Grèce : Que sont les 35 milliards d'euros promis par Jean-Claude Juncker ?

Par Romaric Godin, à Athènes  |   |  660  mots
Jean-Claude Juncker a promis 35 milliards d'euros à la Grèce.
Pour amener Alexis Tsipras à signer un accord avec les créanciers, le président de la Commission a promis un plan de 35 milliards d'euros. De quoi s'agit-il ? Tentative de réponse...

Que sont donc les fameux 35 milliards d'euros que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a promis à la Grèce en échange d'un accord avec les créanciers ? Lors d'une interview assez offensive accordée à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel le 19 juin dernier, ce dernier se désolait que le premier ministre grec Alexis Tsipras se « plaignait de la commission » au lieu de « dire aux Grecs que je lui ai offert un programme d'investissement pour les années 2014 à 2020 pour son pays. »

Mise en musique

Qu'est-ce donc que ce plan ? Lundi, le vœu de Jean-Claude Juncker est devenu réalité puisque, dans sa proposition d'accord officiel, le gouvernement grec évoque ce « programme d'investissement » et en dit un peu plus sur sa nature. « Pour la période de 2014 à 2020, plus de 35 milliards d'euros sont disponibles pour la Grèce au travers des fonds européens. Pour faciliter leur absorption, le Plan pour l'Investissement de la Commission européenne devrait fournir une source d'investissement supplémentaire ainsi qu'une aide technique pour les investisseurs publics et privés afin d'identifier, de promouvoir et de développer des projets de haute qualité et faisables à soutenir financièrement. »

Ces 35 milliards d'euros ne sont donc pas un « plan pour la Grèce », avatar du plan Marshall, ce sont des fonds déjà disponibles dans le cadre budgétaire européen de 2014 à 2020. Rien de plus, donc, si ce n'est une « mise en musique » supplémentaire de ces fonds et, surtout, leur versement au pays.

Repackaging

Ceci est confirmé par Mina Andreeva, porte-parole de la Commission européenne interrogée par la Tribune qui confirme que ces 35 milliards d'euros sont « disponibles à partir du cadre européen actuel du moment que les conditions sont remplies. » Elle confirme également que la Commission assiste actuellement Athènes pour « piocher dans ces fonds », travail qui est réalisé sous la direction du vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis. « Un paquet de fonds sera annoncé dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines », conclut-elle. Ce plan sera donc, selon une habitude fréquente à Bruxelles, une réutilisation de fonds disponibles existants regroupés sous une appellation commune. Un « repackaging » en quelque sorte.

Un blog grec, Keep Talking Greece, qui s'est aussi penché sur la question, a cité la porte-parole de Pierre Moscovici qui a indiqué que les 35 milliards d'euros se divisent en 20 milliards d'euros de fonds structurels et 15 milliards de fonds agricoles. Une partie de ces fonds devraient prendre la forme de prêts dont l'intérêt et les modalités ne sont pas encore connus.

Une conditionnalité « politique »

Reste un problème de taille : ces fonds devraient être disponibles pour la Grèce non pas en vertu d'un accord avec ses créanciers, qui n'a absolument rien à voir avec la disponibilité de ces fonds, mais en vertu de son adhésion à l'UE et des besoins identifiés par la Commission. On comprend alors mal en quoi les « conditions » de ce plan sont alors liées aux négociations actuelles. « Légalement, il n'y a aucun lien », reconnaît Mina Andreeva. Mais pour ajouter aussitôt : « Le fait que ce plan ne soit pas encore sur la table montre qu'il y a un lien politique. » Autrement dit, la Commission avoue qu'elle a utilisé ces fonds, indépendants des négociations sur le programme grec de 2012, comme un moyen de pression.

Il est assez étonnant de penser que la Grèce, membre jusqu'à nouvel ordre à part entière de l'Union européenne, serait « moins bien servie » dans le cadre de la répartition des fonds européens si elle ne parvenait pas à s'entendre avec les créanciers. La Commission a donc commencé à mettre en place cette « zone euro à deux vitesses » qu'Alexis Tsipras redoutait de voir naître dans sa récente tribune accordée au "Monde". Elle fait également un beau coup de communication en utilisant un moyen de pression sur Athènes comme une bienveillance accordée aux Grecs...