
Le salon automobile de Munich (IAA), qui ouvre ses portes officiellement demain, laisse peu de place au doute : les constructeurs automobiles allemands tentent de maintenir leur industrie à flot tant bien que mal. En face, les constructeurs chinois, deux fois plus nombreux qu'il y a deux ans, ainsi que Tesla, ne feront pas de cadeaux. Prise en étau, l'industrie automobile allemande tente de résister, malgré des prévisions pessimistes. Depuis quelques mois, les commandes de voitures neuves en Allemagne plongent de 20 % à 30 % en moyenne. Les voitures allemandes ont également du mal à se vendre en Chine, l'un de leur plus grand marché. Le groupe Volkswagen représentait 3,1 % du marché chinois l'an dernier, loin derrière les marques nationales comme BYD (18 %) ou l'américain Tesla (8,7 %).
Pire encore, les Chinois viennent sur le marché allemand et européen en proposant des voitures bien moins chères et de plus en plus adaptées aux attentes des consommateurs européens. Par ailleurs, ils bénéficient désormais des réseaux de concessions du Vieux Continent, délaissés par les constructeurs traditionnels qui voient là un coût important, pour vendre leurs voitures. Au salon de Munich, les constructeurs chinois viennent donc se faire une image de marque, ultime maillon manquant, avant une invasion imminente du marché.
Le « premium », premier champ de bataille
Et cette image passe avant tout par une démonstration de la qualité des voitures chinoises, longtemps attaquée par ses détracteurs. La bataille se joue donc sur le haut de gamme, en particulier sur le segment des SUV électriques. Les marques chinoises BYD et MG ont déjà implanté leurs premiers modèles sur le marché européen. La MG4 est devenue cette année la sixième voiture électrique la plus vendue au Royaume-Uni.
Tesla, pionnier du premium électrique, a quant à lui annoncé la semaine dernière l'arrivée de sa nouvelle version de sa Model 3 pour rester dans la course. Une course qui pousse même les constructeurs français à s'y mettre, comme Renault et son Rafale annoncé pour 2024.
Pour contrer cette arrivée sur le segment du premium, longtemps dominé par les constructeurs Outre-Rhin, les annonces autour de l'électrique se multiplient en cette rentrée. Samedi, c'est BMW qui a ouvert le bal en présentant six voitures électriques fabriquées dès 2025. Le géant Allemand est pourtant l'un des rares constructeurs de l'industrie automobile à ne pas avoir fixé de date butoir pour la fin des moteurs à combustion et à miser sur l'hydrogène tout en continuant de travailler sur des moteurs traditionnels.
La petite citadine, point de chute des Allemands ?
Toutefois, à trop viser les segments supérieurs, c'est le marché des petites voitures peu équipées et abordables qui est délaissé. Les constructeurs européens tentent tant bien que mal de proposer quelques modèles sur ce segment, mais force est de constater que le pari est jusqu'alors raté. Le changement de prix de la future Renault 5, initialement annoncée en dessous des 25.000 euros et sans doute plutôt autour des 30.000 euros, en est un exemple.
« Les petites voitures sont le deuxième véhicule du foyer et sont utilisées sur des petites distances, notamment pour les trajets du quotidien. Est-ce qu'elles ont besoin d'autant d'autonomie et d'être aussi équipées que les citadines compactes électriques actuelles ? Pas sûr... », s'interroge Matthieu Noel, expert du secteur automobile au cabinet Roland Berger.
En outre, les constructeurs chinois ont une capacité de réactivité et de production plus importante que les constructeurs européens. Après s'être attaqués au premium et avoir diffusé leur image de marque, les constructeurs chinois risquent de profiter du trou béant laissé par leurs rivaux européens sur le segment des citadines. D'autant plus que le marché pourrait tourner très vite, selon les analystes. « L'ultra-premiumisation, plébiscité pendant des années, arrive à sa fin », annonce Matthieu Noel. En effet, la réglementation impose un changement de véhicule pour la plupart des foyers, dont la majorité ne pourront pas dépenser 40.000 euros, prix moyen d'une voiture électrique actuellement.
Si tel est le cas, ce sont les constructeurs allemands qui seront les plus impactés, eux qui ont misé sur le premium et délaissé les modèles d'entrée de gamme depuis plusieurs années. Au salon de l'automobile, cette fragilité se ressent déjà. Mercedes doit d'ailleurs présenter un concept de voiture cette semaine sur le segment d'entrée de gamme.
Le recyclage comme limite
À première vue, difficile de voir comment les constructeurs allemands pourront lutter face à cette arrivée massive sur tous les segments de marché. Cependant, les facteurs environnementaux pourraient les sauver dans un premier temps, au même titre que le reste des constructeurs européens. En effet, la France sera la première à accorder son bonus écologique selon des critères d'empreinte carbone à partir de 2024. Une idée qui pourrait être reprise par d'autres pays et qui oblige les constructeurs chinois à produire sur le territoire européen en investissant massivement dans des usines.
Autre critère décisif : la recyclabilité des véhicules. Avec l'électrification, c'est l'un des grands enjeux du salon de Munich. Il est désormais important d'intégrer une partie de matériaux recyclés dans la fabrication des voitures mais également de les rendre recyclables. La majorité des constructeurs européens communiquent dessus, à l'instar de BMW et de son intérieur sans cuir ni chrome pour réduire le « superflu ». Un retard qui pourrait se rattraper facilement selon les analystes, tant les constructeurs chinois s'adaptent rapidement aux normes et aux fluctuations du marché automobile européen.
La Chine dipose de deux a trois ans d'avance dans la mise en place d'un « écosystème » complet autour de la voiture électrique, a alerté Ralf Brandstätter, membre du directoire de Volkswagen. Ce dernier estime que « l'Europe doit agir » car « les Etats-Unis y travaillent aussi », avec l'Inflation Reduction Act (IRA) qui vise notamment à relocaliser l'industrie des véhicules électriques sur son sol ou du moins en Amérique du Nord. « L'Europe s'est faite légèrement devancer », a-t-il euphémisé dimanche soir en marge du salon de l'automobile de Munich qui a démarré lundi. Sur le Vieux continent, « l'approche holistique » intégrant entreprises, recherche, sécurisation des matières premières et des produits intermédiaires, « n'a pas lieu », a dénoncé Ralf Brandstätter, responsable depuis un peu plus d'un an du marché chinois. Il est chargé d'y redresser les performances décevantes de Volkswagen sur l'électrique.Electrique : « la Chine a deux à trois ans d'avance » selon le responsable local de Volkswagen
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