Allemagne : une croissance décevante au deuxième trimestre

Par Romaric Godin  |   |  981  mots
Une chaîne de montage MAN à Munich. L'économie alleamnde dépend encore de ses exportations.
Le PIB allemand a crû de 0,4 % au deuxième trimestre 2015. Un chiffre décevant surtout par la persistance de la dépendance allemande au commerce extérieur et à l'euro faible.

La croissance allemande a accéléré au deuxième trimestre avec une augmentation de 0,4 % en termes réels du PIB. Au premier trimestre, la croissance de la première économie européenne était de 0,3 %. Ce chiffre est loin d'être mauvais pour l'Allemagne : depuis début 2011, il n'a été dépassé qu'au cours de quatre trimestres sur dix-huit et égalé au cours de quatre autres trimestres. C'est néanmoins un chiffre inférieur à la prévision des économistes qui tablaient sur une croissance de 0,5 %.

Une croissance tirée par les exportations

Le détail de cette croissance ne sera connu que le 25 août prochain, mais l'Agence fédérale des Statistiques, Destatis, donne déjà quelques éléments et souligne que la « croissance s'explique avant tout par la contribution du commerce extérieur. » L'Allemagne, dont on pensait qu'elle avait entamé un grand rééquilibrage de sa croissance grâce notamment à la hausse des revenus et à la baisse du chômage, dépend donc encore principalement de sa force exportatrice pour générer de la richesse. Destatis ajoute cependant que les consommations de l'Etat et des ménages ont aussi contribué positivement ce trimestre, mais dans une mesure bien moindre. Au cours du trimestre, la croissance des exportations allemandes a atteint 3 %, son plus fort rythme depuis 5 ans, mais ceci met encore plus en évidence la faiblesse des autres composantes du PIB germanique.

A l'inverse, la croissance allemande a été pénalisée par un fort déstockage et un « investissement faible, notamment dans la construction. » Ce fait est assez inquiétant : l'investissement productif allemand n'est pas parvenu à compenser la déprime du marché de la construction.

Une croissance dopée à l'euro faible

Ce chiffre est donc en réalité, assez décevant. Sur le premier semestre 2015, la croissance allemande est comparable à la croissance française. Surtout, elle semble clairement dopée par les exportations qui, elles-mêmes, profitent avant tout, comme le souligne Destatis, de l'euro faible. Le succès de ce deuxième trimestre est donc le fruit de la « guerre des monnaies » dans laquelle la BCE est entrée l'an dernier. L'Allemagne investit encore clairement trop peu, ce qui fait peser un risque sur sa croissance potentielle future, notamment dans la perspective du ralentissement démographique. Quant à la consommation des ménages des ménages, elle demeure un élément positif, mais encore trop faible et trop fragile, malgré une remarquable stabilité et robustesse du marché du travail et l'introduction d'un salaire minimum.

Une locomotive poussive pour la zone euro

Au final, ce deuxième trimestre 2015 montre que l'Allemagne est décidément une locomotive poussive de la zone euro et, finalement, assez peu fiable. Sa croissance se fonde plus que jamais sur ses excédents commerciaux, mais la transmission de ces excédents au reste de la zone euro reste problématique : l'investissement et la consommation sont trop faibles. Le problème de la croissance européenne demeure donc le même que depuis des années : l'Allemagne ne réinvestit pas assez le fruit de ses excédents dans sa propre économie, ce qui conduit à une croissance de la demande intérieure assez faible et à une mauvaise transmission de la croissance allemande au reste de l'union monétaire.

L'étrange désintérêt de la Commission pour la question des excédents

Ce problème a une source : l'absence d'une vraie politique de réinvestissement public. La volonté du ministre fédéral des Finances de dégager et de maintenir à tout prix un excédent des comptes fédéraux, mais aussi la « règle d'or » votée en 2009 qui réduit la capacité d'investissement des Länder explique cette situation. Autrement dit : l'obsession allemande pour la « stabilité » pèse fortement sur sa croissance et sur la croissance européenne. Rappelons que la Commission européenne est en théorie tenue d'agir contre les excédents excessifs de la balance des paiements, supérieurs à 6 % du PIB. En 2015, on prévoit un excédent de 8 % pour l'Allemagne et Bruxelles se contente de faire quelques remontrances.

Ce déséquilibre entre les procédures pour les déficits et celles pour les excédents explique en partie la faiblesse de la croissance de la zone euro. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder encore le chiffre de ce deuxième trimestre au niveau de la zone euro : 0,3 %. Il est remarquable que l'énergie dépensée pour faire accepter un mémorandum contestable à la Grèce au cours du semestre dernier ne soit jamais dépensé pour s'attaquer à un des problèmes majeurs de la zone euro.

L'erreur de Wolfgang Schäuble

On remarquera, également que , sans la décision de la BCE de se lancer dans une politique de rachats d'actifs de la BCE (le « Quantitative Easing » ou QE) en début d'année, l'euro n'aurait pas subi une forte dépréciation et le commerce extérieur allemand n'aurait pas permis - dans un contexte de ralentissement des pays émergents - de sauver la croissance allemande entre mars et juin. Cette politique qui, aujourd'hui, sauve la croissance allemande a été combattue becs et ongles par Wolfgang Schäuble.

Ternes perspectives

Les perspectives pour la croissance allemande sont, du reste, ternes. L'avantage compétitif de l'euro faible pourrait se réduire, notamment avec l'entrée de la Chine dans la guerre des devises. D'autant que les perspectives des émergents demeurent faibles. Certes, les commandes industrielles demeurent soutenues, principalement grâce à la zone euro. Mais les chiffres de ce 14 août montrent que la reprise européenne demeure faible et fragile. S'il s'est stabilisé en juillet, l'indice IFO des attentes a été en chute marquée entre mars et juin. Morgan Stanley prévoit même une contraction de l'économie allemande de 0,1 % au troisième trimestre. La locomotive allemande est proche de l'arrêt.