Catalogne : retour en quatre actes sur les derniers événements

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  720  mots
Mardi soir, les Catalans, rivés devant leurs écrans de télévision, s'attendaient à voir le chef de l'exécutif régional Carles Puigdemont proclamer l'indépendance et la création de la République.
Changeant d'avis à la dernière minute, le président catalan Carles Puigdemont a donné un discours flou mardi sur l'indépendance régional devant le Parlement à Barcelone. Ce mercredi, Madrid demande des clarifications à l'exécutif catalan avant de prendre une décision.

Le discours de Carles Puigdemont a pour le moins manqué de clarté mardi soir. Près de dix jours après le référendum - lors duquel les 43% de participants auraient voté à 90% pour le "oui" à l'indépendance, selon, l'exécutif catalan -, le président de la Généralité a déclaré que la Catalogne devait "devenir un Etat indépendant sous la forme d'une République", avant d'indiquer qu'il suspendait "la mise en oeuvre de cette déclaration d'indépendance" pour entamer "des discussions afin de parvenir à une solution négociée". Alors la Catalogne, indépendante ou pas ?

■ Puigdemont n'a pas lu le texte prévu

Mardi soir, les Catalans, rivés devant leurs écrans de télévision, s'attendent à voir le chef de l'exécutif régional proclamer l'indépendance et la création de la République. Dans la journée, les membres du gouvernement local, les députés du JxSi ("Ensemble pour le oui" en français, la coalition du président Puigdemont) et ceux du parti d'extrême gauche CUP ont signé une déclaration commune en ce sens.

Ce document n'avait qu'une valeur symbolique et devait être ratifié par le Parlement en séance plénière pour avoir une portée juridique. Le président de la Généralité avait la charge de le lire devant le Parlement à 18 heures. Or, Carles Puigdemont s'est présenté avec plus d'une heure de retard et, selon les affirmations des élus de la CUP dans la presse espagnole, n'a pas présenté le texte original.

■ L'appui de médiateurs internationaux ?

Pourquoi ce changement d'avis de dernière minute ? Que s'est-il passé durant cette heure de latence entre 18 et 19 heures ? En réalité, Carles Puigdemont aurait cédé aux demandes de potentiels médiateurs internationaux, selon le porte-parole de la Généralité, Jordi Turull, rapporte le quotidien catalaniste La Vanguardia.

"Beaucoup de gens nous ont dit que si nous faisions cela [suspendre l'indépendance et ouvrir une période de négociations avec Madrid], ils étaient prêts à agir" auprès de Madrid pour défendre l'indépendance catalane, a-t-il confié sans révéler l'identité de ces personnes ou organisations alliées. Certains auraient déjà "fait parvenir des messages" au gouvernement central, a-t-il ajouté.

■ Madrid demande des clarifications

En attendant, Madrid n'a absolument pas apprécié l'attitude de Barcelone. Carles Puigdemont "ne sait pas où il est, ni où il va", a commenté mardi la numéro deux du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, suite au discours du président catalan. Elle a également tenu à rappeler que le référendum organisé le 1er octobre, et violemment réprimé par la police espagnol, était "un acte illégal, entaché de fraude et sans les moindres garanties" de démocratie.

Le Conseil des ministres espagnol s'est réuni en session extraordinaire ce mercredi matin pour formuler une réponse à Barcelone. Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a demandé à l'exécutif catalan de "confirmer s'il a déclaré l'indépendance de la Catalogne" et de le faire d'ici cinq jours.

"Cette exigence, préalable à toute mesure que le gouvernement pourrait adopter en vertu de l'article 155 de notre Constitution, vise à fournir aux citoyens la clarté et la sécurité juridique que requièrent une question aussi importante", a-t-il poursuivi.

■ Vers une utilisation de l'article 155 de la Constitution ?

Si Barcelone décidait de confirmer l'indépendance de la Catalogne, Madrid pourrait intervenir au titre de l'article 155 de la Constitution. Ce texte permet de facto à l'exécutif espagnol de suspendre l'autonomie de la région.

En effet, l'article stipule que si "une Communauté autonome ne remplit pas les obligations" légales ou "si elle agit de façon à porter gravement atteinte à l'intérêt général de l'Espagne", le gouvernement doit "prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l'intérêt général".

Or, cet texte n'ayant jamais servi depuis l'entrée en vigueur de la Constitution en 1978, les champs de ces "mesures nécessaires" reste inconnu. Libération cite plusieurs mesures envisageables, comme la prise de contrôle du gouvernement régional, le placement de la police catalane sous l'autorité du ministère de l'Intérieur, voire la dissolution du Parlement régional..