ...

à écrit le 02/02/2024 à 12:30
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une excellente decision de notre president. comme l a si bien dit notre ex president Sarkozy, "l ecologie ca commence a bien faire" et il est temps de renvoyer Sandrine Rousseau dans sa fac. Grace a l ependage massif de pesticides, l agriculture fran...

le 02/02/2024 à 13:48
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Pour autant les références que vous donnez, sarkozy, c'est comme si vous parliez a al capone que vous prendriez en référence ! pour le moment, la corruption est toléré dans le pays, mais je crois qu'effectivement elle commence a se normaliser !

à écrit le 02/02/2024 à 11:35
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Il est inutile de faire des plans Ecophyto qui n'aboutissent jamais à rien. Il faut que les pesticides coûtent bcp plus et que le travail soit moins taxé et les investissements en automation et robotique (désherbage etc...) deviennent deductibles à ...

à écrit le 02/02/2024 à 10:55
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Ils sont nuls en tout ! c'est assez remarquable quand on y pense.

le 02/02/2024 à 17:46
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Eblouissez nous par vos lumineuses propositions afin que l'on constate que vous êtes bon en tout.

à écrit le 02/02/2024 à 10:54
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La balle est dans le camp des consommateurs. Les agriculteurs ne changeront de pratique que s'ils voient une baisse de la consommation de leur production. Ça peut aller plus vite qu'ils ne le pensent, les consommateurs de demain sont les jeunes d'auj...

à écrit le 02/02/2024 à 10:47
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Dans le même temps que nos fonctionnaires zélés harcellent les agriculteurs français sur le respect tatillon des règles européennes nous importons des fruits et légumes en provenance d'autres pays de l'UE des plus laxistes en matière de respect des r...

le 02/02/2024 à 14:55
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@Idx. Sans autre commentaire 👍👏

à écrit le 02/02/2024 à 10:46
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Nos dirigeants sont faibles.

à écrit le 02/02/2024 à 10:16
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Macron et son gouvernement comme depuis son premier mandat et le président sortant le carnet de chèque sans compté pour arroser les fonctionnaires, les médecins, les CHU, les policiers, les enseignants, les syndicats de la fonction publique et territ...

le 02/02/2024 à 17:50
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Maréchal, vous voilà.

à écrit le 02/02/2024 à 10:06
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L’idéal serait d'associer les agriculteurs et les pêcheurs à la transition écologique en les impliquant dans la protection de la nature. On pourrait taxer les intermédieras par le biais d'une taxe spécifique et leur verser un salaire complémentaire. ...

le 02/02/2024 à 12:39
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Imagination très créatrice : créer une taxe et en même temps une usine à gaz !!

à écrit le 02/02/2024 à 10:01
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...plus que jamais, vive le bio.

à écrit le 02/02/2024 à 10:01
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des promesses / des paroles ! pas toujours tenues. les paroles s envolent les écrits restent bible

à écrit le 02/02/2024 à 9:51
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Tout le monde se fiche de boire de l'eau contaminée, d'avoir un cancer à 60 ans, une retraite écourtée et tout un tas de maladies neurologiques dégénératives... Bon ben, ok.

à écrit le 02/02/2024 à 9:38
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"Pas d'interdiction sans solutions" c'est une Lapalissade ? Pour le tabac si on l'interdit, un médecin peut aider au sevrage, mais en culture, quand une bestiole attaque les arbres ou autres plantes, sans le produit qui aidait, il faut subir et voir ...

à écrit le 02/02/2024 à 9:36
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Bien , monsieur Bayer va faire un petit don à l'Elysée en remerciement , mais pour nos fruits et légumes et autres céréales cela ne changera rien puisque les phytosanitaires sont déjà utilisés à outrance en France (premiere utilisatrice avec ...

à écrit le 02/02/2024 à 8:11
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analyser les propagandes mensongeres, c'est toujours tres interessant......les lois normes dpe zfe et autres, ca a ete mis en place pour lutter contre les emissions de co2, ca s'est transforme en emissions, puis c'est desormais les emissions de parti...

le 02/02/2024 à 9:33
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ZFE c'est faibles émissions de tout, dont les particules fines, émises aussi par les freins et les pneus. Ça ne devait être que l'hypercentre mais c'est devenu les villes voire bientôt les régions (la vent ça circule). Ce qui manque ce sont des parki...

le 02/02/2024 à 10:10
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vont ils continuer d importer. ? en France les terres agricoles ne sont pas réservées pour le carburant de synthèse !

à écrit le 02/02/2024 à 7:15
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Le lobby agro-industriel lié au crime organisé a encore gagné. Tout va bien braves gens dormez tranquilles. Nos dirigeants sont faibles.

à écrit le 02/02/2024 à 6:45
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Bonjour . non, pas de marche arrière sur l'emplois des pesticides et autre produit chimique qui finis par etre des poluante des sols , de l'eau , voir de l'air... Tous s'est gens nous empoisonne a petit feu , sa suffit.. La santé des gens n'est pa...

à écrit le 01/02/2024 à 23:52
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Pour les agriculteurs tout est bon et excusable Mais pour la réforme des retraites c était vos G….morale de cette histoire : Au prochain mouvement t social ou de mécontentement louez , venez en tracteurs ou moissonneuses batteuses ou balancez du l...

à écrit le 01/02/2024 à 21:19
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Heureusement ! Ça montre qu’ils ont aucune conviction..

à écrit le 01/02/2024 à 20:34
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Parfois, raison gardée, faut savoir revenir à plus de raison (esprit rationnel) en gérant les priorités. Et les "écolos-bobo" (même si certaines préoccupations demeurent louables) devraient plus souvent faire leur introspection (esprit irrationnel et...

le 01/02/2024 à 21:29
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Préserver la santé des consommateurs et celle des agriculteurs est une priorité. S'enfermer dans lagro chimie est une hérésie, et cela ne permettra pas aux agriculteurs traditionnels de vivre mieux, le supplément de récolte étant largement consommé p...

le 02/02/2024 à 0:12
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Et vous vous appartenez à ceux qui ont un avis sur tout mais aucune connaissance technique sur les dossiers… : le sujet des revenus ne sera pas amélioré par le renoncement à des règles phytosanitaires demandées par le consommateur. Le sujet des prix ...

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