Immigration : le nouveau plan d'action de Bruxelles soulève un tollé

Par Giulietta Gamberini  |   |  762  mots
Les quotas proposés par la Commission européenne seront fixés en fonction de la population, du taux de chômage et du PIB de chacun des 28 Etats membres.
Répartir les demandeurs d'asile entre Etats membres en fonction de quotas préétablis par Bruxelles... L'idée, formalisée mercredi par la Commission européenne, ne plaît ni au Royaume-Uni ni à la Hongrie. Le débat autour d'une politique d'immigration commune s'annonce difficile.

En matière d'immigration, la Commission européenne a désormais son agenda. Le président Jean-Claude Juncker a en effet présenté, mercredi 13 mai, son plan d'action pour l'immigration et l'asile, afin de répondre à la crise en cours en Méditerranée, mais aussi dans le but de dessiner la politique de l'UE pour les années à venir.

Son adoption a été annoncée par la deuxième vice-présidente de l'exécutif européen et haut-représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Dans un tweet, elle a salué le résultat d'un "excellent travail d'équipe" avec le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, ainsi que le commissaire aux Affaires intérieures et à l'Immigration, Dimitris Avramopoulos:

Des quotas par Etat membre

Dans le nouvel agenda, au-delà d'un renforcement des opérations de patrouilles maritimes en Méditerranée, appelées Triton et Poséidon, et de stratégies à plus long terme, figure une mesure phare: l'instauration de quotas de distribution des demandeurs d'asile entre les Etats membres, fixés en fonction de la population, du taux de chômage et du PIB de chacun des 28. L'objectif est de venir en aide aux pays qui se retrouvent aujourd'hui à gérer tout seuls les frontières externes de l'Union européenne, selon une approche résumée en ces termes par Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen fin avril:

"Il s'agit de solidarité partagée."

Or, en vertu du "principe de Dublin" actuellement en vigueur, c'est le pays où le migrant met les pieds en premier qui doit gérer son accueil. Selon le constat dressé mardi 12 mai par Eurostat, en 2014 près des deux-tiers des statuts protecteurs octroyés dans l'Union européenne l'ont été dans quatre États membres -classés en ordre décroissant en fonction du nombre de demandes accueillies: l'Allemagne, la Suède, la France et l'Italie. Au total, les 27 États membres de l'UE pour lesquels les données sont disponibles -tous sauf l'Autriche- ont accordé le statut protecteur à 185.000 demandeurs d'asile l'année dernière: presque 50% de plus qu'en 2013.

L'objectif: accueillir 20.000 demandeurs d'asile

Afin de faire face aux situations d'urgence d'afflux massifs, la Commission s'engage à activer pour la première fois et de manière contraignante un mécanisme de secours mutuel déjà prévu par les traités. Elle proposera, avant la fin du mois de mai, un système de "réallocation" provisoire à l'intérieur de l'UE "des personnes ayant clairement besoin d'une protection internationale" et, avant la fin de l'année, un modèle de distribution définitif.

Quant aux candidats à l'asile non encore en Europe, la Commission envisage d'en accueillir au total 20.000 et d'allouer 50 millions d'euros supplémentaires à ce projet en 2015 et 2016. La répartition de ces demandeurs d'asile entre les pays membres sera proposée avant la fin du mois de mai -de manière probablement non contraignante puisque rien n'est précisé à ce propos dans le communiqué de Bruxelles.

Les Britanniques hostiles

Mais même avant d'être adopté par la Commission, le nouveau schéma, qui avait fuité dans la presse, a déclenché des réactions hostiles. Notamment en provenance du Royaume-Uni, opposé à cette logique de solidarité. Theresa May, ministre de l'Intérieur reconduite dans ses fonctions par David Cameron après sa victoire aux législatives, a ainsi résumé dans les colonnes du Times le point de vue de son gouvernement conservateur:

"Les migrants qui tentent de gagner l'Union européenne en traversant la Méditerranée devraient être renvoyés."

"Je suis en désaccord avec Federica Mogherini quand elle soutient qu'aucun migrant ou réfugié intercepté en mer ne sera renvoyé contre son gré", a-t-elle insisté, estimant: "Une telle approche ne peut qu'encourager plus de gens à risquer leur vie."

Le Premier ministre conservateur hongrois, Viktor Orban, s'est également insurgé contre les quotas, qu'il a qualifiés de "folie". Paris, Berlin et Rome y sont en revanche favorables.

Le texte risque d'être "massacré"

L'agenda adopté par la Commission devra désormais être approuvé par le Conseil européen et le Parlement européen. Selon plusieurs responsables européens proches du dossier cités par l'AFP, "il est fort probable qu'il va être massacré, comme l'a été le dernier plan d'action présenté par la Commission européenne en décembre 2013 après un naufrage près de l'île italienne de Lampedusa".