En Italie, l'économie reste déprimée

Par Romaric Godin  |   |  832  mots
Pas de croissance en Italie au deuxième trimestre.
La déprime des ménages, les économies de l'Etat et le manque d'investissement ont pesé sur le PIB italien. L'illustration de l'échec des politiques de "réformes".

La croissance italienne demeure désespérément faible. Ce vendredi 2 septembre, l'Istat, l'institut statistique italien, a confirmé la stagnation du PIB transalpin au deuxième trimestre 2016. L'Italie fait donc jeu égal avec la France, mais à la différence de l'Hexagone, le pays a enregistré une croissance plus faible sur le premier trimestre 2016 (+0,3 % contre +0,6 % en France). En fait, la troisième économie de la zone euro souffre d'évidence d'une croissance chroniquement faible. En cinq ans, la richesse italienne a ainsi reculé de 4,1 % tandis qu'elle a progressé de 2,5 % dans la zone euro.

Déprime de la demande intérieure

L'Italie a pourtant, sous la pression de la BCE qui avait exigé la constitution fin 2011 la mise en place d'un gouvernement d'union nationale dirigé par Mario Monti pour « faire des réformes ». Mais cette stratégie a pesé sur la demande intérieure et n'a pas permis de relancer l'économie, bien au contraire. Selon les chiffres de l'Istat, au deuxième trimestre 2016, la demande intérieure italienne a continué de peser sur la croissance. La consommation des ménages, qui, depuis un an, était un des rares moteurs de la croissance transalpine n'a progressé que de 0,1 %, ne contribuant pas ainsi à la croissance. Le « Job Acts » de Matteo Renzi, tant admiré en France, n'a pas réellement permis une décrue notable du chômage. Le taux de chômage reste en effet élevé à 11,4 %. De plus, les salaires demeurent sans dynamique, ce qui ne favorise pas la consommation alors que le prix de l'énergie commence à remonter.

Parallèlement, l'État italien a réduit ses dépenses de 0,3 %, enlevant 0,1 point de PIB à la croissance. Au premier trimestre, les administrations publiques avaient apporté une contribution nulle à la croissance. En Italie, la fin de l'austérité n'est donc pas d'actualité. L'Etat, soumis aux obligations des traités européens et à une dette gigantesque de 133 % du PIB alourdie par la récession récente, est incapable de contribuer réellement à la croissance.

Recul des investissements

Mais la grande déception vient surtout des investissements : ils sont en recul de 0,3 % sur le deuxième trimestre et n'ont pas apporté de contribution à la croissance. Les seuls investissements d'équipement sont en recul de 0,8 %. Les progressions des trimestres précédents n'auront donc été qu'un feu de paille, les entreprises procédant à des remplacements indispensables, mais il n'y a pas de vrai dynamique de réinvestissement en Italie. Les problèmes bancaires, mais aussi l'inflation chroniquement faible et l'absence de vraie dynamique interne expliquent cette prudence. Malgré l'austérité, le secteur privé demeure sans ressort en Italie. Et si la contribution extérieure a pu apporter 0,2 point de PIB, les exportations n'ont progressé que de 1,9 %, ce qui est assez faible au regard des efforts fournis et insuffisant pour peser sur les investissements. Cette contribution externe s'explique surtout par la faiblesse de la croissance des importations (+1,5 %), fruit de la demande interne déprimée.

Les enseignements de l'Italie

Le chiffre détaillé de la croissance italienne apporte donc plusieurs enseignements. D'abord, on constate que la reprise européenne est très fragile, dépendante d'un effet liée à l'effet de la baisse du prix de l'énergie sur la consommation qui s'estompe désormais. La stratégie de gains de compétitivité par la dévaluation interne a échoué en Italie comme dans la plupart des autres pays. L'affaiblissement de la demande intérieure et la destruction des structures industrielles imposent un poids durable à l'économie. On constate aussi que l'austérité n'est pas terminée : l'absence d'une action de relance de l'État est clairement un obstacle à la reprise, tandis que les effets de la politique monétaire de la BCE sont faibles, voire inexistants. Enfin, la gestion de la dette italienne reste une entrave majeure à sa croissance. L'importance de la dette conduit à un manque de confiance, mais la réponse de l'Etat, consistant à dégager des excédents primaires chroniques affaiblit encore la croissance et, ainsi, le poids de cette dette. L'Italie est donc dans un cercle vicieux : sa dette est élevée et nuit à la croissance, mais la contraction de la demande publique conduit à renforcer cet effet négatif.

Défi pour Matteo Renzi

Pour Matteo Renzi, ce chiffre est une très mauvaise nouvelle. Si l'acquis de croissance est de 0,7 % au 30 juin, la croissance du pays demeure beaucoup trop faible et la stratégie de « réforme » du président du conseil n'a pas permis de dynamiser l'économie transalpine. Le mécontentement des Italiens a donc toutes les raisons de se confirmer avant le référendum de fin octobre sur les réformes constitutionnelles. Matteo Renzi a mis son mandat dans la balance de ce scrutin où le « non » est majoritaire. Or, en cas de nouvelles élections, le Parti démocrate de Matteo Renzi sera en danger. Les effets politiques de l'austérité, déjà patents en Espagne ou en Grèce, pourraient apparaître en Italie, ouvrant un nouveau front pour l'Europe.