« L’agriculture est conciliable avec les ambitions écologiques » (Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique)

ENTRETIEN - Le ministre récuse tout renoncement en matière environnementale après la crise paysanne. Pesticides, fin de la surtransposition européenne... Il s’explique.
Christophe Béchu, à son ministère, le 2 février.
Christophe Béchu, à son ministère, le 2 février. (Crédits : © Eliot Blondet/ABACAPRESS POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

LA TRIBUNE DIMANCHE-  Est-ce que, pour calmer la colère des agriculteurs, l'écologie a été sacrifiée ?

CHRISTOPHE BÉCHU- Non. Ceux qui nous font ce procès se fondent sur un seul point : la mise sur pause du plan Écophyto jusqu'au Salon de l'agriculture. Je comprends l'inquiétude. Mais nous n'avons pas annoncé qu'on autorisait une molécule, ou qu'on allait modifier les règles sur la proximité des riverains et sur les zones de captage qui permettent l'alimentation d'eau potable. On a simplement dit qu'il nous fallait trois semaines pour rediscuter des outils qui vont être déployés cette année. Ces trois semaines vont aussi nous servir à préciser l'utilisation des 250 millions d'euros pour trouver, dans chaque filière, des alternatives que nous mettons en face du principe « pas d'interdiction sans solution ». Notre ambition n'a pas varié. La santé et la protection de la biodiversité sont des lignes rouges.

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Vous remettez quand même en question l'indicateur utilisé dans le plan Écophyto  français, largement soutenu par les ONG...

En matière d'utilisation des produits phytosanitaires, deux indicateurs différents existent : un européen et un français. Comment est-il possible d'avoir des règles communes entre les divers pays d'Europe sans avoir les mêmes indicateurs ? Ce n'est pas satisfaisant, y compris du point de vue écologique. Se donner donc quelques semaines pour discuter de l'indicateur européen, cela ne nous semble absolument pas être une remise en question de nos principes.

Ce mouvement a conduit l'Europe à sortir d'une forme de naïveté.

Christophe Béchu

Le Premier ministre a dit ne plus vouloir de « surtransposition » des règles européennes. Est-ce renoncer à nos exigences ?

Quand vous interdisez des pesticides en France et que vous laissez des produits utilisant ces mêmes pesticides arriver de l'étranger dans les rayons de nos supermarchés, où est la cohérence écologique et sanitaire pour la biodiversité ? Chaque fois qu'une règle conduit à augmenter des importations, c'est mauvais pour notre agriculture, notre souveraineté, mais aussi pour notre planète, car cela allonge les distances et donc les émissions de gaz à effet de serre.

Quelles conséquences pour le glyphosate, dont l'autorisation a été renouvelée en Europe pour dix ans, mais dont l'utilisation est restreinte en France ?

La France s'est opposée à une réautorisation de tous les types d'usages du glyphosate pour dix ans. Et nous avons dit devant les autres États membres que nous voulions garder les restrictions que nous avons déjà assumées. Le glyphosate est interdit pour toutes les activités non agricoles, notamment pour les services d'espaces verts des communes et pour la SNCF, qui était le premier utilisateur de ce produit en France pour traiter les voies de chemin de fer. Nous souhaitons aussi conserver des restrictions de son usage agricole, par exemple entre les vignes. La logique est simple : pour les activités agricoles, on peut réduire ou interdire quand il y a des alternatives.

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Vous faites vôtre ce qu'a dit le Premier ministre en Haute-Garonne, affirmant « vouloir mettre l'agriculture au-dessus de tout » ?

Cette formule a le mérite de faire passer le message que l'agriculture n'est pas seulement une activité économique : c'est une activité qui a un impact sur l'écologie et sur l'aménagement du territoire de notre pays. Je dirai même qu'elle a un impact sur notre identité, car chacun a dans ses ascendants un agriculteur ou agricultrice. L'agriculture est conciliable avec les ambitions écologiques, je n'ai aucun doute là-dessus. Moins il y aura d'agriculture française, plus on sera éloignés de nos objectifs
écologiques, parce qu'on sera moins dans des logiques de produits de proximité.


Jeudi, le Premier ministre a aussi annoncé que la souveraineté alimentaire serait inscrite dans la loi. Est-ce que cela représente un danger pour l'avancée du droit de l'environnement ?

La souveraineté alimentaire, c'est cette idée simple qu'on ne doit pas dépendre des autres pour nourrir les Françaises et les Français. Depuis le Covid, on a pris conscience, au niveau national et européen, que la souveraineté n'est pas un gros mot. On s'est aussi rendu compte qu'on était allés trop loin dans un certain nombre de délocalisations, nous privant de la capacité à disposer des outils de notre santé, de notre alimentation, de notre industrie. Ce mouvement a conduit l'Europe à sortir d'une forme de naïveté, y compris en adoptant des règles qui, il y a quelques années, étaient totalement inimaginables. La décision, depuis le 1ᵉʳ janvier, de ne plus aider l'achat de voitures électriques provenant de pays qui n'ont pas les mêmes standards que nous réaffirme une forme de souveraineté au nom de l'écologie. On comprend de plus en plus que défendre une production de biens alimentaires ou de services de proximité, c'est soutenir à la fois des objectifs économiques et écologiques. C'est l'écologie à la française telle que le président de la République en a parlé. Mais c'est aussi globalement le chemin sur lequel l'ensemble de l'Europe est en train de s'aligner.

Au niveau européen justement, comment voyez-vous l'avenir du Pacte vert après cette colère des agriculteurs ?

Ce mouvement n'était pas français, il a été européen. L'Europe ne peut pas l'ignorer. Le Green Deal ne se résume pas à la question agricole : il porte aussi sur les transports, le bâtiment, la lutte contre l'obsolescence programmée... L'agriculture, qui en France représente près de 20 % des émissions de CO2, doit être absolument partie prenante de cet effort. Mais il faut trouver un rythme qui soit compatible avec ces ambitions. Il faut être extrêmement ferme et déterminé sur celles-ci et pouvoir être souple et pragmatique sur les moyens de les mettre en œuvre. Prenez l'exemple du GNR  [gazole non routier]. Quand on augmente le prix de l'essence pour les agriculteurs avec l'objectif de sortir du moteur thermique, on se heurte néanmoins au fait que le tracteur électrique n'existe pas ! Quand on crée une contrainte sans solution, cela ne peut qu'être vécu comme une forme d'écologie punitive. Il était donc souhaitable de revenir sur cet acte qui a été mal compris.

Au terme d'« écologie punitive », vous préférez ceux d'« écologie populaire » ou d'« écologie de bon sens »...

Il faudrait presque qu'on ne puisse plus mettre d'adjectifs derrière l'écologie. Au fond, c'est quoi l'écologie ? C'est la protection des Français et de notre mode de vie alors que le dérèglement climatique est là. On n'a pas le choix entre faire ou ne pas faire, on doit faire. Mais deux dangers nous menacent : écouter ceux qui nous expliquent qu'on en fait trop et écouter ceux qui nous disent qu'on ne fait rien. Le risque est que la collusion de ces deux discours aboutisse effectivement à nous bloquer. S'ils se rejoignent, c'est l'assurance de l'impuissance et, à la fin, c'est l'écologie qui perdra.

Janvier a été le 24e mois consécutif où les normales de saison ont été dépassées. Vous avez décrété que 2024 serait l'année de l'adaptation. S'en donne-t-on vraiment les moyens ?

Je vous assure que oui. Quand, le 30 janvier 2023, j'ai expliqué qu'il fallait qu'on prépare notre pays à une augmentation de 4 degrés plutôt qu'à celle de 1,5 à 2 degrés que prévoyait l'accord de Paris, un certain nombre de responsables politiques, y compris chez les écologistes, ont considéré que c'était une forme de renoncement à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Comme s'ils ignoraient que l'adaptation marchait de concert avec l'atténuation. L'atténuation est mondiale, l'adaptation nationale. Notre pays accélère comme jamais la baisse de ses émissions, et le chantier de l'adaptation n'est plus une option.

Commentaires 27
à écrit le 05/02/2024 à 12:19
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Nous savions que la défense de l'environnement par ce gouvernement n'était qu'une "posture", du green washing. Avec les concessions faites aux agriculteurs de la FNSEA, FDSEA et de la Coordination rurale nous sommes confortés. Ces agriculteurs, éleve...

à écrit le 05/02/2024 à 10:40
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Le mot ambition signe déjà le retournement de veste ! l'ambition n'oblige pas, l'ambition " Désir ardent de gloire, d'honneurs, de réussite sociale" je vois cela pour lui, mais pas pour l'écologie ! c'est la difficulté lorsque l'on n'assume pas ! ...

à écrit le 05/02/2024 à 10:03
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En mots, tout est possible.

à écrit le 05/02/2024 à 8:56
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Le gouvernement n'a aucune ambition écologique ni aucun ministre écologique. Les agriculteurs font la loi !

à écrit le 05/02/2024 à 4:11
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Le jour où ceux qui réglementent deviendrons agriculteurs, nous aurons fait un grand pas en avant. Sinon, on reste dans des mesures punitives dont l’état a le secret et qui pourrissent gratuitement et sans recours la vie des gens.

à écrit le 04/02/2024 à 20:06
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c est sur qu on a bien compris qui commande en France. en moins d une semaine, la FNSEA a mit a genoux le gouvernement. Mention speciale au ministre de l interieur qui doit justifier que ses troupes ne fassent rien quand les paysans cassent tout, je ...

à écrit le 04/02/2024 à 17:18
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A peine rentrés chez eux avec des promesses.revoila les écolos qui comme les socialistes renvoyés chez eux car on ne veut plus d'eux ils reviennent par les fenêtres ou la cheminée. Continuez à trahir les paysans et le peuple vous aurez des jeux olym...

à écrit le 04/02/2024 à 14:30
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Cet individu est un fantoche comme d'ailleurs l'on été quasiment tous les ministres de l'environnement ! Nous savions que la défense de l'environnement par ce gouvernement n'était qu'une "posture", du green washing. Avec les concessions faites aux ag...

à écrit le 04/02/2024 à 12:16
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l écologie n est pas un parti politique. et n en a pas besoin ! L ECOLOGIE POLITIQUE CONDUIT A UNE CATASTROPHE ENVIRONNEMENTALE

le 04/02/2024 à 13:42
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et en meme temps m macron impose sa morale au senegal au lieu d'assumer sa fonction de president de la france qu'il a transmis a mme von der leyen et oui c'est bien la qu'il vas chercher les reponses aux crises qui le perturbe

à écrit le 04/02/2024 à 11:31
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Il y a trop de monde sur la planete, mais meme les ecologistes ne cessent pas de se multiplier.

le 04/02/2024 à 11:35
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Au moins un en trop en tout cas ! ^^

le 04/02/2024 à 14:31
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@revo. Commentaire stupide !

le 04/02/2024 à 14:32
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Si vous estimez que vous êtes en trop, prenez les mesures qui s'imposent.

à écrit le 04/02/2024 à 11:13
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Il y trop de monde sur la planete, mais même les écologistes ne cessent de se multiplier.

le 04/02/2024 à 11:31
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Quand je te lis je le constate aussi qu'il y a trop de monde sur la planète.

à écrit le 04/02/2024 à 11:11
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Vendredi soir un documentaire sur france info dans lequel on voit deux allemands qu ise disent agriculteurs et qui ont investi des millions d'euros dans une usine qui permet de travailler le moins possible à savoir tout automatisé, donc nourriture in...

à écrit le 04/02/2024 à 11:10
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Il n'y a pas de bonnes solutions. C'est au consommateur de décider s'il veut manger des produits sains ou pas, ceci passe par une information détaillée et une interdiction de publicité pour tous les produits de l'agro-industrie issus de plantes culti...

le 04/02/2024 à 11:32
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"C'est au consommateur de décider" L'imposture socialiste alors que les gens n'ont pas le choix et ceux qui l'ont ne sont pas assez nombreux pour générer un cercle vertueux d'autant que le cercle vicieux agro-industriel est particulièrement bien enra...

à écrit le 04/02/2024 à 10:00
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Macron se fout de l'écologie !

à écrit le 04/02/2024 à 9:24
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Bonjour, bon ils y a 200 ans, ons pouvez faire pousser des pomme de terre, du blé sans pesticides ou engrais chimiques... Donc rien d'impossible.. Ensuite, les agriculteurs sont tres aidé.. Argent de la PAC, détaxe sur les carburant, fiscalité re...

le 04/02/2024 à 9:38
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Si on se contente des rendements d’il y a 200 ans, avec aujourd’hui 68 millions d’habitants, on va retrouver rapidement des épisodes de famines….. ou alors il faudra importer massivement pour que les gens puissent manger correctement !!

le 04/02/2024 à 9:46
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stop au baratin a la suite des gilets jaune des constat mais aucune action du pouvoir la crise de la sante beaucoup de palabre et la sante et encore plus moribonde les agriculteurs vont se faire berner et m macron ne répond pas au demande pour c...

le 04/02/2024 à 10:38
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"Si on se contente des rendements d’il y a 200 ans, avec aujourd’hui 68 millions d’habitants, on va retrouver rapidement des épisodes de famines….." Est-ce que tu manges tant de maïs que cela ?

le 04/02/2024 à 13:25
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Et n'oublions pas qu'entre 30 et 40 % de la nourriture produite tombe directement dans la poubelle, sans être consommée... ça offre une certaine marge.

à écrit le 04/02/2024 à 9:05
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On le voit venir avec ses gros sabots...! ;-) Il pense que le problème, et je ne lui donne pas tort, est qu'il y a trop de tracteurs en France et que l'outil est un danger pour notre environnement !

à écrit le 04/02/2024 à 8:46
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Et c'est pour cela d'ailleurs que vosu avez reculé ! LOL ! Ben ouais nous autre on peut pas comprendre en fait ! ^^ Nos dirigeants n'ont pas peur du ridicule.

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