Donald Tusk menace : ce sera un "hard Brexit" ou "pas de Brexit"

Par Romaric Godin  |   |  758  mots
Donald Tusk menace Londres.
Le président du Conseil de l'UE a prévenu qu'il ne pourrait pas y avoir de Brexit "adouci". Les 27 sont décidés, pour l'instant, à tenir une position ferme dans l'espoir de voir les Britanniques faire volte-face.

Avant que les négociations sur les modalités du Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE), ne démarrent, cette dernière hausse le ton. Dans un discours prononcé jeudi 13 octobre au soir devant le European Policy Center (EPC) de Bruxelles, le président du conseil de l'UE, Donald Tusk, a estimé que les Britanniques n'avaient le choix qu'entre « un Brexit dur ou pas de Brexit du tout », ajoutant cependant que cette dernière option était peu probable pour le moment.

Vers un « hard Brexit »

Par « Brexit dur » (« hard Brexit »), on entend une sortie de l'UE du Royaume-Uni sans nouvel accord commercial. Les liens entre Londres et les 27 seraient alors régis par les règles générales de l'Organisation mondiale du Commerce. Des droits de douanes pourraient alors être à nouveau érigés. Donald Tusk estime donc qu'il ne peut y avoir d'alternative si Londres continue de refuser comme condition à l'accès au marché unique européen la libre-circulation des personnes. « Il est inutile de spéculer à propos d'un Brexit doux (soft Brexit) », a affirmé Donald Tusk. L'UE ne voudra donc pas s'engager dans une négociation où l'on pourrait accorder des concessions partielles.

Pour Donald Tusk, l'UE comme le Royaume-Uni auront tout à perdre dans ce « hard Brexit » : « la vérité brutale est que le Brexit sera une perte pour nous tous », a-t-il insisté. Cette volonté de dramatisation répond aux dernières annonces de Theresa May, la première ministre britannique, et de son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. La première avait posé comme priorité la maîtrise des frontières sur l'accès au marché unique. Le second s'était dit « absolument confiant » dans le fait qu'un « bon accord » pourrait être atteint.

Espoir d'une volte-face

Si les Britanniques peuvent finalement se montrer confiants compte tenu de la bonne résistance actuelle de leur économie au lendemain du vote du 23 juin, les Européens, eux, estiment sans doute que la chute de la livre sterling qui a suivi les déclarations de Theresa May leur donne une carte à jouer pour faire pression sur Londres. Du reste, Donald Tusk n'a pas caché qu'il espérait encore un retour en arrière des Britanniques et un renoncement au Brexit. « Il reviendra au Royaume-Uni d'évaluer le résultat des négociations et de déterminer si le Brexit est réellement dans leur intérêt », a-t-il résumé.

La stratégie européenne est donc simple, pour l'instant : tenir une position ferme en ne laissant aucune marge de manœuvre à un accord « négocié ». Ou le Royaume-Uni accepte les « quatre libertés » dont la liberté de circulation des personnes, ou il perd l'accès au marché unique. Avec cette position, l'UE espère encore annuler le vote du 23 juin. D'ici quelques années, un nouveau référendum pourrait avoir lieu et renverser le vote. Donald Tusk a, du reste, espéré pouvoir compter sur des « alliés » au Royaume-Uni s'il « existe une chance de renverser le processus ». En tenant bon, l'UE veut créer un front anti-Brexit capable de changer la donne. Un abandon du Brexit serait il est vrai un triomphe pour Bruxelles qui prouverait alors par l'exemple que l'euroscepticisme est une impasse.

Une position tenable pour l'UE ?

Mais cette position est-elle tenable ? Rien n'est moins sûr. Il n'existe aucune garantie que la fermeté européenne débouchera sur une acceptation de ce qui serait pour le gouvernement britannique une humiliation. Au contraire, cette situation pourrait encore alimenter le sentiment europhobe et l'idée d'un retour de Londres vers le « monde anglo-saxon ».

L'option choisie par l'UE est donc risquée. D'autant qu'il n'est pas certain que la position choisie soit approuvée par tous les pays. En Irlande, le Taoiseach (premier ministre), Enda Kenny a mis hier en avant dans une rencontre avec Michel Barnier, négociateur du Brexit pour l'UE, la « situation spéciale » de son pays. La volonté de l'Ecosse de peser sur le processus peut également diviser les pays européens compte tenu de la question catalane qui est ouverte en Espagne. Enfin, le « hard Brexit », comme l'a souligné Donald Tusk, sera aussi coûteux pour les économies européennes. Le rebond des exportations et de la production industrielle allemande en août après un mois de juillet déprimé montre précisément le poids qu'une baisse de la demande britannique peut avoir sur la croissance européenne. L'assurance de la fermeté n'est donc pas acquise, d'un côté comme de l'autre.