Colère des agriculteurs : à contre-courant des revendications, le patron du Medef favorable à l'accord UE-Mercosur

Par latribune.fr  |   |  860  mots
« Si on ferme les frontières à des importations, le pays exportateur fermera ses propres frontières », a alerté le président du Medef ce jeudi matin. (Crédits : Reuters)
Interrogé par France 2 ce jeudi matin, le patron de l'organisation patronale justifie sa position au nom du maintien de l'emploi financé par les exportations des produits agricoles français.

Une voix qui prend le contre-pied d'une des revendications principales des agriculteurs mobilisés en France : la fin des accords de libre-échange. Interviewé par France 2 ce jeudi matin, le patron du Medef Patrick Martin s'est montré favorable à l'accord UE-Mercosur. Une position qu'il justifie notamment au nom de l'emploi, tout en convenant qu'il faut se « laisser du temps ».

« Est-on prêt à supprimer 20% des emplois français ? », ceux concernés par le secteur de l'exportation, s'est demandé le président de l'organisation patronale, en soulignant que « si on ferme les frontières à des importations, le pays exportateur fermera ses propres frontières ».

« Il faut se laisser du temps et vérifier que les quatre pays sud-américains impliqués (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, ndlr) respectent le minimum sur le plan environnemental et social ». « On va moins aller vers la Chine, allons vers l'Amérique du sud, le jour venu », a-t-il résumé.

Le Mercosur, objet de discorde

Les propos du président du Medef tranchent avec l'une des revendications essentielles du mouvement des agriculteurs français : la fin des accords de libre-échange, accusés d'installer une concurrence déloyale entre les producteurs étrangers de denrées, non soumis aux mêmes normes sociales et environnementales que les agriculteurs européens.

Cette semaine, le gouvernement français a fait savoir qu'il n'était pas favorable, en l'état, à l'accord UE-Mercosur. Ce traité « n'est pas bon pour nos éleveurs et ne peut pas, ne doit pas être signé en l'état », a d'ailleurs souligné hier le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Il a promis que la France s'engagerait dans un « bras de fer » à Bruxelles pour que cet accord ne soit pas signé, en tout cas tel qu'il est actuellement.

L'exécutif bruxellois avait déclaré, la veille, qu'« à l'heure actuelle, l'analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies ». Mais « les discussions continuent et l'Union européenne continue à poursuivre son objectif d'atteindre un accord qui respecte les objectifs de l'UE en matière de durabilité et qui respecte nos sensibilités, notamment dans le domaine agricole », avait-il néanmoins précisé.

Le Medef « partage beaucoup des préoccupations des agriculteurs sur la sur-réglementation et sur la stratégie de décroissance de certains décideurs européens », a de son côté assuré Patrick Martin. Avant d'estimer que l'on a « impérieusement besoin d'Europe en face des Etats-Unis qui sont en train de devenir très agressifs sur le plan économique, et de la Chine ».

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Bruxelles fait des concessions

Sous pression, la Commission a fait cette semaine des concessions sur d'autres sujets : elle propose de renouveler pour une année supplémentaire, entre juin 2024 et juin 2025, l'exemption de droits de douane accordée à l'Ukraine depuis le printemps 2022 pour soutenir le pays en guerre. Mais en l'assortissant de « mesures de sauvegarde » renforcées limitant l'impact des importations de produits agricoles ukrainiens, lesquelles ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023.

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Sur les obligations de jachères imposées par la nouvelle Politique agricole commune (PAC), entrée en vigueur début 2023, la Commission européenne propose aux Vingt-Sept une « dérogation partielle » leur permettant de toucher les aides même sans respecter la proportion d'au moins 4% de terres arables en jachères.

Enfin, le ministre français de l'Agriculture, Marc Fesneau, a appelé mercredi à Bruxelles à « simplifier » rapidement les procédures de la Politique agricole commune (PAC), dont le secteur critique la complexité. Quant au patron de la FNSEA, il a appelé hier ses troupes « au calme et à la raison ». « L'attente est énorme » face au « cumul de normes et de règles », a ainsi souligné Arnaud Rousseau. Mais « il y a aussi beaucoup de sujets européens qui ne sont pas des sujets qui se règlent en trois jours ».

Alerte sur la conjoncture économique de la France

Par ailleurs, pour le patron du Medef, « la conjoncture n'est pas fameuse » et pousse des entreprises à déposer le bilan, « surtout dans le secteur du bâtiment et sa périphérie comme les agences immobilières ou les promoteurs immobiliers ».

« Il faut faire revenir l'investissement vers l'immobilier, remettre en place un certain nombre de dispositifs », a-t-il plaidé, jugeant aujourd'hui « plus intéressant » pour un particulier « d'avoir un livret de caisse d'épargne, que de se mettre en risque en investissant dans l'immobilier ».

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Il croit en « un premier et un deuxième trimestres encore difficiles » pour la croissance et une hausse du chômage, avant une embellie due en particulier à « des augmentations de salaires, en moyenne supérieures à l'inflation ». « Il faut absolument soutenir l'activité économique », a lancé à plusieurs reprises Patrick Martin, évoquant notamment un « dispositif de charges sociales extrêmement pénalisant en France ». Pour lui, « c'est là qu'il faut rebattre les cartes ». Une revendication portée de longue date par l'organisation patronale.

(Avec AFP)