Grèce : un "noeud coulant" toujours plus serré...

Par Romaric Godin  |   |  1688  mots
La situation financière de l'Etat grec devient très tendue.
La situation de plus en plus critique des finances de l'Etat grec rend désormais obligatoire un accord dans les prochains jours. S'il n'est pas trouvé, les événements pourraient se précipiter...

Encore une semaine décisive pour la Grèce... Mais celle-ci et la suivante risquent de l'être un peu plus que les précédentes. Le gouvernement grec s'est en effet donné comme objectif de parvenir à un accord avec les créanciers d'ici à la fin de la semaine.

L'objectif est d'obtenir suffisamment de temps après cet accord de principe pour le valider par une réunion extraordinaire de l'Eurogroupe, puis par la décision officielle du FESF (Fonds européen de Stabilité financière, aujourd'hui pris en charge par le Mécanisme européen de Stabilité, MES), qui gère le programme.

Certains pays, comme l'Allemagne, doivent en effet obtenir une validation parlementaire de l'accord pour donner leur feu vert avant que le FESF ne débloque tout ou partie des 7,2 milliards d'euros qui restent disponibles dans le programme « d'aide à la Grèce » de 2012.

Les échéances de la Grèce envers le FMI

Si un accord n'est pas trouvé cette semaine ou en début de semaine prochaine, un défaut grec semble inévitable. La Grèce doit en effet faire face à plusieurs échéances de remboursement du FMI début juin. Le 5 juin, le pays devra ainsi verser 298,9 millions d'euros à l'institution de Washington. Une semaine plus tard, le 12 juin, ce sont 336,3 millions d'euros qui devront être versés au FMI. Le 16 juin, 560,5 millions d'euros devront être payés aux mêmes créanciers, puis, le 19 juin, une autre échéance de 336,3 millions d'euros est due.

En tout, entre le 5 et le 19 juin, pas moins de 1,532 milliard d'euros doivent être remboursés en juin au FMI. Des sommes qui seront très difficile à rassembler.

La crise de liquidité de la Grèce

On savait déjà que le pays avait eu beaucoup de difficultés à pouvoir honorer son échéance de 756 millions d'euros au FMI le 12 mai. Il ne l'avait fait qu'en recourant à ses 650 millions d'euros de droits de tirage spéciaux mis à sa disposition par le FMI en cas de catastrophe naturelle. Le FMI s'est donc remboursé seul, Athènes ne déboursant qu'une centaine de millions d'euros. Une méthode qui, pour n'être pas inédite dans l'histoire du FMI, n'en prouve pas moins la difficulté de liquidité de l'Etat grec.

On en a eu confirmation ce week-end : le quotidien conservateur grec Kathimerini a indiqué qu'Alexis Tsipras avait écrit à Mario Draghi, Jean-Claude Juncker et Christine Lagarde, qu'il ferait défaut le 12 mai si la BCE n'acceptait pas de verser les 1,9 milliard d'euros d'intérêts touchés sur la dette grecque qu'elle détient. La BCE s'est engagée à reverser à Athènes cette somme, comme elle l'a fait en 2014 sur les intérêts de 2013, mais elle refuse de verser les fonds, les conditionnant à un accord avec les créanciers.

Difficulté à mobiliser les fonds des entités publiques

Que retenir de cette péripétie ? D'abord, mais ce n'est pas une surprise, que les caisses de l'Etat grec sont vides. Il semble que la décision prise le 20 avril de mobiliser les réserves des entités locales ne soit pas encore réellement suivi d'effet.

Selon des sources journalistiques grecques, seules quatre des 325 communes auraient ouverts un compte à la Banque centrale grecque pour verser ces réserves. « nous avons des difficultés avec les municipalités », confirme une source grecque.

Or, cette mobilisation des réserves publiques étaient le dernier recours du gouvernement pour tenir jusqu'en juin ses échéances. Deux milliards d'euros auraient ainsi été disponibles, mais la mauvaise volonté des élus locaux semblent mener le pays au défaut.

L'échéance des salaires et pensions

Du coup, et c'est le deuxième élément que l'on apprendre des informations de ce week-end : la gestion des finances de l'Etat grec se fait au jour le jour, ce que des sources gouvernementales grecques avait confirmé fin avril à La Tribune. Dans ces conditions, un défaut peut survenir à chaque échéance.

Mais surtout, une menace plane sur les versements des salaires et des retraites. Et ce, dès la semaine prochaine. Du 27 au 30 mai, l'Etat doit en effet verser, selon des sources gouvernementales, 1,1 milliard d'euros de salaires et de retraites. Un paiement anticipé de la moitié des salaires, soit 500 millions d'euros, avait été versé au 15 mai. Preuve, là encore, des difficultés de gestion de l'Etat. Le gouvernement préfère pouvoir payer lorsqu'il en a les moyens.

Ce lundi 18 mai, le porte-parole du gouvernement grec a cependant assuré que ces échéances seraient honorées. C'est donc bien la période allant du 5 au 19 juin et les remboursement au FMI qui semblent désormais poser problème. Car désormais, le fonds spécial est épuisé.

Le défaut et ses conséquences

Bref, le « nœud coulant » qui a été noué autour du cou de l'Etat grec à partir des élections du 25 janvier commence à étrangler sérieusement le pays. Nous entrons donc dans la phase finale de cette nouvelle crise grecque. En cas d'échec des négociations cette semaine, le défaut de la Grèce vis-à-vis du FMI semblera difficilement évitable. En soi, ce défaut ne déclenchera pas de cataclysme immédiat. Il ouvrira une « période de grâce » de 30 jours au-delà de laquelle le FMI devra déclarer le défaut de son débiteur.

Dans ces conditions, le FESF devra suspendre le programme et peut alors demander le remboursement immédiat des fonds versés à la Grèce. Soit pas moins de 139,1 milliards d'euros, provoquant un nouveau défaut de l'Etat grec qui ne sera pas davantage en mesure de rembourser les 6,7 milliards d'euros dus à la BCE en juillet et août. Dès lors, la Grèce ne pourra plus compter sur aucune aide extérieure. La BCE pourrait aussi alors couper le robinet de l'aide à la liquidité d'urgence.

Le Grexit...

Dès lors, la Grèce n'aura pas d'autres ressources pour payer les traitements des fonctionnaires et des retraites, mais aussi pour permettre à son économie de fonctionner que de sortir de la zone euro ou d'émettre une monnaie parallèle, notamment sous la forme de bons du gouvernement (« IOU ») ayant valeur monétaire.

Mais cette dernière option ne peut être que temporaire, la « mauvaise monnaie chassant la bonne. » Cette monnaie risque rapidement de se dévaluer rapidement et de faire disparaître les euros de la circulation, faisant de facto sortir la Grèce de la zone euro.

Rappelons alors qu'une telle option ne sera pas sans effets sur le reste de la zone euro, quoi qu'en disent certains analystes. Outre la perte des sommes versées à Athènes, les « partenaires de la Grèce » devront faire face aux pertes du système Target 2 de la BCE et aux conséquences politiques et financière de la fin de l'irréversibilité de l'euro. A noter que cette option peut devenir réalité sitôt que le paiement des salaires et des pensions devient impossible...

Le jeu de poker continue

On n'en est certes pas encore là. Mais désormais, il est impossible de ne pas envisager ce scénario comme proche et possible. Le jeu de poker entre Athènes et ses créanciers devient donc de plus en plus tendu. D'autant que, malgré quelques concessions supplémentaires grecque, les données du problème restent les mêmes depuis deux mois. Les créanciers exigent une capitulation sans conditions des Grecs. C'est « tout ou rien » : toutes les réformes exigées ou pas un centime.

En face, les Grecs s'en tiennent à leurs lignes rouges (pas de baisses des pensions, pas de report de l'âge légal de départ à la retraite, pas de réforme du marché du travail). Dans ce face-à-face, chacun espère que l'autre à plus peur que lui des conséquences d'un défaut et d'une sortie de la Grèce de la zone euro. Mais chaque jour, cette peur devient de plus en plus concrète.

Qui a peur du Grexit ?

Qui a le plus peur du Grexit ? Difficile à dire. Mais on surestime souvent la peur grecque et l'on sous-estime celle des créanciers. La décision du FMI d'accepter le recours au fonds d'urgence prouve que l'institution de Washington n'est pas prête à prendre le risque d'un défaut si elle peut l'éviter.

De même, si la BCE n'a pas libéré les 1,9 milliard d'euros d'intérêts, elle n'a pas durci, comme le voulaient certains, les conditions d'accès à l'ELA, la liquidité d'urgence, qui aurait rendu le Grexit encore plus proche. De son côté, les concessions du premier ministre grec ne sont pas forcément un signe de faiblesse et sa position interne lui interdit toute capitulation.

Le choix difficile d'Angela Merkel

Une des clés de la crise réside sans doute dans la chancellerie à Berlin. Angela Merkel est la seule à pouvoir imposer une solution de compromis aux créanciers. Pour l'instant, elle semble compter toujours sur le fait qu'Alexis Tsipras finira par céder.

Le chef des parlementaires CDU Volker Kauder, un proche d'Angela Merkel a appelé dimanche Athènes à « mettre en place les réformes » pour obtenir les fonds européens. Mais si Athènes ne capitule pas, la chancelière va une nouvelle fois, comme en 2012 et en février dernier choisir. Soit suivre la ligne de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, favorable à un Grexit si Alexis Tsipras ne cède pas. Soit faire des concessions pour faciliter un accord. Jusqu'ici, elle a toujours choisi la deuxième solution, souvent comme une option temporaire. Mais cette fois, il n'est guère possible de gagner du temps. Une fois la Grèce en défaut, la mécanique risque de s'emballer.

Le choix de la chancelière n'est pas facile : critiquée actuellement à sa gauche et à sa droite, elle risque, dans tous les cas, de se faire des ennemis outre-Rhin. Voilà pourquoi elle préfèrerait sans doute qu'Alexis Tsipras cède d'abord. Les conséquences politiques d'un accord semblent devenir un mistigri aussi encombrant que la dette elle-même...