Union européenne : le retour à une inflation à 2% « prendra du temps » prévient Ursula von der Leyen

Par latribune.fr  |   |  1593  mots
Ursula von der Leyen prononçait ce mercredi son discours sur l'état de l'Union devant les eurodéputés, réunis dans l'hémicycle à Strasbourg ce mercredi 13 septembre. (Crédits : Philipp von Ditfurth/dpa via Reuters Connect)
Dans son discours sur l'état de l'Union devant les eurodéputés, la présidente de la Commission européenne a souligné « la persistance d'une inflation forte », « un grand défi économique » pour le continent. Une déclaration qui intervient à la veille d'une décision de la Banque centrale économique sur le maintien ou le relèvement de ses taux directeurs. La responsable allemande a, en outre, abordé la question écologique, de l'élargissement de l'UE, de la concurrence chinoise ou encore de la politique migratoire.

[Article publié le mercredi 13 septembre à 10H42 et mis à jour à 12H55]

C'est une prise de parole attendue chaque année car il marque le lancement de la rentrée politique européenne. Ce mercredi 13 septembre, la présidente de la Commission européenne a pris la parole devant les eurodéputés, réunis dans l'hémicycle à Strasbourg. L'occasion pour Ursula von der Leyen, d'une part, de revenir sur les réalisations de l'UE et, d'autre part, de définir les chantiers prioritaires à venir, et le calendrier, abordant notamment les questions d'inflation, du Pacte vert, de l'élargissement de l'UE ou encore de la concurrence chinoise dans l'automobile.

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Une inflation toujours élevée

Toujours au premier rang des préoccupation de la Commission européenne, le sujet de l'inflation a, sans surprise, été abordé ce mercredi. Car si elle est restée stable en août à 5,3% sur un an et loin des sommets atteints en octobre 2022 (10,6%), elle demeure bien supérieure à l'objectif de 2% fixé par la Banque centrale européenne (BCE) qui affirme que ce taux est synonyme de stabilité des prix et d'assurance d'un équilibre de l'économie. Pour tenter d'y parvenir, l'institution monétaire a déjà procédé depuis juillet 2022, à neuf relèvements de ses taux. Désormais, les taux d'intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt s'établissent respectivement à 4,25 %, 4,50 % et 3,75 %.

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Ainsi, alors que la BCE doit annoncer, jeudi, une potentielle nouvelle hausse de ses taux ou un maintien au niveau actuel, Ursula von der Leyen, a indiqué que le retour à l'objectif d'une inflation à 2% dans la zone euro « prendra du temps ». En cause, « la persistance d'une inflation forte », « un grand défi économique » pour le continent, a-t-elle estimé. « Christine Lagarde [la présidente de la BCE, ndlr] et la Banque centrale européenne travaillent sans relâche pour juguler l'inflation », a-t-elle néanmoins salué.

La dirigeante s'est, en outre, félicitée de la baisse des prix du gaz en Europe depuis les plus hauts atteints l'an dernier. Il est passé de 300 euros par mégawattheure il y a un an, à « environ 35 euros » aujourd'hui, a-t-elle souligné, y voyant la réussite de la politique européenne d'achats en commun, de réduction de la demande et de soutien aux énergies renouvelables.

« Beaucoup pensaient que nous n'aurions pas assez d'énergie pour traverser l'hiver. Mais nous y sommes parvenus », a-t-elle rappelé, accusant le président russe Vladimir Poutine d'avoir « délibérément utilisé le gaz comme une arme ».

« Nous sommes restés unis et avons mis en commun notre demande et nos achats d'énergie , a-t-elle expliqué. Dans le même temps, contrairement aux années 1970, nous nous sommes servis de la crise pour investir massivement dans les énergies renouvelables et accélérer la transition propre ». « Nous avons mis à profit la masse critique de l'Europe pour faire baisser les prix et sécuriser notre approvisionnement », a-t-elle assuré.

L'UE veut « garder le cap » sur le Pacte vert

Concernant l'énergie, la présidente de la Commission européenne a, en outre, annoncé une série de mesures à venir en faveur de l'énergie éolienne, insistant sur la nécessité d'accélérer la délivrance des permis.

« Nous allons présenter un train de mesures européennes sur l'énergie éolienne - étroitement concertées avec l'industrie et les États membres », a-t-elle indiqué, souhaitant également « améliorer les systèmes d'enchères dans l'ensemble de l'UE ».

L'occasion pour elle d'assurer sa volonté de « garder le cap » sur le Pacte vert, ambitieux plan visant à sabrer les émissions carbone du bloc, tout en garantissant « une transition juste et équitable », alors que les réglementations environnementales de l'UE font l'objet de résistances croissantes. Les 27 ont adopté une grande partie du Pacte vert, érigé en priorité par la Commission. Mais ce dernier reste inachevé : 37 textes restent en négociations, dont certains - « restauration de la nature », encadrement des pesticides...- suscitent l'opposition de la droite et de l'extrême droite, qui dénoncent un « fardeau » réglementaire imposé aux agriculteurs et entreprises.

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« Quand il est question du Pacte vert pour l'Europe, nous gardons le cap, nous restons ambitieux, nous ne dévions pas de notre stratégie de croissance. Et nous aurons toujours à coeur de garantir une transition juste et équitable », a-t-elle dit.

« Nous continuerons à soutenir l'industrie européenne tout au long de cette transition. Nous avons commencé par un train de mesures - allant du règlement pour une industrie "zéro net" au règlement sur les matières premières critiques », a-t-elle détaillé, tout en adressant un mot aux agriculteurs, tenant ainsi à leur « rendre hommage » et reconnaissant qu'ils « sont soumis à l'impact croissant, sur leur travail et leurs revenus, de l'agression russe contre l'Ukraine, du changement climatique, avec les sécheresses, les incendies et les inondations que celui-ci provoque, mais aussi de nouvelles obligations ».

« Nous avons besoin de davantage de dialogue et de moins de polarisation. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons engager un dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'UE. Je suis et demeure convaincue que l'agriculture et la protection de la nature peuvent aller de pair », a-t-elle assuré.

Un élargissement de l'UE sans attendre de modifier ses traités

Un dialogue qui doit également être mené sur la question de l'élargissement de l'Union européenne. A ce sujet, Ursula von der Leyen a estimé que « nous ne pouvons pas — et nous ne devrions pas — attendre de modifier les traités pour avancer sur la voie de l'élargissement. Nous pouvons adapter plus rapidement que cela notre Union en vue de son élargissement ».

Ce sujet fait débat au sein des 27 qui pourraient donc se retrouver à 30 membres, voire encore davantage. La présidente de la Commission a, elle, appelé à « dépasser les débats simplistes ». Car, selon elle, « la question n'est pas choisir entre approfondir l'intégration ou élargir l'Union. Nous pouvons, et nous devons faire les deux ».

Un élargissement qui pourrait notamment concerner l'Ukraine. Selon Ursula von der Leyen, le pays a réalisé de « grandes avancées » sur la voie de son adhésion. Et face à ces progrès, « il est temps à présent de nous élever à la hauteur de cette détermination ». « Cela signifie qu'il faut réfléchir à la manière de nous préparer à former une Union plus complète », a-t-elle encore ajouté. Pour rappel, dans un geste hautement symbolique à la suite de l'invasion du pays par la Russie en juin 2022. Mais pour faire aboutir le processus, le pays doit répondre à sept critères identifiés par la Commission concernant notamment le renforcement de la lutte contre la corruption généralisée et les réformes judiciaires.

Enquête ouverte sur les subventions aux voitures électriques en Chine

Dans son discours, Ursula von der Leyen a également annoncé l'ouverture d'une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques. « Les marchés mondiaux sont aujourd'hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché, dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives », a-t-elle dénoncé, affirmant que « l'Europe est ouverte à la concurrence. Pas à un nivellement par le bas ».

La responsable allemande a également rappelé que les entreprises européennes se « sont souvent battues sur le terrain des prix par des concurrents bénéficiant d'énormes subventions publiques. Nous n'avons pas oublié combien notre industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine », plaidant toutefois pour un « dialogue » avec Pékin.

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Réforme de la politique migratoire : il faut « finir le travail »

Autre sujet abordé lors de son discours : la difficile réforme de la politique migratoire. « Un accord sur le pacte (sur la migration et l'asile) n'a jamais été aussi proche. Le Parlement et le Conseil ont une occasion historique de le faire aboutir », a déclaré la responsable. Et d'ajouter : « Montrons que l'Europe peut gérer les migrations avec efficacité et compassion. Finissons le travail! ».

Ce pacte migratoire, présenté en septembre 2020 par la Commission, prévoit notamment un système de solidarité entre Etats membres dans la prise en charge des réfugiés et un examen accéléré des demandes d'asile de certains migrants aux frontières, afin de les renvoyer plus facilement vers leur pays d'origine ou de transit si leur demande est rejetée.

Évaluer les risques de l'IA pour l'humanité

Enfin, la présidente de la Commission européenne a plaidé pour la création d'un « panel mondial » d'experts afin d'évaluer les risques de l'intelligence artificielle pour l'humanité, sur le modèle du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

« Des centaines de développeurs, d'universitaires et d'experts de premier plan dans le domaine de l'IA nous ont récemment alertés » sur le risque d'extinction de l'humanité, a-t-elle, estimant que réduire ce risque « devrait être une priorité mondiale, au même titre que d'autres risques menaçant la société tout entière, comme les pandémies et la guerre nucléaire ».

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(Avec AFP)