L'UE bientôt prête à inclure le nucléaire et le gaz dans les investissements verts ?

Par latribune.fr  |   |  790  mots
L'Union européenne est encore loin du consensus, et cette question ne devait pas être évoquée dans les conclusions du sommet de Bruxelles. (Crédits : Reuters)
Hier, une majorité des Vingt-Sept s'est prononcée pour reconnaître le rôle du gaz et du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique, selon plusieurs diplomates. Mais le débat est loin d'être terminé. La Commission européenne doit trancher avant la fin de l'année sur l'intégration, ou non, de l'atome historique et du gaz dans le classement des investissements écologiques et durables ("taxonomie verte").

Le gaz et le nucléaire sont-ils compatibles avec la lutte contre le changement climatique ? La question divise l'Union européenne, notamment celle de l'atome, avec une Allemagne contre et une France pour. Mais une majorité défend leur place dans la taxonomie des énergies vertes.

Les Vingt-Sept se sont prononcés jeudi au sommet de Bruxelles pour intégrer le gaz et l'atome historique dans liste des énergies considérées comme vertueuses à la fois pour le climat et l'environnement ("taxonomie verte"), selon plusieurs diplomates. Cette classification a pour objectif de donner aux investisseurs la liste des activités pouvant être considérées comme bénéfiques pour le climat afin de favoriser l'orientation des capitaux privés vers des activités qui soutiennent les objectifs climatiques de l'Union européenne, qui s'est engagée à réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. C'est néanmoins à la Commission européenne de trancher et de proposer une liste avant la fin de l'année. A noter que cette proposition pourra être rejetée par les eurodéputés ou une majorité d'Etats membres.

L'envolée des prix de l'énergie semble avoir créé un contexte favorable au nucléaire. En effet, sur l'année 2021, les prix devraient augmenter de plus de 80% en moyenne, comparé à l'an dernier, selon la Banque mondiale dans son rapport sur les Perspectives des marchés des produits de base. Cette flambée historique des cours menace l'activité des entreprises les plus gourmandes en énergie et accentue les pressions inflationnistes mondiales liées à la reprise économique après la crise du Covid-19.

Un débat loin d'être terminé

Toutefois, l'Union européenne est encore loin du consensus, et cette question ne devait pas être évoquée dans les conclusions du sommet de Bruxelles.

Le 11 octobre, la France et neuf autres Etats ont publié une tribune soutenant le nucléaire, soulignant qu'elle a un rôle à jouer contre le réchauffement climatique. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et la ministre déléguée chargée de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher ont signé ce texte qui met également en avant le fait que le nucléaire "contribue de manière décisive à l'indépendance de nos sources de production d'énergie et d'électricité"Ce texte a également été signé par la Roumanie, la République tchèque, la Finlande, la Slovaquie, la Croatie, la Slovénie, la Bulgarie, la Pologne et la Hongrie. Les Pays-Bas se sont ralliés récemment à cette position. Cette tribune intervient dans un contexte de montée du prix de l'énergie mais aussi d'un intense lobbying des pays pro-nucléaire en vue de cette classification.

De son côté, le vice-président de l'exécutif européen Valdis Dombrovskis avait défendu le nucléaire lors d'une réunion des ministres des Finances. "Il est important que nous reconnaissions le rôle du nucléaire en tant qu'énergie bas carbone dans notre effort" de réduction des émissions de CO2, avait déclaré le responsable letton. De plus, dans un rapport rendu fin mars, le service scientifique de la Commission (JRC) a estimé qu'"aucune analyse ne fournit de preuves scientifiques que l'énergie nucléaire porte atteinte à la santé humaine ou à l'environnement davantage que les autres énergies" susceptibles d'intégrer la taxonomie.

Au contraire, d'autres pays comme l'Allemagne, l'Autriche ou le Luxembourg y sont farouchement opposés. En Allemagne, les dernières centrales nucléaires s'arrêteront de tourner en 2022, dix ans après le choix du pays de renoncer à l'atome. Cet été, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg et l'Espagne ont envoyé une lettre à la Commission européenne appelant à ce que l'énergie nucléaire ne soit pas intégrée au sein de la taxonomie verte.

"Nous craignons que l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie ne porte définitivement atteinte à son intégrité, à sa crédibilité et donc à son utilité", ont écrit les ministres de l'environnement et de l'énergie des cinq pays membres dans la lettre que s'est procurée le média Euractiv. "De nombreux épargnants et investisseurs perdraient confiance dans les produits financiers commercialisés comme "durables" s'ils devaient craindre qu'en achetant ces produits, ils financent des activités dans le domaine de l'énergie nucléaire", estiment-ils.

Ces pays dénoncent notamment le problème du stockage à très long terme des déchets radioactifs, à l'instar de nombreuses ONG qui y voient une technologie risquée.

Quant au gaz, il serait un mal nécessaire transitoire selon plusieurs pays. L'Allemagne et la Pologne souhaitent par exemple qu'il soit inclus dans la taxonomie en tant que technologie de « transition », permettant de remplacer le charbon.