Catalogne : la majorité indépendantiste se réconcilie pour accélérer la sécession

Par Romaric Godin, à Barcelone  |   |  929  mots
Le parlement catalan dispose à nouveau d'une majorité.
La gauche radicale indépendantiste, la CUP, a annoncé qu'elle voterait la confiance au gouvernement catalan. L'objectif est d'avancer vers la sécession, même au prix de l'unilatéralité. Les conditions du choc avec Madrid se renforcent.

Alors que l'Espagne reste toujours incapable de trouver une majorité, la majorité parlementaire indépendantiste catalane retrouve son unité. Lundi 5 septembre, le parti de gauche radicale indépendantiste CUP a ainsi annoncé qu'il votera, le 28 septembre prochain, la confiance au gouvernement régional dirigé par Carles Puigdemont. Ce dernier avait décidé de poser la question de confiance après la décision de la CUP, début juin, de ne pas voter le budget présenté par le gouvernement. Finalement, donc, la Catalogne évite une crise gouvernementale et de nouvelles élections.

Rapprochement au sein du camp indépendantiste

En réalité, la crise ouverte par le rejet du budget régional a permis de relancer le processus de séparation avec l'Espagne, qui est le seul point commun entre les deux membres de la coalition indépendantistes, Junts Pel Sí (qui regroupe l'essentiel des forces séparatistes) et la CUP. Cette dernière a ainsi annoncé vouloir soutenir le gouvernement « parce que nous partageons les mêmes objectifs ». La CUP a donc fini par faire le choix entre ses priorités : l'indépendance d'abord, l'exigence sociale ensuite.

Cette décision est aussi le fruit d'un certain rapprochement idéologique entre les deux formations. Au cours de l'été, notamment après l'échec de Podemos - seule force espagnole défendant l'idée d'un référendum d'autodétermination en Catalogne -  aux élections législatives nationales du 23 juin, une grande partie des forces indépendantistes se sont ralliées à l'idée qu'un accord avec Madrid était devenu impossible et qu'il fallait avancer seul par des actes unilatéraux.

Cette position, la CUP l'a longtemps défendue seule. Le 29 juillet dernier, Junts Pel Sí a lié les actes à la parole en approuvant un texte affirmant la nécessité du recours à l'unilatéralité dans le processus d'indépendance. Ce texte avait alors été défendu par Carles Puigdemont, alors même que le Tribunal Constitutionnel espagnol avait interdit une telle discussion. Certes, depuis, Carles Puigdemont ne s'est pas engagé à recourir, comme le souhaite la CUP, à un référendum unilatéral d'indépendance (RUI) avant la fin de la législature, mais l'option est ouverte et la crise gouvernementale débouchera sur une accélération du processus de séparation avec une nouvelle « feuille de route ». C'est assez pour convaincre la CUP.

L'opposition remontée

Même s'il faudra encore discuter des détails du futur budget catalan, cette inversion des priorités de la CUP, si elle dure, marque donc la détermination des Indépendantistes à avancer. La course vers le choc entre la légalité espagnole et la nouvelle légalité catalane semble donc inévitable. De fait, l'opposition unioniste ne s'y trompe pas. Le chef de file du Parti populaire (droite unioniste) en Catalogne, Xavier Albiol estime que le RUI est « acquis ».

Mais, en dépit de l'actuel blocage politique espagnol, la réaction de Madrid devrait être celle qu'il mène depuis des années : la judiciarisation du processus de sécession. Dans un entretien à La Tribune, Carlos Carrizosa, député de Ciudadanos (centre-droit unioniste) au parlement catalan affirme qu'un référendum « serait en dehors de la légalité », ce serait un « coup d'Etat contre la démocratie ». Selon lui, la judiciarisation du processus indépendantiste est indispensable pour que les « Catalans séduits par les idées indépendantistes prennent conscience que cela mène à une impasse ». Xavier Albiol affirme, lui, que le gouvernement catalan va devoir faire face à un « mur » de la part de l'Etat espagnol.

L'enjeu de la mobilisation

Face à ce choc qui vient, la solution résidera dans l'opinion publique et la capacité des deux camps à mobiliser. Carlos Carrizosa annonce ainsi que les unionistes entendent renforcer cette mobilisation unioniste qui est souvent bien plus faible que celle des indépendantistes qui, pour lui, sont portés par la « force de l'utopie ».

Parallèlement, dimanche 11 septembre, jour de la fête nationale catalane, la Diada, aura lieu la traditionnelle mobilisation pro-indépendantiste pour la cinquième année consécutive. Selon les associations indépendantistes elles-mêmes, la mobilisation devrait être inférieure cette année à celle des années précédentes. « Les gens sont un peu las de ce type de mobilisation », reconnaît Adriá Alsina Leal, responsable de la communication de l'Assemblée nationale catalane (ANC), un des organisateurs. Mais, pour lui, cet échec relatif attendu ne signifie pas un recul des idées indépendantistes dans l'opinion catalane, simplement, affirme-t-il, un « besoin d'actes plutôt que de spectacle ». De fait, les derniers sondages montrent une progression nette de l'indépendance dans l'opinion cet été.

Catalyseur ?

Le catalyseur de la tension qui s'accumule entre Madrid et Barcelone pourrait alors être la destitution de Carme Forcadell, la présidente du parlement catalan, accusée par le Tribunal Constitutionnel d'avoir fait voter le texte sur l'unilatéralité le 27 juillet dernier. Si cette destitution est confirmée, la majorité indépendantiste devra choisir entre l'acceptation de l'ordre constitutionnel espagnol, et donc le renoncement à l'indépendance par des voies unilatérales, ou la rupture franche en refusant la destitution de Carme Forcadell.

Ce pourrait alors être l'occasion d'une mobilisation des troupes plus « utile » que les grands spectacles du 11 septembre, devenu répétitifs. L'accord entre Carles Puigdemont et la CUP de ce début septembre plaide pour un durcissement de la position indépendantiste. En réalité, progressivement, le durcissement se produit des deux côtés, rendant toute solution négociée à la crise catalane de moins en moins probable.