Le gouvernement veut sanctionner les chauffeurs d'Uber

Par Mounia Van de Casteele  |   |  1263  mots
Le texte sur lequel travaille la Commission ne porte pas seulement sur Uber. Il englobe d'autres applications, comme Airbnb (hébergement chez l'habitant), qui fonctionnent sur la base de la mise en relation de particuliers ou travailleurs indépendants
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a évoqué une circulaire pour déclencher "systématiquement l'action publique" contre les chauffeurs UberPop. En outre, la Commission européenne, constatant la disparité des réglementations d'un pays à l'autre, veut mettre en place "cette année" une régulation européenne.

Aux grands maux, les grands remèdes. Face à la polémique déclenchée par l'application mobile de voitures de transport avec chauffeur (VTC) Uber, la Commission européenne espère mettre au point un projet de régulation "cette année", a annoncé mardi la commissaire chargée du Marché intérieur et de l'industrie.

"Nous travaillons de manière intensive pour présenter quelque chose cette année", a expliqué la Polonaise Elzbieta Bienkowska, dans une interview accordée au Handelsblatt, le quotidien allemand des affaires.

  • La Commission européenne veut réguler cette année

"Dans le cas d'Uber, certains Etats de l'Union européenne sont ouverts, d'autres se comportent de manière restrictive. Cela ne correspond pas au marché commun. Nous avons besoin de règles homogènes dans toute l'Europe. Une régulation appropriée devrait harmoniser les opportunités et les risques", a-t-elle estimé.

Le texte sur lequel travaille la Commission ne porte pas seulement sur Uber. Il englobe d'autres applications, comme Airbnb (hébergement chez l'habitant), qui fonctionne sur la base de la mise en relation de particuliers ou travailleurs indépendants, a précisé Mme Bienkowska.

Le projet doit prendre en compte les enjeux de ces nouveaux modèles numériques.

"D'abord les questions d'imposition sont à éclaircir, ensuite les dispositions de droit du travail doivent être régulées. De plus, les consommateurs doivent savoir où ils se situent avec les questions d'assurance par exemple", a détaillé la commissaire.

Basé en Californie, Uber s'est étendu à une vitesse fulgurante partout dans le monde, grâce à son application permettant d'obtenir rapidement une voiture de transport avec chauffeur (VTC), à des prix très compétitifs. La société ne salarie pas les conducteurs (auto-entrepreneurs ou en entreprise unipersonnelle) et provoque souvent la colère des taxis traditionnels, qui crient à la concurrence déloyale.

Cela dit, la majorité des taxis sont aussi des indépendants, notamment ceux qui officient pour le compte de G7 ou Taxis Bleus qui sont en EURL.

L'entreprise américaine est à l'heure actuelle interdite d'exercer en Allemagne et fait l'objet de procédures judiciaires en France, aux Pays-Bas et en Espagne. Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre son expansion : Uber s'est récemment lancé dans les métropoles françaises de Marseille, Strasbourg et Nantes. Une arrivée accueillie là encore par l'ire des taxis locaux.

En réponse, Uber a déposé des plaintes auprès de l'Union européenne contre la France, l'Allemagne et l'Espagne. La compagnie fait valoir que de telles initatives enfreignent la législation de l'UE sur la concurrence et le marché unique.

  • La France s'attaque aux chauffeurs particuliers type UberPop

En attendant, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a mené une nouvelle charge mardi contre le service UberPop - ce service met en relation des particuliers avec des conducteurs non professionnels qui se déplacent avec leur propre véhicule -, affirmant qu'il est "en situation illégale absolue".

Pour lutter contre ce service, le gouvernement va "multiplier les réunions de Codaf (Comités opérationnels départementaux anti-fraude, ndlr) pour qu'il y ait des poursuites à l'égard de ceux qui n'acquittent aucune charge sociale et aucune charge fiscale", a annoncé le ministre, à deux jours d'un mouvement national des organisations des taxis.

"Nous allons le faire par une circulaire adressée aux procureurs par le garde des Sceaux demandant aux procureurs de déclencher systématiquement l'action publique", a-t-il ajouté mardi, lors des questions d'actualité au gouvernement à l'Assemblée nationale.

Les Codaf réunissent différents services de l'Etat (police, gendarmerie, Urssaf, Caf...), placés sous l'autorité du procureur, chargés de lutter principalement contre les fraudes sociales et le travail illégal.

La semaine dernière, Bernard Cazeneuve avait déjà annoncé la saisine par le Premier ministre du "délégué national de lutte contre la fraude afin que les contrôles et actions soient engagés en matière fiscale et sociale".

M. Cazeneuve a également affirmé que le gouvernement saisirait le CSA, "de manière à ce qu'il condamne des publicités mensongères et visiblement en infraction avec le droit".

"Le gouvernement considère que UberPOP est en situation d'illégalité absolue, que le droit doit passer et que les règles de la concurrence doivent être respectées", a martelé une nouvelle fois le ministre de l'Intérieur.

Les organisations de taxis ont appelé mercredi le gouvernement à faire cesser "immédiatement" les applications mobiles qui organisent le transport entre particuliers en menaçant d'un mouvement national illimité à partir du 25 juin.

Il s'agit du premier appel concerté des fédérations et syndicats de taxis depuis la loi Thévenoud promulguée en octobre 2014.

  • Une QPC transmise aux Sages

Reste que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative au fonctionnement du service UberPop va être transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation, selon une décision rendue mardi et consultée par l'AFP. Le Conseil a déjà examiné, en mai, trois QPC soumises par Uber.

En répondant à la première, il a invalidé l'article du code des transports qui réservait aux seuls taxis la tarification à la durée et à la distance, et ainsi autorisé de fait Uber à y avoir recours.

Sur deux autres points, il a jugé conforme à la Constitution l'interdiction de la géolocalisation des véhicules avant réservation et l'obligation faite aux VTC de revenir sur leur lieu de stationnement habituel entre deux courses (retour au garage).

La nouvelle question prioritaire de constitutionnalité soumise par Uber dans le cadre d'une procédure initiée en 2014 devant le tribunal de commerce portait plus particulièrement sur UberPop.

L'article 3124-13 de la loi Thévenoud du 1er octobre 2014 prévoit que "le fait d'organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent" au transport de passagers à titre onéreux sans être des entreprises de transport, des taxis ou des VTC est puni de deux ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende.

Uber conteste la constitutionnalité de cet article et fait valoir, notamment, qu'il porte atteinte au principe d'égalité et de liberté d'entreprendre.

En décidant de transmettre la QPC et de suivre l'avis du parquet général, la Cour de cassation "met en doute la possibilité que la loi Thévenoud puisse interdire de nouveaux modèles de mobilité comme UberPop", a déclaré Thibaud Simphal, directeur général d'UberFrance.

"En attendant, on peut évidemment continuer à offrir la solution UberPop", a-t-il ajouté.

"On va attendre sereinement la décision du Conseil constitutionnel", a pour sa part commenté Alain Griset, président de l'Union nationale des taxis (UNT), intervenant volontaire dans la procédure.

Plusieurs décisions de justice ont déjà été rendues concernant UberPOP, dans des sens parfois opposés.

A Paris et Lyon, des amendes ont déjà été prononcées contre des chauffeurs UberPOP, tandis que le 11 juin, un autre, poursuivi en correctionnelle à Paris pour exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi, a été relaxé.

En octobre, Uber avait été condamné à 100.000 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir présenté comme du covoiturage le service UberPOP. Il a fait appel de cette décision.

(Avec AFP)

_____

>>> Thibaud Simphal, directeur général d'Uber France, était l'invité du Club Entreprise La Tribune-Chambre de commerce de Paris Île-de-France vendredi 13 février. Retrouvez la vidéo intégrale de l'événement sur latribune.fr, rubrique Live Media.

Flash interview de Thibaud Simphal / Propos recueillis par Laurent Lequien