Brexit : Theresa May refuse le jugement lui imposant un vote du parlement

Par latribune.fr  |   |  726  mots
Theresa May estime ne pas avoir besoin du vote du Parlement pour déclencher le Brexit, arguant de "prérogatives historiques" du gouvernement et de la volonté populaire exprimée lors du référendum du 23 juin.
Le gouvernement britannique annonce faire appel du jugement lui imposant un vote du parlement avant de pouvoir déclencher la procédure de sortie du Royaume-Uni de l'UE. La livre profitait de la décision de la Haute cour pour s'apprécier face à l'euro et au dollar.

Ce jeudi matin, les trois magistrats de la Haute Cour de justice d'Angleterre et du Pays de Galles ont estimé que le gouvernement ne pouvait pas lancer la procédure du Brexit sans l'accord des parlementaires ; en d'autres termes, le Parlement britannique devra voter pour ou contre le déclenchement par le gouvernement de la procédure de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

"La Cour n'accepte pas l'argument avancé par le gouvernement [selon lequel ce vote n'était pas nécessaire, Ndlr]. La Cour accepte l'argument principal des requérants ", ont annoncé les juges, dont la décision pourrait être lourde de conséquences sur la poursuite du processus de sortie des Britanniques de l'Union européenne.

"Pour les raisons exposées dans le jugement, nous avons décidé que le gouvernement n'avait pas le pouvoir (...) de notifier, conformément à l'article 50, le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne", ont ajouté les magistrats.

Vers 10 heures 30 GMT, la livre britannique, profitant de cette décision de justice, s'appréciait face à la monnaie européenne, à 89,20 pence pour 1 euro, et plus nettement encore face au billet vert, passant brièvement la barre de 1,2431 dollar sur le marché des changes, un niveau qu'elle n'avait plus atteint depuis plus de trois semaines.

Pour autant, le gouvernement britannique a immédiatement annoncé faire appel devant la Cour Suprême de cette décision.

"Le gouvernement est déçu du jugement de la Cour. Le pays a voté pour quitter l'Union européenne lors d'un référendum approuvé par le Parlement et le gouvernement est déterminé à respecter le résultat du référendum. Nous ferons appel", a immédiatement indiqué un porte-parole de Downing street dans un communiqué.

"Affront à la volonté populaire" et "prérogatives historiques"

Pour rappel, la Première ministre Theresa May a indiqué qu'elle déclencherait la procédure de sortie de l'UE avant fin mars 2017, ouvrant ainsi une période de négociations de deux ans maximum.

La chef du gouvernement a accepté que les parlementaires puissent débattre de cette question mais elle s'oppose à ce qu'ils se prononcent par un vote. Elle craint que les membres du Parlement ne veuillent fixer eux-mêmes le calendrier du Brexit et ainsi repousser, voire bloquer, le projet de sortie.

Elle estimait ne pas avoir besoin du vote du Parlement pour déclencher l'article 50 du Traité de Lisbonne fixant les modalités de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, arguant de "prérogatives historiques" du gouvernement et de la volonté populaire exprimée lors du référendum du 23 juin, où 52% des votants se sont prononcés pour un Brexit. Elle pouvait également s'appuyer sur le soutien du plus haut responsable judiciaire du pays, l'Attorney general Jeremy Wright, qui avait avancé que l'approbation du Parlement n'était pas nécessaire après le vote sans ambiguïté du peuple britannique. Et, vendredi dernier, la Haute Cour de justice d'Irlande du Nord apportait de l'eau à son moulin en rejetant un recours contre le Brexit, dans une première décision de justice du Royaume-Uni portant sur la contestation de la sortie de l'Union européenne.

"Démocratie parlementaire" et "fragilisation des accords de paix"

Les plaignants, qui se réjouissaient ce matin d'une "victoire de la démocratie parlementaire", se fondent, eux, sur le caractère "consultatif" du référendum. Ils font valoir que quitter l'UE sans consulter le Parlement serait une violation des droits garantis par l'Acte des communautés européennes de 1972 qui a incorporé la législation européenne dans celle du Royaume-Uni.

Les plaignants d'Irlande du Nord, quant à eux, étayaient leur position sur le fait qu'un Brexit compromettrait les fragiles accords de paix signés en 1998 après des décennies de violences entre partisans et adversaires de l'union avec la Grande-Bretagne, et d'autre part que la décision devait être soumise à l'approbation du parlement régional.

     > Lire : Pourquoi l'Irlande du Nord rejette le Brexit

De nombreux investisseurs estiment que le Parlement pourrait contraindre le gouvernement à faire des concessions et limiter l'impact économique de la sortie de l'UE, éloignant ainsi le risque d'un "hard Brexit".

L'appel du gouvernement britannique sur le Brexit sera examiné par la Cour suprême entre le 5 et le 8 décembre, selon une précision d'un avocat du gouvernement recueillies par Reuters.

(Avec AFP et Reuters)